INTERNATIONAL

Le prix Nobel de la paix remis à des rescapés d’Hiroshima et de Nagasaki opposés à l’arme nucléaire

décembre 10, 2024 14:00, Last Updated: décembre 10, 2024 17:12
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Le Nobel de la paix est remis ce mardi 10 décembre au groupe japonais de survivants de la bombe atomique, Nihon Hidankyo, qui milite contre l’arme nucléaire, menace redevenue d’actualité près de 80 ans après les bombardements de Hiroshima et Nagasaki.

La récompense a été reçue peu après 13H00 (12H00 GMT) à l’hôtel de ville d’Oslo par les trois coprésidents de l’association qui œuvre pour une planète débarrassée de ces armes, à l’heure où des Etats tels que la Russie menacent de briser le tabou de leur emploi.

« Je pense que la déclaration de M. Poutine concernant l’éventuelle utilisation d’armes nucléaires nous a soudainement plongés dans une situation très grave face à cette menace », a déclaré un membre du trio, Terumi Tanaka, dans un entretien avec l’AFP quelques heures avant la cérémonie.

Terumi Tanaka, représentant le groupe Nihon Hidankyo, lauréat du prix Nobel de la paix 2024, donne une conférence de presse à Oslo, en Norvège, le 9 décembre 2024, à la veille de la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix. (ODD ANDERSEN/AFP via Getty Images)

Le président russe Vladimir Poutine agite régulièrement la menace atomique pour l’emporter dans le conflit en Ukraine et a récemment modifié par décret les possibilités de recourir aux armes nucléaires.

Pour frapper une ville ukrainienne, l’armée russe, qui dispose du plus gros arsenal atomique au monde, a démonstrativement fait usage le 21 novembre d’un missile balistique de portée intermédiaire, un engin conçu pour porter l’arme nucléaire, dont il avait été démuni pour ce tir.

La Russie est prête à utiliser « tous les moyens » possibles pour se défendre, a répété quelques jours plus tard le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

Pour une planète débarrassée de ces armes de destruction massive

S’appuyant sur les témoignages de survivants – les « hibakusha » – des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki, Nihon Hidankyo milite, elle, inlassablement pour une planète débarrassée de ces armes de destruction massive.

Des Hibakushas, survivants des attaques nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki, posent avec une banderole sur laquelle on peut lire « plus d’Hiroshima, plus de Nagasaki », avant d’assister, en tant qu’invités, à la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix à l’hôtel de ville d’Oslo, en Norvège, le 10 décembre 2024. (ODD ANDERSEN/AFP via Getty Images)

Les bombardements américains sur ces deux villes japonaises, les 6 et 9 août 1945, firent quelque 214.000 morts et précipitèrent la capitulation du Japon ainsi que la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Cette photo prise le 27 novembre 2024 montre Michiko Murata, qui aide à diriger la Fédération de Tokyo des organisations de victimes de la bombe atomique, qui se fait appeler « Toyukai », posant sur la tombe des survivants japonais des bombardements atomiques dans la ville de Hachioji, dans la préfecture de Tokyo. Selon le gouvernement, le Japon compte actuellement quelque 106 800 survivants de la bombe atomique, appelés « hibakusha ». Leur moyenne d’âge est de 85 ans. (YUICHI YAMAZAKI/AFP via Getty Images)

Terumi Tanaka avait 13 ans quand Nagasaki a été pulvérisée par la bombe dont l’hypocentre était à trois kilomètres à l’ouest de son domicile. Cinq membres de sa famille ont été tués. Il était à l’étage, lisant un livre quand la bombe A a été larguée.

« J’ai entendu l’explosion, j’ai soudain vu une lumière blanche éclatante qui entourait tout, et tout est devenu silencieux. J’étais sidéré. Je me suis senti en danger de mort », a-t-il raconté à l’AFP via une interprète.

Accouru au rez-de-chaussée, il perd conscience quand deux portes vitrées, soufflées par la détonation, s’abattent sur lui, sans que le verre se brise. « Un miracle », dit-il. Trois jours plus tard, sa mère et lui partent s’enquérir du sort de la famille. C’est là qu’il mesure l’ampleur du désastre.

« Tout était noir et calciné »

« Quand nous sommes arrivés sur une crête au sommet des collines, nous avons pu voir la ville en contrebas. C’est à ce moment-là que, pour la première fois, nous avons vu qu’il ne restait absolument plus rien. Tout était noir et calciné », se souvient-il.

Il raconte les personnes gravement blessées fuyant la ville, les corps carbonisés des deux côtés de la route, celui de sa tante, morte, qu’ils incinéreront « de (leurs) propres mains ».

« J’étais assommé, incapable de ressentir quoi que ce soit », confie-t-il.

Des enfants chantent devant des bougies lors d’un concert de prières pour les victimes de la bombe atomique au Parc de la Paix à Nagasaki, dans l’ouest du Japon, le 9 août 2003, à l’occasion du 58e anniversaire de la dévastation par la bombe A. (STR/AFP via Getty Images)

Russie, Corée du Nord, Iran

Pour les Occidentaux, la menace vient aussi aujourd’hui de la Corée du Nord qui multiplie les tirs de missiles balistiques et de l’Iran, soupçonné de vouloir se doter de l’arme atomique, ce que Téhéran dément.

Neuf pays détiennent aujourd’hui l’arme atomique: Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord et, non officiellement, Israël.

Des armes  « moralement inacceptables »

En 2017, 122 gouvernements avaient négocié et adopté le traité historique sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) à l’ONU, mais la portée de ce texte est essentiellement symbolique puisqu’aucune puissance nucléaire ne l’a signé.

« Il est crucial pour l’humanité de préserver le tabou nucléaire, de stigmatiser ces armes comme étant moralement inacceptables », a déclaré lundi le président du comité Nobel, Jørgen Watne Frydnes.

Le président du comité Nobel norvégien Jørgen Watne Frydnes s’exprime à l’hôtel de ville d’Oslo au début de la remise du prix Nobel de la paix 2024, le 10 décembre 2024 . (ODD ANDERSEN/AFP via Getty Images)

« Menacer de les utiliser est une manière de réduire le sens de ce tabou, et cela ne devrait pas être fait. Et bien sûr, leur utilisation ne devrait jamais, sous aucun prétexte, être répétée par aucune nation sur Terre », a-t-il ajouté.

Les Nobel dans les autres disciplines (littérature, chimie, médecine, physique, économie) seront également remis dans la journée à Stockholm en présence du roi de Suède, Carl XVI Gustaf.

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