Les conséquences de ce projet de loi sont « monstrueuses » pour « l’environnement », « les insectes, les oiseaux et l’ensemble du vivant », souligne l’ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho.
Les dérogations temporaires prévues par la France pour permettre à ses agriculteurs de réutiliser des insecticides néonicotinoïdes, tueurs d’abeilles, seraient « réservées » à la culture de la betterave et ne pourraient être étendues à d’autres cultures, a assuré le gouvernement mercredi 2 septembre.
Un projet « inacceptable »
Mais le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, jugeant le projet « inacceptable », a regretté dans un communiqué que dans sa rédaction actuelle, le texte ne mentionne pas la betterave sucrière de façon explicite et « laisse la porte ouverte à de futures autres dérogations ». Début août, les producteurs de maïs avaient en effet clairement indiqué qu’ils souhaitaient eux aussi bénéficier d’une dérogation. Le projet de loi se réfère à un texte européen générique et ne peut mentionner aucune culture en particulier, mais l’arrêté qui suivra sera spécifiquement axé sur les betteraves, a répondu une source gouvernementale.
Le projet de loi, présenté jeudi en conseil des ministres malgré l’opposition des écologistes et des apiculteurs, s’appuie sur l’article 53 du règlement européen sur les phytosanitaires permettant de déroger à l’interdiction de certains produits lorsqu’il existe un « danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables ».
Ici le danger identifié est la « jaunisse de la betterave », transmise par un puceron vert vecteur du virus, qui se développe sur les cultures dont les semences n’ont pas été enrobées au préalable de cet insecticide. La baisse des rendements induite menace la pérennité de la filière sucrière française, qui emploie 46 000 personnes, dont une bonne partie dans des usines de transformation, estime la profession.
Suite à la loi biodiversité de 2016, la France est le seul pays de l’UE à avoir mis en œuvre en septembre 2018 une interdiction totale des neonicotinoïdes. Douze autres pays européens producteurs de betteraves ont demandé et obtenu des dérogations qui préservent leurs rendements et leur industrie sucrière, dont la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Espagne et la Pologne.
De source gouvernementale, on précise que la ré-autorisation, valable pour 2021, 2022 et 2023, sera soumise à un arrêté pris chaque année par les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement.
La jaunisse de la betterave touche surtout les zones sud de la culture, où le taux peut aller jusqu’à 80%, alors que dans le nord, les parcelles les plus touchées ne le sont qu’à 15%, a précisé la source gouvernementale.
Selon le gouvernement, « les faits ne permettent ni d’affirmer ni de démontrer » que la maladie touche plus les cultures en conventionnel qu’en biologique, comme l’affirment des associations écologistes, en raison notamment des trop faibles surfaces en bio (0,5% du total des plantations) et de l’hétérogénéité du territoire. « Quand bien même les cultures biologiques montreraient plus de résistance à cette maladie, il ne peut s’agir d’une réponse à court terme à la jaunisse, car la transition des agriculteurs vers le bio prend beaucoup de temps », a souligné la source gouvernementale.
Des conséquences « monstrueuses »
La ré-autorisation temporaire sera accompagnée d’une série de mesures pour l’encadrer, notamment un budget de 5 millions d’euros pour accélérer la recherche de solutions agronomiques permettant d’éviter les néonicotinoïdes, un dispositif d’indemnisation des agriculteurs touchés, et la mise en place d’ici la fin de l’année d’un plan de protection des pollinisateurs.
Le parti Génération Écologie (GE) a lancé mercredi une campagne contre ce projet de loi, pris selon sa présidente et ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho, « sous la pression des lobbys de l’industrie du sucre » et dont les conséquences sont « monstrueuses » pour « l’environnement », « les insectes, les oiseaux et l’ensemble du vivant ».
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