Christophe Girard, qui a passé plus de vingt ans à la BAC (brigade anticriminalité) de Paris, a confié sa descente aux enfers au micro d’Audrey Crespo-Mara ce dimanche 29 septembre.
Invité dans « Sept à Huit », Christophe Girard a livré un puissant témoignage ce dimanche, confiant avoir fait deux tentatives de suicide au cours de sa carrière. Marqué par ses nombreuses interventions, le policier de terrain à la BAC était confronté chaque jour à des situations dangereuses. Il ne s’est pas rendu compte de l’impact que cela a eu sur son être. À 41 ans, alors père de deux enfants, il a tenté une première fois de mettre fin à ses jours, puis une seconde.
« Certains n’ont pas de limites »
« C’est des années et des années de souffrance dues à toutes ces interventions qui m’ont marqué malgré moi », explique-t-il, alors même que devenir policier était un rêve d’enfant.
Avant d’en arriver à vouloir tenter de mettre fin à ses jours, il précise à Audrey Crespo-Mara que son métier lui procurait « des décharges d’adrénaline ». « On ne peut pas imaginer en fait », souligne-t-il avant de détailler la multitude des opérations menées sur le terrain, allant « des courses poursuites » aux « interpellations » en passant par les « braquages », les vols de voitures, sans oublier le « vol de sac à mains de la petite mamie » et le « viol sous la menace d’une arme en direct ».
Mais ce qui l’a le plus marqué dans cette violence au quotidien, c’est de voir « à quel point elle peut être débridée », car « certains n’ont pas de limites ». « Une vie humaine ça vaut plus grand-chose maintenant », se désole-t-il.
« C’est comme dans les films d’horreur »
Indiquant avoir été souvent confronté à la mort, il explique s’être retrouvé dans des situations où « c’est comme dans les films d’horreur ». Profondément marqué par l’une d’entre elles, il raconte qu’un jour, un individu est arrivé chez son ex compagne et l’a trouvée avec son nouveau compagnon. Poussée par la jalousie, il lui a fracassé le crâne à coups de machette. Au moment où lui et ses collègues se sont présentés à la porte, ils ont senti une odeur d’essence. L’individu « a allumé le briquet, et tout a explosé, tout a pris feu », poursuit-il. À la suite de cette explosion, Christophe Girard a perdu une partie de son ouïe.
Dans son métier, il indique être confronté à des personnes de plus en plus armées et déterminées, n’hésitant pas à ouvrir le feu sur les véhicules de police « à la kalachnikov ». « On se sent tout petit en face », en convient le policier. À la mort, il dit ne pas y penser « sur le moment ». En revanche, il réalise après coup avoir frôlé la mort. « Je passe des nuits et des nuits entières, sans dormir, à revivre des choses », déplore le fonctionnaire, qui pensait « pouvoir effacer ça de [sa] mémoire », mais n’y est pas parvenu.
Parler de toutes ses émotions et de ce qu’il ressent avec ses collègues, cela n’arrive jamais. Craquer, encore moins. « Je me suis longtemps caché, jusqu’à ce que je ne puisse plus me maîtriser », poursuit-il, expliquant que lorsque cela est arrivé, c’était en pleine nuit. Sa femme lui a demandé ce qu’il se passait mais il n’a pas pu lui répondre.
« Ce fichu métier m’a tout pris en fait, jusqu’à ma femme et mes enfants »
Entre le manque de sommeil et la violence du quotidien, Christophe Girard était devenu très irritable, voire absent parfois. À tel point que son épouse a voulu le quitter, l’ayant averti plusieurs fois de cette éventualité. « J’étais quand même très souvent au travail, de nuit, de jour ou de jour et de nuit », raconte celui qui reconnaît être alors devenu « invivable » car constamment en colère. « Ce fichu métier m’a tout pris en fait, jusqu’à ma femme et mes enfants », se désole-t-il.
Lors de sa première tentative de suicide, il était seul chez lui, a pris un mélange de somnifères et d’alcool fort. Par chance, l’un de ses collègues – « qui est déjà passé par là lui aussi » – lui a envoyé un SMS. Comme la réponse qu’il a obtenu de Christophe Girard était incohérente, il a décidé de se rendre chez lui. Quant il l’a découvert, il a aussitôt alerté son épouse et appelé les pompiers.
Après cet épisode, durant un certain temps il a fait semblant d’« aller mieux ». Mais il est retombé encore plus gravement dans la dépression, ce qui l’a conduit à une deuxième tentative de suicide. « À ce moment-là je suis persuadé de ne pas être un bon mari, de ne pas être un bon père, et même de ne pas être un bon flic. Donc je suis un bon à rien en fait », se souvient-il. Ce jour-là, il était au volant de sa voiture, s’est saisi de son arme de service et l’a braquée sous son menton.
C’est le regard de son chien qui l’a sauvé. « De voir le chien me regarder avec ses yeux remplis de questions… », cela l’a ramené « à la vie ». « C’est comme si je m’étais réveillé d’un état second, et je me suis dit ‘mais qu’est-ce que je suis en train de faire ?’ », se remémore-t-il.
« J’ai perdu plus de collègues par suicide que sur des interventions difficiles »
En raison du traumatisme dû à son travail, il lui est alors devenu impossible d’aller dans des endroits bondés de monde, tels que des concerts, n’arrivant pas « à maîtriser tous les gens » se trouvant autour de lui. « Je sais que le danger peut venir de partout, et je sais qu’il peut nous surprendre à n’importe quel moment. Et c’est pour ça que je suis tout le temps sur le qui-vive », détaille-t-il encore, qualifiant cet état d’« hypervigilance ».
Christophe Girard est désormais enquêteur à la brigade des Stups de la police judiciaire et va bien. Mais nombre de ses collègues ont mis fin à leurs jours. « J’ai perdu plus de collègues par suicide que sur des interventions difficiles », lâche-t-il enfin avant de conclure que « dans la police, c’est en moyenne 45 suicides par an ».
Malgré la dure réalité de cette profession, sa fille, âgée de 19 ans, lui a avoué son désir de s’engager dans la police. Même si Christophe espère qu’elle changera d’avis, il l’accompagnera néanmoins du mieux qu’il pourra dans cette voie si tel est son souhait. Aujourd’hui, il ne peut que la prévenir des dangers d’un tel métier, sans pour autant la dissuader.
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