Le faisceau de la lampe perce l’obscurité du Tombeau des rois, joyau archéologique vieux de 2.000 ans au cœur de Jérusalem et propriété de la France auquel les juifs ultra-orthodoxes réclament accès.
Des chambres à alcôves reliées entre elles par des marches taillées dans la pierre renfermaient autrefois des sarcophages. Ce remarquable exemple d’architecture funéraire de l’époque romaine passe pour l’un des plus grands complexes de cette période dans la région. L’accès est fermé au public depuis 2010 et le site semble abandonné, simplement signalé par un grand drapeau bleu-blanc-rouge flottant au vent et un portail surmonté de l’inscription « République française – Tombeau des rois ». L’AFP a pu y pénétrer récemment.
« Il s’agit probablement du plus important, du plus fascinant et du plus grand monument de Jérusalem en dehors de la Vieille ville » proche, dit Yuval Baruch, en charge de Jérusalem pour l’Autorité archéologique israélienne. Les lieux sont clos pour des travaux de restauration chiffrés à environ un million d’euros. Leur statut unique, leur vénération par les juifs et le contexte particulier à Jérusalem en compliquent encore davantage la réouverture. Beaucoup de ce qui a trait à l’archéologie dans la ville est teinté de religion et de politique.
Cette perle est située à Jérusalem-Est, partie palestinienne de Jérusalem, mais Israël considère toute la ville comme sa capitale, les Palestiniens espèrent aussi faire de Jérusalem-Est celle du futur Etat auquel ils aspirent. Des groupes de juifs ultra-orthodoxes se réunissent parfois devant le site pour obtenir le droit d’entrer et de prier. Le tombeau est un lieu sacré d’inhumation de leurs ancêtres, disent-ils.
« Tout ce que nous demandons, c’est à entrer, prier et repartir », dit Natanel Snir, venu brièvement prier sur place avec une douzaine d’hommes. L’inquiétude quant à la réouverture est que le site ne devienne davantage religieux qu’archéologique. La question de l’accès et du droit de propriété français a été portée devant la plus haute cour rabbinique. La procédure est abandonnée pour l’instant, à la demande des Affaires étrangères israéliennes, mais des discussions sont en cours sur sa reprise, dit Rachel Shakargy, en charge de ces questions auprès des tribunaux rabbiniques.
Avant de rouvrir les deux lourdes portes en métal menant aux vestiges, la France attend la garantie qu’elle ne fera pas face à de nouvelles procédures, et des assurances sur les visites et la gestion du site. Sollicitées par l’AFP, les autorités françaises ont décliné tout commentaire. Les Affaires étrangères israéliennes se contentent de dire que les négociations continuent. Le site et le droit de propriété français ont une histoire complexe.
Les fouilles ont débuté autour de 1860, quand Jérusalem appartenait à l’empire ottoman, relate l’archéologue français Jean-Baptiste Humbert, qui a travaillé sur le site. Il s’agirait des premières fouilles modernes en Terre sainte, ajoute-t-il. En 1863, le français Félicien de Saulcy, considéré comme l’un des pères de l’archéologie biblique, prend en main le projet et cherche à confirmer qu’il a affaire aux tombes des rois Salomon et David. L’hypothèse a été écartée, mais le nom du tombeau est resté.
Plusieurs sarcophages ont été découverts à l’intérieur et se trouvent maintenant au Louvre. L’un d’eux porte une inscription en araméen qui, selon la théorie la plus communément admise, fait référence à la reine Hélène d’Adiabène (dans l’actuel Kurdistan irakien), qui aurait fait construire le tombeau pour sa dynastie. Elle se serait convertie au judaïsme et aurait été enterrée à Jérusalem. Le tombeau aurait été par la suite réutilisé au fil du temps.
Après les excavations conduites par de Saulcy, le site est acheté par les frères Pereire, des banquiers français juifs qui le cèdent ensuite à la France. Au bord de l’ancienne route menant à Damas, à 700 mètres de la Vieille ville, les marches de pierre mènent à deux bains rituels, puis une cour intérieure conduisant aux tombes, qui se déploient sur 250 m².
« C’est un tombeau bien trop grand » pour la reine Hélène, juge M. Humbert. D’autres indicateurs, de datation par exemple, contredisent la thèse d’Hélène d’Adiabène, dit-il. L’archéologue pense que le tombeau aurait été bâti par Hérode Agrippe, le petit-fils d’Hérode le Grand. Quels qu’aient été les instigateurs, le tombeau a capturé l’imagination des visiteurs, comme le montrent des photos de l’empereur allemand Guillaume II, en visite en 1898.
Pour Yuval Baruch, le site devrait rouvrir et les sarcophages revenir de Paris. « Il doit rester ou exister comme site culturel archéologique, et bien sûr si, individuellement, on veut s’y rendre et prier, on peut le faire », dit-il.
D.C avec AFP
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