Le vice-président zimbabwéen limogé Emmerson Mnangagwa a fui le pays, mais promis mercredi de défier le président Robert Mugabe et son épouse Grace, qui se prennent pour des « demi-dieux » et ne servent, selon lui, que leurs intérêts.
Deux jours après son éviction, M. Mnangagwa, longtemps pressenti comme un possible dauphin du chef de l’État, est sorti du silence pour s’en prendre violemment au couple Mugabe.
Le président, au pouvoir depuis 1980, est « une personne entêtée qui pense être en droit de diriger jusqu’à sa mort » le Zimbabwe, a dénoncé son ancien bras droit dans un communiqué, annonçant qu’il avait fui son pays à cause de « menaces incessantes ». Il n’a pas précisé où il s’était réfugié.
M. Mugabe, à 93 ans le plus vieux chef d’État en exercice de la planète, a prévu de se présenter à la présidentielle de 2018 et assuré qu’il comptait régner jusqu’à ses 100 ans.
« Le temps est venu de dire non aux demi-dieux et personnes qui sont autocentrées et ne pensent qu’à elles-mêmes et leur famille », a estimé l’ancien vice-président, dans une attaque directe contre M. Mugabe et son épouse Grace.
Le parti de la Zanu-PF (au pouvoir) « n’est pas votre propriété personnelle ni celle de votre épouse, comme bon vous semble », a encore lancé M. Mnangagwa, promettant de « revenir au Zimbabwe pour diriger » la formation politique.
Mais dans la soirée, la Zanu-PF a annoncé son expulsion, sur décision « unanime » du politburo, l’organe suprême de décision du parti, selon le porte-parole de la Zanu-PF, Simon Khaya Moyo.
Surnommé le « Crocodile » en raison de son caractère impitoyable, ancien patron des services de renseignements, M. Mnangagwa avait été démis lundi de ses fonctions de vice-président pour son « manque de loyauté » envers le chef de l’État.
Une décision interprétée par l’opposition comme une stratégie destinée à laisser le champ libre à la Première dame, âgée de 52 ans, pour succéder le moment venu à son mari, à la santé chancelante.
Depuis des semaines, M. Mnangagwa était la cible d’une campagne de dénigrement orchestrée par Mme Mugabe, connue pour son tempérament de feu.
La Première dame « a déversé de fausses informations, des commentaires injustes et irresponsables à mon égard », a affirmé mercredi l’ancien vice-président.
Elle l’a accusé d’avoir ourdi des complots, notamment d’avoir préparé un coup d’État au moment de l’indépendance en 1980.
M. Mugabe a défendu pour la première fois mercredi sa décision de se débarrasser de son vice-président, qu’il n’a pas encore remplacé.
« On lui a réglé son compte et nous espérons faire de même avec ceux qui conspiraient avec lui », a-t-il déclaré au quartier général de son parti à Harare devant des milliers de ses partisans venus apporter leur soutien au couple présidentiel après un week-end houleux.
Samedi, Grace Mugabe, qui dirige la puissante Ligue des femmes de la Zanu-PF, avait été huée à l’occasion d’une réunion politique à Bulawayo (ouest), deuxième ville du pays.
Mercredi, elle a salué « le président pour toujours du Zimbabwe ». « Personne ne te remplacera jusqu’à ce que Dieu en décide autrement », a-t-elle affirmé sous les applaudissements.
Dans sa conquête du pouvoir, Grace Mugabe est soutenue au sein de la Zanu-PF par le groupe « G-40 », composé de jeunes militants de moins de 40 ans réputés pour leur agressivité. M. Mnangagwa peut lui compter sur l’appui des anciens combattants de la guerre d’indépendance.
Leur président, Chris Mutsvangwa, a cependant exclu la possibilité d’un renversement de régime après l’éviction du « Crocodile ».
« On ne soutient pas les coups D’état », a-t-il affirmé lors d’un point presse mercredi à Johannesburg, accusant Grace Mugabe d’être l’auteur d’un « coup D’État grâce à son certificat de mariage ». « Nous devons nous y opposer », a-t-il lancé.
M. Mnangagwa « va-t-il encourager le peuple à descendre dans la rue ? », s’est demandé Derek Matyszak, analyste à l’Institut des études de sécurité (ISS) à Pretoria. « Ca reste à voir », a-t-il répondu, prudent.
Figure du régime en place depuis 1980, M. Mnangagwa fut l’un des lieutenants les plus fidèles de Robert Mugabe jusqu’à sa disgrâce.
Il est accusé d’être l’architecte des « atrocités de Gukurahundi » dans les années 1980, où des soldats entraînés en Corée du Nord avaient massacré des milliers de civils pour mater l’opposition dans la région zimbabwéenne du Matabeleland.
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