ARTS ET CULTURE

Le vice s’autodétruit : les méchants dans « Le Comte de Monte-Cristo »

décembre 16, 2024 17:59, Last Updated: décembre 17, 2024 15:44
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Depuis sa première publication en feuilleton entre 1844 et 1846, Le Comte de Monte-Cristo a captivé les lecteurs par le drame brut et la simplicité essentielle de son intrigue.

C’est l’histoire d’un jeune homme, Edmond Dantès, qui est sur le point de s’épanouir pleinement, d’épouser la femme qu’il aime et de s’occuper de son père démuni pendant sa vieillesse. Alors que le bonheur de ce jeune homme est à son apogée, quatre hommes malveillants provoquent ce qu’ils croient être sa perte. Enfermé dans un cachot sans possibilité d’appel, Edmond parvient à s’évader au bout de 14 ans. Bientôt, il devient propriétaire d’une incroyable fortune et connaît une ascension fulgurante. Mais cette fortune ne signifie qu’une chose pour lui : la possibilité de se venger de ses ennemis s’il planifie et attend suffisamment longtemps.

Même ceux qui n’ont pas lu le livre – ou regardé l’adaptation cinématographique – connaissent ce schéma. C’est plus qu’une histoire ; malgré son intrigue de vengeance, elle est en fin de compte libératrice et rassurante : une personne peut non seulement se délivrer du mal, mais aussi l’écraser.

Cette représentation d’Edmond Dantès a été réalisée par Pierre Gustave Eugène Staal, d’après une édition de 1888 du Comte de Monte-Cristo. (Domaine public)

Le vice trouve son propre châtiment

Cette histoire de vengeance s’appuie sur un grand thème : la vertu n’est peut-être pas toujours récompensée, mais le vice est toujours puni.

Les façons particulières dont les antagonistes s’en prennent à Dantès sont autant de leviers qui les mènent à leur propre destruction finale. L’auteur, Alexandre Dumas, montre clairement que même sans l’action directe du comte (Dantès), chaque antagoniste crée son propre enfer avec le mal qu’il accomplit. La lâcheté engendre le désespoir, la jalousie conduit à la perte de l’intégrité, et la malice intelligente se révèle être une stupidité inepte.

Prenons l’exemple du moins coupable des conspirateurs, Caderousse. Son crime est d’avoir manqué de courage pour prendre la défense d’Edmond Dantès. Pourtant, l’histoire de sa vie est un avertissement : la lâcheté est l’acte le plus dangereux qui soit. Son refus de défendre la vérité, quand il est encore simple de le faire, rend la tâche plus difficile par la suite. Sa vie devient une série de fuites de situations inconfortables. Il épouse une femme qui l’écrase, un exemple de la façon dont la lâcheté crée des relations dysfonctionnelles. Il ne parvient pas à lui tenir tête lorsqu’elle lui suggère un plan meurtrier, un plan qui se termine par sa trahison, sa fuite et sa transformation en vagabond et en hors-la-loi. Réduit au chantage et au vol, il meurt, comme il se doit, poignardé dans le dos.

Bien qu’il soit tentant d’être plus indulgent envers ceux qui ne font pas le bien qu’envers ceux qui font le mal, la situation de Caderousse est un rappel à l’ordre saisissant. Les péchés d’omission, comme la lâcheté, sapent la force intérieure tout autant que les péchés de commission. L’homme qui s’abstient d’accomplir une bonne action qui lui est proposée finira par faire de plus en plus de mal.

Après Caderousse, Fernand Mondego, le rival amoureux de Dantès, peut sembler celui que l’on peut le plus excuser. Il porte le document de dénonciation de Dantès aux autorités, mais il s’agit clairement d’un crime passionnel. C’est son amour pour Mercédès, et non la haine, qui motive le crime.

Ici aussi, Alexandre Dumas dépeint habilement et implacablement la logique du péché. Commettre le mal par amour ne fait que détruire l’amour. « L’enfer, c’est de ne plus aimer », disait un autre grand écrivain français, Georges Bernanos, à travers l’un de ses protagonistes dans Le Journal d’un curé de campagne. C’est une méthode de pensée qui justifie la fin et les moyens et qui détruit toute noblesse intérieure. Alors que le poète anglais Richard Lovelace disait à sa bien-aimée : « I could not love thee (Dear) so much, Lov’d I not Honour more » (Je ne pourrais pas t’aimer autant, je ne pourrais pas t’honorer davantage, traduction libre), Fernand regrette le jour où il n’a pas fait de même.

Une pente glissante

Présenté comme un homme d’honneur, Fernand fait peu à peu des compromis moraux, trahissant d’abord son pays, puis sa parole, et enfin un ami. Si Dantès facilite la révélation publique de ces trahisons, il ne fait que renverser ce qui est devenu un château de cartes. Le caractère fragile et rongé de Fernand a trahi son intégrité. Il est d’ailleurs le seul méchant à se suicider ; ayant tué sa propre intégrité, il estime qu’il ne lui reste plus qu’à faire de même avec sa vie.

Le troisième méchant, le magistrat français qui condamne injustement Dantès à la prison à vie, offre au lecteur un chemin différent : comment l’opportunisme peut se faire au détriment de la justice. D’abord disposé à utiliser son pouvoir à bon escient et à libérer Dantès, Gérard de Villefort bascule dans le mal. Il découvre que l’innocence de Dantès pourrait révéler un secret de famille qui ruinerait sa carrière. Après une brève lutte avec sa conscience, Villefort cède à l’injustice.

L’histoire de Villefort devient la plus pitoyable du livre. Sacrifiant la justice à sa promotion sociale, il se condamne à une vie de dissimulation. Ses plans les plus chers commencent à s’effondrer grâce à d’autres personnes de son entourage qui, elles aussi, sacrifient la vérité à d’autres objectifs. Sa tromperie semble être contagieuse. Tout comme il rationalise sa décision de condamner Edmond Dantès comme une étape nécessaire à la protection de sa famille et de son nom, un membre de sa famille proche justifie le meurtre pour ce qu’elle considère comme un but noble.

Le coup de grâce de sa chute est une scène dramatique au tribunal dans laquelle il découvre qu’il poursuit son propre fils. Dans sa dernière apparition dans le livre, rendu fou par le chagrin et le remords, on le voit creuser des trous, à la recherche du cercueil d’un enfant. C’est une tentative symbolique de révéler tout ce qu’il a caché au cours de sa vie – toutes les choses qui ont maintenant contribué à son autodestruction.

Affiche du Comte de Monte-Cristo par Louis Français (Domaine public)

Le pire des pires

Si tous ces hommes représentent la bassesse à laquelle le mal pousse, le dernier méchant est le plus vil : Danglars, le compagnon de bord de Dantès. Il élabore le plan de trahison de son compagnon d’équipage et montre constamment qu’il ne se préoccupe que de lui-même. C’est un exemple spectaculaire de ruse ou de « fausse prudence ». Ses actions ne sont pas du tout prudentes, mais complètement stupides, car le mal fait toujours du mal à celui qui le commet.

Esclave de l’argent, la chute de Danglars s’accomplit par ce biais. Dantès accélère cette chute en profitant de l’égoïsme et de la cupidité de Danglars, qui est son pire ennemi. Son avidité vorace est une sorte de stupidité. Alors que Dantès crée des occasions pour le piéger, une personne prudente aurait éviter les spéculations financières basées sur des ouï-dire, d’évaluer un gendre potentiel sur sa fortune supposée plutôt que sur sa valeur morale, et sa témérité dans un pays étranger.

Cette stupidité se retrouve dans sa vie familiale. Il n’y a pas aucun amour entre lui et sa femme ou entre lui et sa fille. Il ne les considère que comme des moyens de parvenir à ses fins. Comme celui de ses complices, son destin est unique. Alors que lui, contrairement aux autres, survit avec son esprit intact, il fait face à l’être mesquin et difforme qu’il est devenu, dépouillé des biens et du confort qui étaient ses seuls objectifs dans la vie.

Chacun des méchants du Comte de Monte-Cristo illustre le sage dicton du livre des Proverbes : « La folie d’un homme pervertit sa propre voie. » Dans le cas de Danglars, l’égoïsme est puni par la confrontation avec le moi qu’il est devenu. Dans le cas de Villefort, l’injustice commise à l’égard d’un étranger le conduit à la folie. Fernand est trahi par sa propre traîtrise, et la lâcheté de Caderousse participe à sa propre destruction. Ce sont là autant d’exemples de l’avertissement subtil qui sous-tend Le Comte de Monte-Cristo. Ce roman montre que la moralité est inhérente à la vie elle-même.

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