Libérée de sa coquille sur une plage grecque, la petite tortue sort de son œuf sur le sable puis se précipite vers la mer : c’est le début d’un périlleux voyage durant lequel ne survivra qu’une tortue sur mille.
« Une sage-femme? Oui, je le suis tous les jours », sourit en dégageant une coquille Kira Schirrmacher, une des bénévoles qui surveillent les plages de la baie de Kyparissia dans l’est du Péloponnèse. Cette baie abrite le plus grand rassemblement de nids de ces tortues de mer, nommées Caretta Caretta, en Méditerranée.
Sur quelque 44 km de côtes, Kyparissia comptait plus de 3.700 nids cette année, et plus de 3.500 en 2018.
-Les tortues femelles survivent et reviennent pour pondre-
D’ordinaire, les femelles tortues retournent sur les plages de leur naissance pour pondre à leur tour lorsqu’elles atteignent l’âge de 20 ans, au rythme d’une ponte tous les deux-trois ans.
« Il semble que davantage de tortues femelles survivent et reviennent pour pondre », explique Dimitris Fytilis, un océanographe qui dirige le centre de sauvetage des tortues blessées « Archelon », à Glyfada, en banlieue d’Athènes.
L’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) évalue à entre 36.000 et 67.000 le nombre de femelles pondeuses par an dans le monde pour cette espèce vulnérable, dont la situation est encore plus critique dans le Pacifique et l’océan indien.
Chaque nid contient jusqu’à 120 œufs, qui mettent jusqu’à 55 jours à éclore. Mais un cinquième d’entre eux ne donne jamais le jour à une tortue.
Ces tortues, qui peuvent théoriquement vivre jusqu’à 80 ans et peser 80 kilos, sont en danger de mort dès leur naissance.
Après l’éclosion, le nouveau-né doit échapper aux chiens, chacals, mouettes et autres prédateurs rôdant près des nids.
-Le bébé tortue reste très vulnérable-
Le bébé tortue de 5 cm doit atteindre à toute vitesse la mer sans être englouti par le sable, ni perdre sa route.
Une fois à l’eau, il doit nager non-stop pendant 24 heures pour trouver de quoi se nourrir. Mais il reste très vulnérable face aux crabes, aux poissons et même aux tortues adultes.
Le réchauffement climatique rend la reproduction des Caretta Caretta encore plus périlleuse, car les mâles ne naissent que si la température du sable est inférieure à 29,3 degrés Celsius.
« Il y a déjà des conséquences dans plusieurs pays. En Australie par exemple, il y a eu davantage de naissances de femelles à cause du réchauffement climatique », note Dimitris Fytilis.
Du nom d’une tortue géante qui a vécu à l’époque des dinosaures il y a 70 millions d’années, Archelon, ONG fondée en 1983, est représentée dans plus de douze zones de pondaison protégées de Grèce.
-Une île ionienne la plus prisée des tortues-
Avec Kyparissia, la baie de Laganas à Zante, une île ionienne à l’ouest du Péloponnèse, est la plus prisée des tortues: l’île compte un millier de nids, mais aussi des centaines de milliers de touristes par an.
Ici, comme dans d’autres lieux touristiques, la cohabitation est difficile avec certains hôteliers et restaurateurs tentés d’enfreindre les règles de protection de la nature pour installer leurs chaises longues ou des spots lumineux, qui la nuit attirent les nouveaux-nés hors de l’eau.
Un hôtelier à Kyparissia s’étonne que l’on n’ait pas davantage joué sur l’atout marketing. « On pourrait avoir un bateau avec un fond vitré permettant d’observer les tortues », propose-t-il.
-Le centre de sauvetage des tortues-
Des projets d’exploration pétrolière en mer ionienne et près de la Crète suscitent la colère des écologistes, qui alertent sur l’avenir de destinations touristiques emblématiques et sur l’impact sur la qualité de l’eau.
« Nous avons la chance d’avoir ces habitats (naturels). C’est un trésor de la nature. Il faut les protéger », soutient Dimitris Fytilis, un tatouage de tortue sur un avant-bras.
Plus de 600 tortues sont mortes l’an dernier en Grèce.
Depuis sa création, le centre de sauvetage a soigné quelque 1.100 tortues, blessées souvent par des hameçons ou des débris de plastique. Dans plus de 50% des cas, c’est le fait des hommes, qui les frappent à la tête avec des rames ou des bâtons. Les pêcheurs sont souvent suspectés car il arrive que les tortues endommagent leurs filets.
En juillet, une tortue mâle nommée Hercule est morte après avoir eu la colonne vertébrale coupée par une hélice. Une autre jeune tortue a eu une nageoire amputée après s’être emmêlée dans une ligne de pêche.
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