À moins d’un mois de la remise des diplômes, de nombreux étudiants chinois sont encore à la recherche d’un emploi.
Lors d’un webinaire gratuit diffusé en direct par une société de formation à la recherche d’emploi à la mi-juin, un grand nombre des 800 participants – principalement des diplômés de 2023 et 2022 au chômage – se sont empressés de faire des commentaires pour réclamer des modèles de curriculum vitae gratuits.
« Beaucoup de mes stagiaires m’ont dit qu’ils vivaient avec leurs parents, qui leur reprochaient de ne pas avoir fait assez d’efforts pour trouver un emploi », a expliqué l’animateur aux participants.
« Je peux leur dire [aux parents] : trouver un emploi cette année est un défi. C’est le marché, ce n’est pas vous », a-t-il ajouté. « Transmettre le contenu de mon webinaire à vos parents vous aidera à atténuer leur anxiété. »
L’anxiété était sans aucun doute l’humeur dominante parmi les participants au webinaire organisé sur une application populaire de médias sociaux chinois, comme le montrent les émojis et les remarques dans la section des commentaires. Les chiffres macroéconomiques renvoient à une image similaire.
Les taux de chômage officiels des jeunes en Chine étaient de 20,8 et 20,4 % en mai et avril, respectivement, soit environ quatre fois le taux de chômage global de 5,2 %. C’est également environ le double du taux de chômage des jeunes juste avant l’entrée en vigueur des mesures de lutte contre la pandémie.
Ce taux signifie qu’un jeune de 16 à 24 ans sur cinq à la recherche d’un emploi dans les zones urbaines n’a pas de travail. Et ce pourcentage ne tient pas compte de ceux qui ne cherchent pas d’emploi, soit les deux tiers des 100 millions de jeunes citadins chinois.
Cette crise croissante a incité les autorités chinoises à annoncer en avril une série de mesures d’incitation qui entreront en vigueur d’ici à la fin de 2023, notamment développer l’embauche des entreprises d’État par le biais de subventions, encourager les institutions financières à augmenter leur recrutement et accroître l’émission de prêts aux entreprises, offrir davantage de formation professionnelle et créer pas moins d’un million de postes de stagiaires.
Toutefois, selon une estimation de Goldman Sachs datant du mois de mai, le chômage des jeunes devrait augmenter au cours des prochains mois.
Le 18 juin, la banque d’investissement a également réduit les prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) de la Chine pour 2023 de 6 à 5,4 %, citant des problèmes macroéconomiques – secteur immobilier, problèmes d’endettement et tensions entre les États-Unis et la Chine – qui ne seront probablement pas résolus par les mesures de relance de la Chine.
La banque centrale chinoise a commencé à réduire les taux d’intérêt à la mi-juin, à la suite d’une baisse des taux de dépôt par les principales banques. L’abaissement de la note de Goldman fait suite à des évaluations similaires de la part d’une série de grandes banques, dont UBS, Bank of America et JPMorgan, qui ont revu à la baisse leurs perspectives de croissance du PIB pour le pays.
Bien avant la pandémie
Selon Christopher Balding, spécialiste de l’économie chinoise à la Henry Jackson Society, un groupe de réflexion basé au Royaume-Uni, le taux de chômage élevé des jeunes est le symptôme d’années de croissance ambitieuse sur le papier, soutenue par une économie lourdement endettée.
Il affirme que le problème a précédé la pandémie et se prépare depuis 15 ans.
« Je ne pense pas que la contribution de la pandémie soit nulle. Cependant, je ne pense pas qu’elle soit majoritaire », a déclaré M. Balding à Epoch Times. « La pandémie a probablement un peu aggravé la situation, mais ces problèmes existeraient avec ou sans la pandémie. »
En réponse à la crise financière mondiale, les autorités chinoises ont mis en place un plan de relance budgétaire de 4.000 milliards de yuans (512 milliards d’euros à l’époque), soit l’équivalent de 12,5 % du PIB de 2008, selon la Banque mondiale. À titre de comparaison, le plan de relance des États-Unis s’est élevé à 939 milliards de dollars entre 2008 et 2010, soit environ 6 % de leur PIB de 2008. La banque centrale chinoise a également assoupli sa politique monétaire de manière significative en réduisant le taux d’intérêt de plus de 2 % pour le ramener à 5,31 % en décembre 2008.
Pour Christopher Balding, la Chine s’est engagée sur la voie de taux de croissance artificiellement élevés après 2008, en développant les infrastructures sans tenir compte de la demande. Dans le même temps, les autorités, les entreprises et les familles chinoises se sont endettées.
Selon la Banque des règlements internationaux, connue comme la banque centrale des banques centrales, la dette de base de la Chine – le crédit au secteur non financier – représente près de trois fois son PIB, alors que le ratio des États-Unis est de 2,5 et que celui des marchés émergents est de 2,2 en moyenne.
Le 17 juin, l’Administration d’État pour la régulation des marchés (SAMR) chinoise a publié un nouveau règlement visant à « restaurer le crédit pour les entreprises ».
« Il s’agit essentiellement de conseiller aux banques d’aider les entreprises à rétablir leur crédit, d’ignorer les retards de paiement, etc. », a indiqué M. Balding. « Le fait qu’ils donnent ce type de conseils aux institutions financières, en tant que régulateur, montre la profondeur du problème lié à l’endettement. »
« Et si vous êtes une entreprise lourdement endettée, il est très difficile de contracter davantage de dettes ou d’embaucher de la main-d’œuvre supplémentaire », a-t-il ajouté, faisant référence aux politiques du Parti communiste chinois (PCC) visant à stimuler l’embauche.
Le ratio dette/PIB des ménages chinois a augmenté régulièrement, passant de 17,9% en décembre 2008 à 63,3% en mars 2023, contre 65,7% aux États-Unis. Plus révélateur, la dette des ménages chinois en pourcentage du revenu disponible a atteint 130% à la fin de 2020, plus que celle des États-Unis à 100 % la même année.
Pour Christopher Balding, la croissance chinoise fondée sur l’offre s’est heurtée à un mur et peut théoriquement être résolue en stimulant la demande. Cependant, il considère qu’il n’est pas réaliste de stimuler la demande parce que le PCC n’est pas en mesure de faire ce qui est nécessaire, c’est-à-dire donner aux consommateurs le pouvoir et la liberté de choix.
« Je pense qu’il y a beaucoup de possibilités ou d’espoir pour la Chine, mais cela nécessiterait absolument de démanteler des politiques de ce pays qui ne le seront pas », a-t-il expliqué, citant les restrictions sur les migrations interprovinciales et les dernières restrictions de gestion rurale sur l’utilisation des terres arables.
Antonio Graceffo, analyste économique de la Chine, a déclaré que le régime avait toujours réagi aux difficultés économiques en investissant dans les infrastructures. Mais cette approche pourrait ne pas fonctionner cette fois-ci.
« Toutes les infrastructures importantes ont déjà été construites en Chine ; nous en sommes à un stade où tous les grands ports, les villes, tout est connecté. Par conséquent, lorsqu’ils construisent de nouvelles infrastructures maintenant, ils ne font que fournir du travail », a-t-il affirmé à Epoch Times.
« Il s’agit simplement de créer des emplois, de les payer avec les recettes publiques, et cela ne produit pas nécessairement un avantage significatif en termes de PIB. »
Selon lui, le pays ne dispose plus des types de projets d’infrastructure tels que le train à grande vitesse Pékin-Shanghai pour relancer la croissance du PIB. « Je pense que la Chine a connu la plus forte croissance qu’elle ne connaîtra jamais », a ajouté M. Graceffo, collaborateur de la publication.
Au-delà des chiffres officiels
Le taux de chômage officiel des jeunes en Chine n’est peut-être pas tout à fait représentatif de la réalité.
Parmi les demandeurs d’emploi âgés de 16 à 24 ans, on trouve les diplômés des collèges et lycées des zones rurales à la recherche d’un emploi en ville, ainsi que des citadins titulaires d’un diplôme de premier cycle.
Une professeure d’un collège privé de Guangzhou, une mégapole du sud côtier riche de la Chine, estime que le taux réel est bien plus élevé que les 20 % officiels – jusqu’à 80 %. Elle s’est entretenue avec Epoch Times à condition que son nom, son université et son domaine professionnel restent anonymes pour éviter d’être traquée par le PCC.
Seuls deux des 350 diplômés de son département cette année ont trouvé un emploi. Avec la remise des diplômes le 28 juin, les étudiants doivent fournir des informations sur leur emploi pour obtenir leur diplôme.
La preuve officielle de l’emploi est constituée par la « convention tripartite », mais les écoles acceptent également toute forme de contrat de travail. La « convention tripartite » est signé entre l’étudiant, l’employeur et l’école afin de satisfaire aux exigences de l’agence des ressources humaines du gouvernement local.
« Les étudiants ne reçoivent pas de diplôme s’ils ne fournissent pas de documents relatifs à l’emploi. La règle est tacite mais non-écrite », a déclaré l’enseignante à Epoch Times, ajoutant que si un étudiant contestait cette règle auprès de l’école ou du département de l’éducation de la ville, l’école refuserait alors de délivrer le diplôme en invoquant l’insuffisance des crédits de stage.
En conséquence, selon elle, les étudiants se forgent un emploi de diverses manières. Elle cite l’exemple d’un ami dont le fils n’a pas travaillé pendant trois ans après l’obtention de son diplôme, mais qui est « employé » sur le papier.
En Chine, les universités publiques sont d’un niveau académique plus élevé que les universités privées et leurs frais de scolarité sont moins élevés. Ils sont les sources habituelles de recrutement des entreprises d’État sur les campus et usent de moyens douteux pour booster le taux d’emploi de leurs diplômés.
La professeure, qui enseignait auparavant dans un collège public, a déclaré que les institutions publiques se livraient à une pratique appelée « auto-stop » pour contourner les règles. Par exemple, si une entreprise d’État a un quota de deux nouvelles embauches pour un établissement d’enseignement supérieur, ce dernier lui donne une liste de 12 autres noms d’étudiants pour signer des conventions tripartites frauduleuses. De cette manière, le rapport sur la « qualité de l’éducation » de l’université paraît meilleur et son taux de chômage est également plus bas sur le papier.
Les conventions tripartites n’étant pas de véritables contrats de travail, la signature de ces documents « auto-stop » ne se traduit pas par un véritable emploi.
L’année dernière, la professeure a commencé à entendre parler de difficultés d’emploi de la part de ses étudiants, un problème qui s’est accentué cette année. À Guangzhou, la plupart des étudiants trouvent un emploi dans des entreprises privées chinoises ou étrangères ; très peu s’adressent aux entreprises d’État, où les relations familiales des étudiants sont essentielles pour le recrutement. Cependant, l’offre d’emploi dans les entreprises étrangères et privées s’est considérablement réduite en raison des investissements étrangers qui quittent la Chine et de la répression des autorités à l’égard du secteur privé.
Une anxiété accrue
Le taux de chômage des jeunes dans le monde en 2022 était d’environ 14 % (pdf), et les jeunes âgés de 15 à 24 ans sont trois fois plus susceptibles que les adultes de devenir chômeurs, selon l’Organisation internationale du travail, une agence des Nations unies située à Genève.
À titre de comparaison, le taux de chômage des jeunes de plus de 20 % de la Chine est environ quatre fois plus élevé que le taux de chômage global du pays. C’est « vraiment un problème sérieux », a déclaré Jean Yeung, professeure de sociologie à l’université nationale de Singapour, à Epoch Times.
Elle estime également que ce taux de chômage des jeunes est supérieur à 20 % en raison de tous les travailleurs sous-employés, c’est-à-dire les personnes qui doivent accepter des emplois à temps partiel parce qu’elles ne trouvent pas d’emploi à temps plein ou qui s’installent en tant que travailleurs surqualifiés.
« Dans l’ensemble, on constate une augmentation de l’anxiété, de la déception et des doutes quant à ce que l’avenir leur réserve », a expliqué Mme Yeung à propos du ressenti des jeunes.
Elle a ajouté que la difficulté à trouver un premier emploi, considérée comme un marqueur du passage des jeunes vers l’âge adulte, affectera probablement leurs transitions ultérieures vers le mariage et la parentalité.
Une étude réalisée en 2019 par l’université de Stanford montre que les étudiants diplômés en période de récession gagnent moins pendant 10 à 15 ans que ceux qui obtiennent leur diplôme en période de prospérité. Les diplômés universitaires malchanceux sont également moins susceptibles de se marier et de devenir parents.
Antonio Graceffo a averti qu’un taux de chômage élevé chez les jeunes pourrait entraîner un « désenchantement » à l’égard du PCC et de son dirigeant Xi Jinping.
« D’une certaine manière, les jeunes sont les personnes les plus importantes pour le fonctionnement d’un système politique tel que le PCC. Le PCC contrôle l’éducation parce qu’il veut que les enfants soient endoctrinés par la politique du PCC et qu’ils aiment le Parti », a-t-il déclaré.
« Ces enfants n’ont pas de frères et sœurs ; ils n’ont personne d’autre sur qui compter que leurs parents et le PCC », a-t-il ajouté.
Certains jeunes Chinois se sont donc tournés vers le « lying flat » (« position couchée »), en référence à un mouvement contre-culturel dans lequel les jeunes ont abandonné leur quête de richesse matérielle en réaction à des opportunités de plus en plus réduites et à des conditions de travail difficiles.
Déséquilibre entre l’offre et la demande
Bien que le taux de chômage des jeunes ait tendance à être plus élevé que celui de l’ensemble de la population en période de crise, en raison du manque d’expérience professionnelle des jeunes, Mme Yeung résume la situation de la Chine en disant que « l’augmentation de l’offre rencontre l’affaiblissement de la demande ».
Depuis 1999, la Chine s’est lancée dans une politique d’expansion de l’enseignement supérieur afin de faciliter la transition espérée d’une économie à forte intensité de main-d’œuvre vers une économie basée sur la technologie et la connaissance. Cette politique a entraîné une augmentation exponentielle du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur.
Environ un million d’étudiants ont obtenu leur diplôme en 2000. Ce chiffre a décuplé pour atteindre 10 millions en 2022, soit une croissance de 18 % par rapport à 2021.
L’augmentation de l’offre de diplômés a été exacerbée par l’affaiblissement de la demande de main-d’œuvre, un problème dû en partie aux blocages pandémiques du PCC et à des politiques non liées à la pandémie.
Les données du mois de mai montrent un affaiblissement des secteurs de l’industrie manufacturière et des services dans un contexte de demande atone.
Parallèlement, la répression du PCC sur le secteur privé a entraîné des licenciements massifs dans les secteurs de la technologie, de l’immobilier et des cours particuliers, des domaines qui embauchent généralement de nombreux nouveaux diplômés.
Les étudiants en difficulté se sont tournés vers les études supérieures. Pour la première fois à Pékin, les diplômés des programmes de troisième cycle devraient dépasser les titulaires d’une licence cette année.
Selon la Commission municipale de l’éducation de Pékin, le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur était d’environ 110.000 l’année dernière, soit 40.000 de moins que les étudiants titulaires d’une licence ou d’un diplôme d’associé. Mais cette année, le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur atteindra 160.000, soit 1000 de plus que les étudiants titulaires d’un diplôme de premier cycle.
Les tentatives du PCC pour lutter contre le chômage des jeunes, notamment en permettant à un plus grand nombre d’étudiants de s’inscrire à des programmes d’études supérieures et en augmentant ponctuellement le nombre d’embauches dans les entreprises d’État, ne sont que des solutions temporaires qui ne font qu’empirer les choses, selon Jean Yeung.
Selon elle, l’essentiel est de stimuler la demande de main-d’œuvre, ce qui nécessitera davantage de recrutements de la part du secteur privé et des entreprises d’État.
« La Chine doit s’efforcer de redonner confiance aux gens et de leur redonner le moral », a-t-elle déclaré, ajoutant que la Chine doit faire fonctionner les marchés pour répondre aux attentes des gens après la pandémie.
En tant que groupe contribuant de manière significative à la consommation globale – 20 % selon les estimations de Goldman Sachs – un taux de chômage élevé chez les jeunes freinerait encore davantage la reprise économique post-Covid du pays, a ajouté M. Yeung.
Un problème « auto-infligé »
Pour Milton Ezrati, économiste en chef chez Vested, une société de communication basée à New York, le taux élevé de chômage des jeunes met en évidence les priorités de Xi Jinping.
Bien que Xi ait souvent déclaré qu’il souhaitait que la Chine passe d’une économie peu ou moyennement qualifiée à une économie axée sur les services, sa priorité réelle se situe dans les secteurs manufacturier et minier, qu’il considère comme des moyens de parvenir à une domination mondiale, a affirmé M. Ezrati, qui contribue également à Epoch Times. Un rapport officiel estime que près de 30 millions d’emplois manufacturiers ne seront pas pourvus d’ici 2025 en raison de l’inadéquation des compétences des diplômés de l’enseignement supérieur.
Le problème du chômage des jeunes au sein du PCC est « auto-infligé », a déclaré M. Ezrati. « Si Xi avait été fidèle à ses ambitions d’avoir une économie de services et de connaissances, ce problème existerait peut-être, mais ne serait pas aussi grave. »
« En même temps qu’il parlait d’une économie de la connaissance et d’une économie de services, il a mis l’accent sur l’accaparement du marché dans certaines industries cruciales, telles que la fabrication de puces, les véhicules électriques et les batteries. »
Selon lui, la solution pour le PCC serait d’adopter une économie de marché, ce que le régime communiste ne fera jamais parce que la planification centrale autoritaire est ancrée dans son idéologie fondamentale. Une économie de marché signifierait un secteur privé florissant, que le PCC réprime depuis près de trois ans.
« Je pense que la plus grande menace pour le PCC réside dans ces sources indépendantes de pouvoir que sont les grandes entreprises orientées vers les consommateurs », a-t-il indiqué.
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