Le résultat des élections législatives prévues le 30 juin et le 7 juillet s’annonce incertain et avec des conséquences considérables pour le pays. Le dernier sondage Ifop pour LCI, publié le 17 juin, place le RN à 33 % des intentions de vote au premier tour, contre le Nouveau Front populaire à 28 % et le camp présidentiel à 18 %. Avec une telle configuration, aucun parti ne pourrait obtenir les 289 sièges au second tour, permettant une majorité absolue.
Jordan Bardella, favori dans les sondages, a déjà laissé entendre qu’il ne souhaitait pas prendre les rênes d’un gouvernement sans majorité absolue : « S’il y a une majorité relative, le Premier ministre ne peut pas agir », a-t-il déclaré.
Majorité absolue ou relative, coalition gouvernementale ou blocage institutionnel, etc. Voici les différents scénarios possibles.
Aucune majorité absolue, le pays est ingouvernable
« La dissolution peut plonger le pays, déjà fracturé, dans le chaos », s’inquiétait l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, dans une interview au Figaro.
Pour gouverner, il faut en effet une majorité absolue, et sans majorité, le pays serait impossible à réformer et connaîtrait un blocage institutionnel. La majorité macroniste a gouverné avec une majorité relative depuis les législatives de 2022, avec les « techniciens » Elisabeth Borne et Gabriel Attal, en faisant voter — tant bien que mal si l’on considère l’utilisation du 49-3 à 23 reprises — les lois grâce à des alliances avec Les Républicains et une partie de la gauche.
En cas de majorité relative du Nouveau Front populaire ou du Rassemblement national, la donne serait toujours aussi compliquée. « L’hypothèse d’un Premier ministre très marqué politiquement d’un côté ou de l’autre paraît la moins probable, car il peinerait à dégager une majorité claire à l’Assemblée », explique Anne Levade, professeure de droit public à Paris-1. « On peut tout imaginer », reconnaît-elle, même « l’option d’un Premier ministre technicien ou d’union nationale, si le président l’estime susceptible de créer un accord pour gouverner ».
Avec trois blocs possiblement irréconciliables, le risque d’un blocage institutionnel, sans aucun Premier ministre en mesure de dégager une majorité opérante, est clairement sur la table. Dans le cas où les partis n’arriveraient pas à former d’alliance suffisante, le président nommera à nouveau un Premier ministre chargé de gouverner avec une majorité relative, comme c’est le cas depuis 2022, avec cette fois-ci une majorité relative n’appartenant plus au camp présidentiel et une quasi-impossibilité de faire passer des textes de loi.
Une majorité absolue pour le RN ou le Nouveau Front populaire, retour à une cohabitation
C’est l’hypothèse la plus claire d’un point de vue institutionnel : l’un des blocs — Rassemblement national, Nouveau Front populaire ou Ensemble la République — obtient une majorité absolue avec au moins 289 sièges à l’Assemblée nationale.
En cas de succès du RN, le parti à la flamme a déjà prévenu qu’il proposerait Jordan Bardella pour Matignon, sans demander la démission du président Emmanuel Macron. À gauche, l’équation est plus complexe. Le Nouveau Front populaire n’a arrêté ni le nom, ni la méthode de désignation de son potentiel Premier ministre, un rôle attribué en 2022 à Jean-Luc Mélenchon, qui irrite aujourd’hui nombre de ses alliés. Le patron du PS Olivier Faure a proposé « un vote » des députés nouvellement élus, une option rejetée par les Insoumis, qui plaident pour une désignation par le groupe majoritaire, c’est-à-dire par LFI dont le patron est toujours Jean-Luc Mélenchon.
En cas de majorité absolue du RN ou du Nouveau Front populaire, une période de cohabitation s’ouvrirait. Selon l’article 8 de la Constitution, Emmanuel Macron sera chargé constitutionnellement de nommer le futur Premier ministre. « Il est en théorie libre de choisir qui il veut. Mais l’expérience permet d’imaginer qu’il désignera le nom proposé par le parti majoritaire », selon la constitutionnaliste Anne Levade.
Cela est déjà arrivé trois fois dans la Ve République : de 1986 à 1988, avec le président François Mitterrand et le Premier ministre Jacques Chirac, de 1993 à 1995, avec François Mitterrand et Édouard Balladur, et de 1997 à 2002, entre Jacques Chirac, devenu président, et Lionel Jospin — ce qui n’a pas servi à ce dernier, arrivé en troisième place aux élections de 2002, derrière Jean-Marie Le Pen.
Concernant l’hypothèse de la cohabitation, « la personnalité d’Emmanuel Macron ne s’y prête pas », selon Jean-Eric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel. Si un gouvernement de cohabitation était dirigé par Jordan Bardella, il « devrait trouver toutes sortes d’arrangements techniques et institutionnels pour pouvoir gouverner. Il se heurterait, outre au mauvais vouloir du Président, à une opposition déchaînée des députés de gauche, au contrôle sourcilleux des juridictions, à l’Union européenne, aux syndicats, à toute une partie de l’État profond et à la rue », estime le conseiller d’État.
L’orientation politique du gouvernement se déplacerait néanmoins vers le Premier ministre, puisque l’article 20 de la Constitution prévoit que « c’est le gouvernement, et non le président de la République, qui ‘détermine et conduit la politique de la nation' ». Le président conserverait plusieurs prérogatives liées à la politique internationale et aux armées, et c’est lui qui négocierait et ratifierait les traités. Il pourrait également saisir le Conseil constitutionnel sur les lois votées par le Parlement et continuerait de nommer les préfets et les ambassadeurs.
Une majorité absolue pour le camp présidentiel
C’est le scénario attendu par Emmanuel Macron, mais aussi l’un des moins probables, d’après les sondages. La situation politique est en effet encore moins favorable qu’en 2022 pour le groupe Renaissance et ses alliés, qui avaient alors déjà échoué à obtenir une majorité absolue.
Néanmoins le parti d’Emmanuel Macron pourrait obtenir une majorité absolue grâce à des alliances au centre, avec les socialistes réfractaires à LFI, avec certains écologistes et les LR contre l’alliance avec le RN et proches du gouvernement.
Le camp présidentiel pourrait nommer à nouveau Gabriel Attal, qui paraît le mieux placé pour rester en poste, bien que le chef de l’État pourrait vouloir un élargissement du centre autour de Renaissance, Modem, Horizons et UDI.
Avec cette majorité, le chef du gouvernement pourrait continuer de mener la politique actuelle du gouvernement — en ajoutant les nouvelles promesses prises pendant la campagne — et continuer l’examen des projets de loi en cours, comme la fin de vie ou la fusion des sociétés de l’audiovisuel public.
Les scénarios de la démission d’Emmanuel Macron et de l’utilisation de l’article 16
57 % des Français estiment vouloir la démission d’Emmanuel Macron s’il perd les législatives, selon un sondage de l’Institut CSA pour CNews, Europe 1 et le JDD — ce chiffre allant jusqu’à 76 % chez les 18-24 ans.
Un cas de figure que le président lui-même aurait abordé avec l’un de ses interlocuteurs ces dernières semaines, selon Europe 1 : « La démission du Président n’est pas un tabou. Oui, il faut aujourd’hui envisager tous les scénarios », assure l’un de ses proches. Un scénario qu’Emmanuel Macron a exclu dans une déclaration au Figaro Magazine la semaine dernière et ce, quel que soit le résultat de l’élection législative : « Les institutions sont claires, la place du président, quel que soit le résultat, l’est aussi. C’est un intangible pour moi », a-t-il déclaré. La démission du Président pourrait de toute façon ne rien changer en cas de blocage institutionnel du pays, une nouvelle dissolution et de nouvelles législatives ne pouvant avoir lieu avant juillet 2025.
Autre scénario que l’on évoque, l’activation de l’article 16 de la Constitution par Emmanuel Macron, qui lui conférerait des « pouvoirs exceptionnels » après les législatives, dans le cas où aucune majorité absolue ne se dégagerait et que le pays serait dans une impasse institutionnelle. « L’article 16 de la Constitution peut être déclenché en cas de menace grave et immédiate contre les institutions de la République et si le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu », peut-on lire sur le site de l’administration publique Vie-publique.fr. Le président de la République aurait, pendant une période donnée, tous les pouvoirs législatifs et exécutifs et pourrait se passer des Assemblées pour légiférer, bien qu’il ne pourrait pas réviser la Constitution ni dissoudre à nouveau l’Assemblée. Un scénario démenti rapidement par le président.
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