« L’élection de Donald Trump marque un basculement » – Gérald Olivier
Gérald Olivier est journaliste franco-américain et auteur. Il a notamment publié Cover up : le clan Biden, l’Amérique et l’État profond (éd. Konfident).
Dans cet entretien, il analyse la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine ainsi que les enjeux économiques et géopolitiques de son élection pour l’Union européenne, la guerre entre l’Ukraine et la Russie, le conflit à Gaza ou la rivalité avec la Chine.
Une victoire historique et une revanche personnelle
« C’est une victoire historique, c’est une victoire sur le plan personnel pour Donald Trump lui-même. C’est une victoire pour le camp républicain. Et c’est une défaite de Kamala Harris, des Démocrates et peut-être de l’idéologie woke », explique Gérald Olivier.
Une victoire au goût de revanche au regard des multiples poursuites judiciaires dont Donald Trump a fait l’objet ces dernières années, ajoute le journaliste franco-américain.
« Imaginez qu’il ait perdu l’élection. Les Démocrates se seraient fait une joie personnelle de dire : “C’était un dictateur, et les dictateurs finissent en prison.” Ils l’auraient mis en prison et ils auraient ruiné son organisation. Trump avait énormément à perdre s’il ne gagnait pas l’élection. »
Pour Gérald Olivier, loin d’avoir convaincu les électeurs, les tentatives de diabolisation du candidat républicain de la part des Démocrates et d’une partie des médias tout au long de la campagne ont même joué en la défaveur de Kamala Harris, une majorité d’Américains considérant que Donald Trump ne constituait « pas une menace pour la démocratie ».
« Les médias sont les autres perdants de l’élection, car ils ont participé au jeu démocrate tout au long de la campagne, observe le journaliste. Les électeurs américains ont signifié qu’ils ne faisaient pas confiance à ces médias, qu’ils n’acceptaient pas le récit qu’ils faisaient de la campagne. »
Restaurer la puissance des États-Unis
D’après Gérald Olivier, les électeurs américains ont également été séduits par le programme porté par le candidat républicain et comptent sur lui pour remettre de l’ordre, mais aussi restaurer la puissance des États-Unis.
« Énormément d’Américains sont fatigués que leur pays aille mal. Les Américains sont fatigués d’une criminalité endémique dans les villes. Ils sont fatigués de voir leurs frontières bafouées par des gens qui estiment qu’aux États-Unis, on peut faire tout ce qu’on veut. Ils sont fatigués de voir leurs policiers attaqués en pleine rue et être incapables de se défendre », explique-t-il.
« Les Américains ont voté pour Trump pour que tout cela cesse, pour que tout cela change. Ils estiment qu’il a la poigne suffisante pour remettre de l’ordre. Je pense aussi que, fondamentalement, l’Amérique est plus proche de valeurs traditionnelles que des valeurs progressistes en lien avec l’idéologie LGBT. »
« Derrière Donald Trump, vous avez un vrai programme de gouvernement qui repose sur le principe de mettre les intérêts de l’Amérique d’abord, de rétablir la situation économique en combattant l’inflation, de relancer la production d’énergie, de protéger et de réindustrialiser le pays à travers une politique beaucoup plus protectionniste, et de mettre de l’ordre dans le monde en essayant de résoudre à la fois le conflit en Ukraine et le conflit au Proche-Orient », ajoute Gérald Olivier.
« Le dernier élément de la mission que Trump se propose d’accomplir consiste à nettoyer Washington, en finir avec la corruption douce qui règne dans ce pays, voire l’instrumentalisation du système politique et judiciaire aux dépens des opposants du régime, ce dont Trump a fait l’objet pendant de longues années. »
Mettre un terme à la guerre entre l’Ukraine et la Russie
Alors que Donald Trump a promis de mettre un terme à la guerre entre l’Ukraine et la Russie dès son entrée en fonction, Gérald Olivier estime que sa politique sera très différente de celle de l’administration Biden.
« Faire pression sur Volodymyr Zelensky, c’est très facile. Sans les États-Unis, Zelensky n’aurait pas tenu tête à la Russie comme il a réussi à le faire depuis trois ans », remarque-t-il.
« La vraie question est comment amener Vladimir Poutine à la table des négociations ? Poutine estime qu’il est en train de gagner cette guerre, il a conquis un certain nombre de territoires, la Russie contrôle aujourd’hui une partie de l’Ukraine et si on gelait les positions militaires, elle sortirait gagnante de ce conflit, à un coup humain absolument invraisemblable, mais elle sortirait quand même gagnante. »
D’après le journaliste franco-américain, Trump compte amener le président russe à la table des négociations « en maniant la carotte et le bâton » et en proposant notamment d’accéder à certaines revendications de Vladimir Poutine, comme la neutralité de l’Ukraine et la garantie qu’elle ne rentre pas dans l’Otan.
« Vladimir Poutine aura tout intérêt à participer à une négociation, parce que cette guerre pèse sur la Russie, considérablement. C’est une guerre qui lui coûte très cher en coûts humains et en coûts militaires, sans parler des coûts économiques liés aux sanctions dont elle fait l’objet. »
Résoudre le conflit à Gaza et rétablir la paix au Proche-Orient
Si Gérald Olivier estime que la politique de la prochaine administration Trump vis-à-vis du Moyen-Orient ne sera pas radicalement différente de celle de son prédécesseur à la Maison Blanche, il considère que le 47e président des États-Unis fera tout de même bouger les lignes.
« Donald Trump a trois objectifs au Moyen-Orient, trois objectifs qu’il a clairement énoncés. Le premier, c’est une paix très rapide à Gaza. Le second, c’est une solution pacifique durable au conflit israélo-palestinien dans sa composante plus large. Le troisième, c’est une normalisation des rapports au moins entre l’Arabie saoudite et Israël, voire entre Israël et d’autres voisins arabes », observe-t-il.
« La puissance américaine que Donald Trump entend restaurer passe par du commerce, entre autres, et une forme de présence militaire dans le reste du monde. Par contre, que des soldats américains aillent mourir pour une cause étrangère, il n’en est pas question pour Donald Trump. Il sera non-interventionniste et considérera qu’il n’est pas de la responsabilité des États-Unis d’être le gendarme du monde, et surtout pas d’être l’argentier de la paix armée entre certains pays », poursuit le journaliste.
Et Gérald Olivier de conclure : « Je suis très enthousiaste vis-à-vis du résultat du 5 novembre, parce que très honnêtement, l’Amérique file un mauvais coton, pour parler familièrement. Cette Amérique que j’ai aimée, je l’ai vue depuis vingt ans être détruite de l’intérieur. Aujourd’hui, il y a la chance d’un rebond. On a mis fin à ce cycle du déclin, on a mis fin à cette descente aux enfers. Cette élection envoie un message très positif sur l’avenir et sur la capacité des États-Unis et des Américains à inverser cette pente du déclin. »