La guerre en Ukraine semble prendre une pause en attendant les offensives du printemps des deux côtés. Toute tentative sérieuse de règlement du conflit devra refléter les résultats de ce qui promet d’être des combats intensifiés, commençant probablement en avril.
Les Ukrainiens font largement connaître, à juste titre, les outrages des bombardements russes de leurs zones civiles. De leur côté, les Américains et les Allemands ont commencé à fournir aux Ukrainiens, à juste titre, les moyens de défense antimissile les plus sophistiqués afin de priver Vladimir Poutine de la capacité barbare de lancer des missiles sur des quartiers civils en toute impunité et sans le moindre semblant de justification du point de vue du droit international.
Les effets de presque une année d’invasion de l’Ukraine par la Russie n’ont pas été dramatiques en Ukraine occidentale, qui a été moins influencée par la Russie et où réside environ 60% de la population. Cependant, dans le sud et l’est du pays, des parties importantes des villes ont été réduites en décombres et de nombreux civils, y compris dans les écoles, les hôpitaux et les églises, ont été victimes des bombardements qui s’accompagnaient des commentaires officiels russes odieusement cavaliers.
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui appellent à une désescalade unilatérale. C’est normal : la guerre est dégoûtante et stupide. Surtout maintenant, quand ses images peuvent être transmises presque instantanément à tous les foyers du monde par la télévision et Internet, la guerre consterne la plupart des gens.
La position russe est la suivante : puisque l’Ukraine a fait partie de la Russie et son empire tsariste ou soviétique pendant deux siècles, qu’elle n’est pas une entité distincte, mais une fusion d’ethnies d’origines lituaniennes, russes, polonaises et tatares et qu’elle a été un État presque en faillite au cours de ses 30 ans d’indépendance après l’écroulement de l’Union soviétique, elle appartient et fait partie de la Russie.
Au cours de la guerre, les Ukrainiens se sont dotés d’une tradition héroïque qui permet de renforcer une nation et sa raison d’être. Il convient de noter que déjà lors du référendum organisé en 1991, plus de 80% des Ukrainiens ont exprimé leur souhait de se séparer de la Russie, dont 77% des Ukrainiens habitant dans les régions principalement russophones.
De temps à autre, l’Occident s’est montré réceptif à l’idée que l’Ukraine fasse partie de l’OTAN et, de temps à autre, il s’est montré relativement plus conciliant à l’égard de l’opinion russe que la Russie avait un certain intérêt légitime en Ukraine. La Russie et les grandes puissances occidentales ont garanti les frontières de l’Ukraine, bien que leur parole n’ait eu aucune valeur. En particulier, en 1994, l’Ukraine a signé le Mémorandum de Budapest avec la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis qui lui ont garanti l’intégrité territoriale et l’indépendance politique en échange de ses armes nucléaires (transférées à la Russie) – un accord que la Russie a violé en 2014 en annexant la Crimée et en 2022 en lançant une invasion tous azimuts.
En 1991, l’Occident a remporté la plus grande et la moins sanglante victoire stratégique de l’histoire avec la fin de la guerre froide, lorsque l’Union soviétique s’est effondrée en accordant l’indépendance à toutes ses républiques fédérées et que la population de la Russie a été réduite à moins de la moitié de celle de l’ancienne URSS.
Pourtant, le gouvernement actuel de Vladimir Poutine a effectivement repris le contrôle de la Biélorussie, s’est emparé de certaines parties de l’Ukraine et de la Géorgie, et exerce une influence importante en Moldavie, en Arménie, au Kazakhstan et dans plusieurs autres républiques de l’Asie centrale qui composaient autrefois l’Union soviétique. La Lettonie, la Lituanie et l’Estonie, malgré d’importantes minorités ethniques russes, semblent désormais hors de portée du Kremlin après avoir rejoint l’OTAN – l’alliance qui prévoit une riposte collective à l’agression contre l’un de ses membres. Toutefois, la plus belle récompense pour la défaite de la Russie et son empire soviétique lors de la guerre froide serait de s’emparer de l’Ukraine – la plus peuplée et la plus stratégiquement importante pour Moscou des ex-républiques soviétiques.
Bien que Poutine essaie d’imiter les grands expansionnistes russes – Pierre le Grand et Joseph Staline -, les Ukrainiens ont fait en sorte qu’il ressemble davantage à un Mussolini, que Winston Churchill décrivait comme un « chacal fouetté » après qu’il a été battu par les Grecs au début des années 1940.
Il est clair que la plupart des Ukrainiens sont toujours favorables à la poursuite de la guerre dans le but de reconquérir l’ensemble de leur pays, y compris la Crimée. Poutine a annexé la Crimée en 2014 après des manifestations massives pro-européennes, soutenues par l’Occident et marquées par de fortes violences, qui ont menées à la destitution du président ukrainien pro-russe issu des élections très contestables de 2010. À l’époque, l’Ukraine n’était pas en mesure de résister à l’action militaire russe, et le Kremlin n’a apparemment pas tenu compte de l’entraînement intensif dispensé par les puissances occidentales aux forces ukrainiennes par la suite.
À la suite de son invasion de 2022, la Russie a annoncé l’annexion de certaines régions du sud et de l’est de l’Ukraine, et y avoir organisé des référendums factices en faveur de la réunification avec la Russie. Ainsi, le Kremlin peut désormais prétendre qu’il ne fait pas du tout la guerre à l’Ukraine, mais qu’il se défend simplement. Mais cela représente déjà un grand pas en arrière par rapport à l’intention initiale de Moscou d’annexer toute l’Ukraine (ce que l’ineffable général Mark Milley, chef d’état-major américain, nous avait assuré à l’époque de se produire).
L’Ukraine est manifestement prête à endurer de grandes difficultés et de lourdes pertes pour chasser les Russes. Et la Russie, après avoir été massivement humiliée à la fin de la guerre froide, lorsque son empire s’est simplement désintégré sans tirer un coup de feu, est déterminée à regagner une partie importante de ce qu’elle avait perdu. Les enjeux en Russie sont tels que le gouvernement ne pourrait probablement pas survivre en sortant de cette guerre sans aucune appropriation de territoire ukrainien.
L’ancien président russe Dmitri Medvedev a averti la semaine dernière qu’une défaite russe pourrait conduire à une guerre nucléaire, une menace que le chef de l’Église orthodoxe russe, qui a toujours servi de porte-parole à son gouvernement, a avalisée en prédisant la « fin du monde ! » si la Russie était vaincue.
Cette rhétorique apocalyptique est destinée à dissuader les pays occidentaux de s’impliquer davantage dans la guerre. En même temps, c’est la reconnaissance explicite du fait que la Russie pourrait perdre sur le champ de bataille ainsi qu’une manifestation rare de la confiance ébranlée en Poutine.
De son côté, Vladimir Poutine a profité du 80e anniversaire du siège de Leningrad pour évoquer le spectre des nazis menaçant la Russie depuis l’Ukraine – le pays qu’il a traité de marionnette guerrière de l’Occident. Poutine a déclaré que les forces soviétiques avaient vaincu le « génocide de Leningrad » perpétré par l’Allemagne nazie et a établi des comparaisons avec la façon dont la Russie d’aujourd’hui combat les « néonazis ukrainiens » dans le Donbass – la région sur le territoire duquel Poutine a déjà accusé l’Ukraine de mener un génocide afin de justifier son invasion en février 2022. Son retour à des absurdités sur les « néonazis ukrainiens » et le « génocide des Russes » est une tentative de reprendre le contrôle de la couverture de la guerre au niveau national.
Le niveau actuel de désespoir de la Russie est bien illustré par les commentaires de son sardonique ministre des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, selon lesquels l’Occident souhaite une « solution finale de la question russe » – une utilisation délibérée de la terminologie antisémite nazie. Lavrov a lancé ses propos bien qu’il n’y avait aucune raison de comparer les 6 millions de Juifs européens victimes de génocide nazi et la « Mère Russie », un immense pays avec une population aussi importante que l’Allemagne et la France réunies.
Si Poutine essaie d’attiser l’enthousiasme des Russes pour soutenir une longue guerre, il ne doit pas voir la possibilité d’amener la guerre à des négociations fructueuses dans un avenir proche. Le Kremlin doit jouer le jeu des nationalistes extrémistes qui exigent du sang, ainsi que de la population russe fatiguée qui se plaint de ce qu’il est advenu de cette « invasion éclair » qui leur a été promise il y a presque un an. Pour essayer d’obtenir de force un résultat satisfaisant, la Russie devra organiser une immense mobilisation qui sera à la fois impopulaire et inabordable. Si la Russie s’est sacrifiée avec un héroïsme inimaginable pour protéger la mère patrie russe (« Rodina-Mat ») face aux envahisseurs d’Hitler en 1941-1945, on peut douter de ce qu’elle est prête à sacrifier afin de s’emparer de l’Ukraine face à l’Occident réuni et dirigé par l’Amérique.
Les six à neuf prochains mois pourraient mettre un terme à cette guerre sur une base permettant à Poutine de survivre et aux Ukrainiens de se réjouir. Si la Russie ne l’accepte pas, la guerre se poursuivra jusqu’à ce que Poutine disparaisse. Les objections conservatrices données en Occident à une telle situation sont sans fondement. Le fait est que l’Occident, au milieu de l’une des périodes politiques les plus ineptes de son histoire, est en mesure de faire échouer le projet farfelu du Kremlin en engageant modérément ses ressources – et ce, en lui permettant d’éviter ce qui serait autrement une humiliation cuisante. Cela indique à tous, à part le plus militant des athées, que le Ciel a soutenu à nouveau les démocraties occidentales, non pas au niveau de leurs dirigeants, mais dans l’identité de leurs adversaires.
Conrad Black a été, pendant 40 ans, l’un des financiers les plus importants du Canada ainsi que l’un des principaux éditeurs de journaux au monde. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont les biographies des présidents américains Franklin D. Roosevelt et Richard Nixon. Son dernier ouvrage est intitulé Donald J. Trump: A President Like No Other (Donald J. Trump : un président pas comme les autres).
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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