Les Africains enthousiastes, mais soucieux, à l’approche du second mandat de Donald Trump

Selon de nombreux Africains, le président élu Donald Trump est un homme avec lequel l'Afrique pourra faire des affaires, malgré une approche plus ferme

Par Darren Taylor
31 décembre 2024 13:47 Mis à jour: 1 janvier 2025 19:27

JOHANNESBURG – L’Afrique devrait se trouver « en bonne position » dans le programme de la deuxième administration Trump, selon Ronak Gopaldas, analyste pour la société Signal Risk au Cap, en Afrique du Sud.

« On a eu l’impression que, lors de son premier mandat, Donald Trump ignorait l’Afrique. Or, le monde a beaucoup changé depuis », a-t-il expliqué à Epoch Times.

« Le monde entier s’éveille au fait que les minéraux critiques de l’Afrique sont indispensables à la prospérité de tous les pays, dont celle des États-Unis. »

« De plus, Donald Trump ne peut se permettre de céder davantage de terrain à la Chine en Afrique. S’il le fait, l’économie américaine en souffrira et cela remettra en cause la promesse phare de sa campagne de réélection. »

Lors de sa campagne, M. Trump s’est engagé à imposer des droits de douane de 60 % sur les produits chinois et une taxe de 10 à 20 % sur toutes les autres importations.

Brooks Spector, analyste des relations internationales à l’université Wits de Johannesburg et ancien diplomate américain en Afrique, a déclaré à Epoch Times : « Trump ne pense qu’au commerce. Sa priorité est de savoir ‘quels sont [leurs] avantages à faire des affaires avec vous ?’. »

« Avec Trump, tout est question de réciprocité. Contrairement aux démocrates, qui sont parfois prêts à faire un peu de charité, avec Trump, c’est le quid pro quo. C’est un peu comme ‘nous vous aidons, mais nous nous attendons à une contrepartie’. »

Edward Kufour, vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie internationale d’Afrique, a confié à Epoch Times que le secteur des affaires en Afrique avait des « sentiments mitigés » à l’idée du retour de Donald Trump.

« D’un côté, nous pensons que l’administration Trump réduira les formalités administratives et facilitera les affaires des Américains en Afrique, et vice versa », a-t-il souligné.

« D’autre part, si Trump tient sa promesse d’augmenter les droits de douane sur les produits importés, les exportateurs africains perdront plusieurs millions de dollars du jour au lendemain, et les répercussions économiques de l’instabilité des marchés pourraient conduire les consommateurs africains à payer beaucoup plus cher certains produits. »

Donald Trump a affirmé que ses projets de droits de douane permettraient de reconstruire l’industrie manufacturière américaine, de créer des emplois et de générer des revenus, tels que des milliers de milliards de dollars de recettes fédérales sur dix ans.

Or, selon certains détracteurs, ces plans tarifaires provoqueraient de l’inflation, l’effondrement du commerce entre les États-Unis et la Chine, une augmentation des tarifs douaniers en représailles dans le monde entier, et perturberaient les chaînes d’approvisionnement mondiales.

« Si l’économie la plus puissante du monde a recours à un protectionnisme généralisé, il ne fait aucun doute que les petites et moyennes économies réagiront de la même manière », a expliqué à Epoch Times Raphael Agung, économiste en chef à l’Institute of Economic Affairs du Kenya.

« Ce sont les ingrédients parfaits d’une sérieuse guerre commerciale. »

Minéraux critiques

Selon le groupe de travail sur les minéraux critiques du Conseil atlantique, l’Afrique détient plus de 30 % des réserves mondiales connues de minéraux critiques.

Les pays africains jouent un rôle central dans les chaînes d’approvisionnement des filières essentielles du 21e siècle, en particulier l’industrie des véhicules électriques, des batteries au lithium, des téléphones portables, d’équipements médicaux spécialisés et d’équipements militaires.

« La transition énergétique et la compétitivité des pays à économie développée dépendent de la capacité de ces derniers à garantir leur approvisionnement en minéraux critiques, à soutenir l’innovation et à créer des partenariats mutuellement bénéfiques avec les pays d’extraction », a souligné le groupe de travail.

Vin Weber, ancien représentant du Minnesota et ancien conseiller de plusieurs campagnes présidentielles républicaines, a mentionné à Epoch Times que la rivalité entre les États-Unis et la Chine s’était intensifiée en Afrique au cours du mandat du président Joe Biden et qu’elle « s’intensifierait encore » lorsque Donald Trump entrerait à la Maison-Blanche.

« Nous n’avons pas vraiment le choix », a expliqué M. Weber. « L’un des principaux objectifs des États-Unis au cours de la prochaine décennie doit être de sécuriser les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques. »

Kwame Darko, un économiste ghanéen, a confié à Epoch Times que la « plus grande crainte » de l’Afrique est « un Donald Trump qui force [le continent] à choisir entre les États-Unis et la Chine ».

Au cours des 20 dernières années, la Chine est devenue le premier partenaire commercial bilatéral de l’Afrique, selon les données du Forum économique mondial.

Les données montrent qu’environ 20 % des exportations du continent africain sont désormais destinées à la Chine et qu’environ 16 % des importations de l’Afrique proviennent de la Chine. En 2023, le volume total des échanges a atteint le montant record de 282 milliards de dollars (272 milliards d’euros).

Selon M. Darko, l’Afrique ne peut se permettre de minimiser ses relations avec la Chine et cela risque de provoquer des tensions avec l’administration Trump.

« Si Trump adopte une attitude du type ‘Si vous êtes amis avec notre ennemi, alors vous êtes notre ennemi’, alors les quatre prochaines années seront sans doute très difficiles », a-t-il signalé.

« L’Afrique pourrait bien devenir le champ de bataille des deux plus grandes puissances mondiales. »

M. Gopaldas est convaincu que Donald Trump et ses conseillers « s’aligneront » sur la « conviction mondiale croissante que les populations et les ressources de l’Afrique ont un rôle clé à jouer pour déterminer la trajectoire future du monde ».

« Joe Biden l’a reconnu et Donald Trump ferait bien d’en faire autant », a assuré M. Gopaldas.

« Je pense qu’il doit trouver un moyen de faire affaire avec l’Afrique, parce que les États-Unis ont besoin de l’Afrique autant que nous avons besoin d’eux. »

En décembre 2022, lors du Forum des affaires États-Unis-Afrique (U.S.–Africa Business Forum) qui s’est tenu à Washington, M. Biden a déclaré que « le succès et la prospérité de l’Afrique sont essentiels pour assurer un avenir meilleur à chacun de nous, et non seulement à l’Afrique ».

Selon une étude récente du cabinet international de conseil en stratégie McKinsey, l’Afrique a la population la plus jeune du monde, avec 70 % des habitants d’Afrique subsaharienne ayant moins de 30 ans.

D’ici 2050, la population du continent africain devrait doubler pour atteindre 2,5 milliards, ajoutant 800 millions de personnes au marché du travail.

D’ici 2100, un habitant de la planète sur trois sera africain, selon le rapport de McKinsey.

Selon le think tank américain sur les relations étrangères Council for Foreign Relations, d’ici la fin du siècle, l’Afrique subsaharienne abritera près de la moitié des jeunes du monde.

« Pour le bien des Africains et celui des Américains, l’administration Trump doit absolument exploiter toute cette énergie, en commençant par soutenir les jeunes entrepreneurs et renforcer le commerce avec l’Afrique », a expliqué M. Gopaldas.

Selon Sanusha Naidoo, analyste à l’Institut pour le dialogue mondial (Institute for Global Dialogue) d’Afrique du Sud, si Donald Trump honore son leitmotiv « America First », « il renforcera le commerce avec ses partenaires africains, réduira voire suspendra le commerce avec les pays qu’il considère comme non amicaux envers l’Amérique » et pourrait potentiellement réduire l’aide à l’Afrique.

« Je pense que ce qui a vraiment touché les électeurs américains, c’est le mantra de Trump ‘Refaites-moi président et je vous donnerai la priorité, à vous et à personne d’autre’. », a souligné Mme Naidoo à Epoch Times.

« De nombreux Américains sont manifestement en colère parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’acheter à manger ou d’accéder à la propriété, dans un contexte où des millions de dollars d’argent des contribuables sont versés à l’Ukraine. »

« De même, si j’étais Américaine, je serais sans doute plus à l’aise que mon argent soit utilisé pour venir en aide aux nombreux toxicomanes aux prises avec une dépendance aux opiacés de ma ville, que pour venir en aide aux personnes atteintes du VIH en Afrique. »

Les gouvernements africains et les organisations à but non lucratif craignent qu’une deuxième administration Trump ne mette fin à un programme qui, depuis son lancement par le président George W. Bush en 2003, a permis de sauver 25 millions de vies et de prévenir des millions d’infections par le VIH, principalement en Afrique.

Le « plan présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida » (PEPFAR, President’s Emergency Plan for AIDS Relief) est l’aide la plus importante jamais octroyée par un pays pour lutter contre une maladie spécifique.

Selon le département d’État américain, les contribuables américains ont jusqu’à présent financé le PEPFAR à hauteur de 100 milliards de dollars (96 milliards d’euros). Ce dernier fournit des médicaments antirétroviraux à des millions de personnes dans le monde, principalement en Afrique.

Selon le professeur Salim Abdool Karim, l’un des plus grands spécialistes africains du VIH, si le PEPFAR est suspendu, « des millions de personnes mourront, c’est aussi simple que cela ».

Quant aux activistes africains de la lutte contre les changements climatiques, leur réaction a été particulièrement négative à la victoire de Donald Trump.

Donald Trump a antérieurement déclaré que « le climat a toujours changé ». La volonté exprimée de ce dernier d’accroître l’usage de combustibles fossiles et d’autoriser l’exploitation minière aux États-Unis a tiré la sonnette d’alarme du côté des groupes environnementaux.

L’équipe de transition de Donald Trump a clairement indiqué le retrait prochain des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Il en avait été de même lors du premier mandat de cette administration qui avait quitté l’Accord, par la suite réintégré par l’administration Biden.

L’accord sur le climat a été adopté par 196 pays lors de la conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP21) qui s’est tenue à Paris en décembre 2015.

Son objectif est de maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels », principalement en limitant les émissions de gaz à effet de serre causées par la combustion de combustibles fossiles, dont le charbon et le pétrole.

Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies (GIEC) a expliqué que le franchissement du seuil de 1,5 °C risquait d’entraîner des conditions météorologiques beaucoup plus extrêmes, notamment des épisodes de sécheresse, de vagues de chaleur et des inondations plus fréquentes et plus intenses.

Selon certains scientifiques, l’Afrique subit les pires répercussions des changements climatiques, marquée par des températures plus élevées et des inondations entraînant des pertes de récoltes qui laissent des millions de personnes affamées.

Les pays du Sud ont fait pression pour que les pays les plus riches contribuent à un « Fonds pour les pertes et dommages » liés aux changements climatiques afin de soutenir financièrement les pays les plus pauvres dans leurs efforts de mitigation ou d’adaptation.

Selon Ayakha Melithafa, membre de la Commission présidentielle sur le climat en Afrique du Sud, dans une déclaration à Epoch Times, il n’y a « aucune chance » que Donald Trump accepte une telle compensation.

« L’administration Biden a résisté à cet appel, il est donc absurde de s’attendre à ce que l’administration Trump y réponde », a-t-elle affirmé.

« Je ne m’attends pas non plus à ce que Donald Trump finance la transition de l’Afrique vers les énergies propres. Nous devons nous débrouiller seuls. »

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