Le 9 février, des agriculteurs de Pologne, d’Espagne, d’Italie et de Hongrie ont manifesté, dans le cadre de la poursuite des protestations contre les politiques agricoles de l’Union européenne. Ils exigent des mesures pour lutter contre l’augmentation des coûts de production, la réduction de leurs bénéfices et la concurrence déloyale des pays non-membres de l’UE.
Les agriculteurs se plaignent que les politiques environnementales et agricoles de l’Europe des 27, liées au « Green Deal » européen, constituent un fardeau financier et rendent leurs produits plus chers que les importations en provenance de pays non-membres de l’UE.
Les importations de céréales, de lait et d’autres produits bon marché en provenance de l’Ukraine voisine affectent particulièrement les agriculteurs polonais. En signe de protestation, ils ont traversé le pays avec leurs tracteurs pour ralentir la circulation et bloquer les principaux axes routiers. Les tracteurs arboraient des drapeaux polonais et klaxonnaient, et certains exhibaient des affiches sur lesquelles on pouvait lire « Stop au Green Deal » et « Stop aux importations en provenance d’Ukraine ».
Le syndicat agricole polonais « Solidarité », organisateur des manifestations, et insatisfait des concessions de l’UE, a demandé au gouvernement de Varsovie de garantir la rentabilité de l’agriculture polonaise et de reconstruire le secteur agroalimentaire polonais. Selon ce syndicat, ces secteurs sont menacés par le « Green Deal » européen actuellement déployé.
Le « Green Deal » européen est une initiative de l’Union européenne visant à lutter contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement, que l’UE considère comme « une menace existentielle pour l’Europe et le monde », selon une déclaration de politique générale de la Commission européenne.
La Commission européenne, l’organe exécutif de l’UE, a fait quelques concessions aux agriculteurs ces dernières semaines, mais les protestations se sont multiplié.
Les concessions incluaient l’assouplissement temporaire de l’obligation pour les agriculteurs à laisser 4% de leurs terres arables en jachère. Cette règle a été remplacée par l’obligation d’allouer 7% des terres de l’exploitation à la culture – sans utiliser de pesticides, de cultures fixant l’azote ou de certaines cultures utilisées comme fourrage pour les animaux ou comme engrais vert.
Concernant les importations en provenance d’Ukraine, la Commission européenne a proposé de plafonner celles de volailles, d’œufs et de sucre, si elles dépassent les niveaux de 2022 et 2023.
Szymon Kosmalski, 39 ans, agriculteur polonais de Komorniki, qui a participé à la manifestation à Poznan, en Pologne, a déclaré à Reuters que les produits agricoles qui entrent en Pologne par la frontière orientale avec l’Ukraine ne sont pas conformes aux normes de sécurité de l’UE.
« Ma ferme et ma famille en ressentent personnellement les effets », a déclaré M. Kosmalski, expliquant que les prix actuels des céréales qu’il produit – principalement du maïs et du blé – « sont si bas qu’ils ne couvrent même pas 100% des coûts de production ».
Selon M. Kosmalski, la raison pour laquelle les prix des céréales [en provenance d’Ukraine] sont si bas est qu’elles pourraient être cultivées dans des sols contaminés aux métaux lourds et faire appel à des produits phytosanitaires interdits dans les pays de l’UE, et ainsi ne pas faire l’objet de contrôles sanitaires.
« Nous nous attendons à ce que des inspections des produits entrant dans notre pays soient faites. En tant que producteurs agricoles et fruitiers, nous sommes assujettis à de nombreuses normes », a déclaré M. Kosmalski. « Si des produits en provenance de l’extérieur de l’UE y entrent, ils devraient également être conformes à ces normes. [Or,] il n’y a pas de contrôles [sanitaires et environnementaux]. »
Selon le journal polonais Rzeczpospolita, les manifestations ont eu lieu dans plus de 260 endroits en Pologne le 9 février.
Quelques centaines de tracteurs ont bloqué un carrefour sur une autoroute dans la région de Basse-Silésie, a rapporté Rzeczpospolita.
À Poznan, les agriculteurs ont garé un millier de tracteurs devant les bureaux du gouvernement régional, a rapporté Voice of America. Les manifestants ont allumé des fusées éclairantes, y ont déposé un cercueil, symbolisant la mort de l’agriculture polonaise, ainsi qu’une brouette remplie de fumier dans laquelle était planté un drapeau de l’Union européenne. Aucune violence n’a été signalée.
Les agriculteurs polonais ont également bloqué plusieurs postes frontaliers avec l’Ukraine, ralentissant la circulation aux points de contrôle, selon l’agence de presse polonaise (PAP).
Dans une déclaration, le ministre polonais de l’Agriculture, Czeslaw Siekierski, a admis que l’ouverture du marché de l’UE aux produits agricoles ukrainiens, tel qu’il l’a été, était une erreur.
Il a demandé aux agriculteurs « de ne pas rendre les manifestations trop pénibles » et de mettre fin aux blocages dès que possible. Il a également demandé à la population de faire preuve de compréhension à l’égard des agriculteurs, selon le communiqué.
Agriculteurs allemands
Les agriculteurs allemands de la région frontalière polonaise ont rejoint leurs collègues polonais dans leur manifestation le 9 février.
Les agriculteurs allemands ont manifesté dans tout le pays contre la décision du gouvernement de supprimer progressivement l’allègement fiscal dont bénéficiait les agriculteurs pour l’achat de gazole.
La réaction des agriculteurs avait déjà incité la coalition du chancelier allemand Olaf Scholz à modifier de façon inattendu le budget. Toutefois, les agriculteurs ont jugé les modifications insuffisantes.
Kay Weiseman, agriculteur allemand participant à la manifestation, a déclaré à Reuters : « Nous ne sommes pas seulement des agriculteurs, nous sommes des artisans, des propriétaires de petites entreprises, des transporteurs routiers – nous sommes tous ici, pas seulement les agriculteurs allemands, et pas seulement les agriculteurs polonais, nous sommes tous ici dans la rue. »
Le commissaire européen à l’Agriculture sous pression
Des représentants politiques polonais ont appelé le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, à démissionner, dans le contexte des manifestations.
Le 9 février, le vice-premier ministre et ministre de la Défense nationale polonais Władysław Kosiniak-Kamysz a déclaré au Parlement polonais que le gouvernement comprenait les protestations des agriculteurs.
« Le manque de rentabilité est tragique », a admis M. Kosiniak-Kamysz, blâmant M. Wojciechowski pour les politiques agricoles de l’UE et l’appelant à démissionner.
M. Wojciechowski, le membre polonais de la Commission européenne, a également été critiqué par le chef de l’ancien parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS), qui l’avait proposé pour ce poste.
La Commission est composée de 27 commissaires, un par pays de l’UE.
Jaroslaw Kaczynski, chef du PiS, a déclaré aux journalistes présents au parlement qu’il demanderait la démission de M. Wojciechowski, selon l’agence PAP.
M. Wojciechowski a déclaré à la chaîne de télévision Polsat News qu’il ne céderait pas à la pression et qu’il ne démissionnerait pas.
La veille des manifestations, sur la plateforme X, M. Wojciechowski a publié une lettre ouverte aux agriculteurs polonais, dans laquelle il vante les deux concessions de l’UE, que les agriculteurs polonais ont jugées insuffisantes et à la suite desquelles ils ont organisé des manifestations. Dans cette lettre, M. Wojciechowski promet également de proposer à la Commission que des avantages supplémentaires soient accordés aux agriculteurs de l’UE.
Agriculteurs hongrois
Le 9 février, des centaines d’agriculteurs hongrois se sont rassemblés pour protester contre les restrictions qui leur sont imposées dans le cadre des mesures de lutte au changement climatique de l’UE, et contre la suspension des droits d’importation sur les exportations ukrainiennes pour une année supplémentaire.
Selon le Budapest Times, un millier d’agriculteurs ont manifesté le 9 février au poste frontalier avec l’Ukraine, dans la ville de Zahorny.
Les agriculteurs portaient des drapeaux hongrois et arboraient des affiches sur lesquelles on pouvait lire « Bruxelles nous laisse tomber » et « Sans agriculteurs, pas de nourriture, pas d’avenir ».
Agriculteurs italiens
En Italie, un petit convoi de tracteurs a traversé le centre historique de Rome jusqu’au Colisée, escorté par des patrouilles de police.
Un convoi symbolique de quatre tracteurs, dont les couleurs représentent celles du drapeau national italien, faisait partie d’un groupe de plus de 500 tracteurs garés dans la banlieue de Rome, attendant l’autorisation d’entrer dans la ville, selon « The Local Italy ».
Depuis plusieurs jours, les agriculteurs italiens manifestent pacifiquement devant Rome et dans tout le pays pour exprimer leur mécontentement à l’égard de la réglementation européenne sur le climat et de l’impôt sur le revenu.
La première ministre d’Italie, Giorgia Meloni, a déclaré à plusieurs reprises que son gouvernement avait déjà répondu à certaines des principales demandes des agriculteurs, mais nombre d’entre eux se sentent négligés.
Une réunion entre une délégation de représentants institutionnels agricoles et le ministre de l’Agriculture Francesco Lollobrigida a été convoquée pour le 9 février. De nombreux agriculteurs italiens disent qu’ils ne se sentent pas représentés par les grandes associations sectorielles, qui, selon eux, sont éloignées de leurs enjeux quotidiens.
Agriculteurs espagnols
Le 9 février, les agriculteurs espagnols ont bloqué des rues à travers le pays lors d’une quatrième journée de manifestations et ont annoncé leur intention de se rassembler à Madrid pour protester contre les mesures de lutte au changement climatique de l’UE et ce qu’ils considèrent être des taxes excessives et de la bureaucratie.
La circulation sur l’autoroute A-2 menant à Madrid, près de la ville de Torija, dans le centre du pays, s’est ralentie derrière un convoi de tracteurs arborant des drapeaux espagnols et klaxonnant à tout-va, tandis que des agriculteurs portant des gilets jaunes agitaient des baguettes de pain depuis un viaduc en direction des véhicules en contrebas.
Les agriculteurs espagnols se plaignent également de la concurrence déloyale des pays tiers qui ne sont pas tenus de respecter les réglementations strictes de l’UE et vendent leurs produits sur le marché européen à des prix inférieurs, selon « The Local Spain ».
Selon le journal El Mundo, des manifestants ont affronté la police près de la ville de Mérida, dans le sud-ouest du pays, en lançant des pierres sur les policiers, qui ont lancé des gaz lacrymogènes pour les disperser.
Reuters et l’Associated Press ont contribué à ce rapport.
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