Des barrages se lèvent samedi mais la colère des agriculteurs n’est pas apaisée pour autant par les annonces du gouvernement, qui promet de nouvelles mesures : les blocages devraient reprendre de la vigueur en début de semaine.
« Dans la globalité on va lever les blocages d’ici à ce midi pour les reprendre plutôt en début de semaine prochaine », a annoncé Pierrick Horel, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs, syndicat qui, associé à la FNSEA, représente la majorité de la profession. « On a besoin de se reposer, on a aussi besoin de réadapter la stratégie », a-t-il expliqué sur RMC.
« Nous avons décidé de changer de méthode et d’organiser le blocus de Paris et de la petite couronne », a de son côté annoncé sur BFMTV Maxime Buizard, administrateur national des Jeunes Agriculteurs. « L’idée étant qu’il n’y ait aucun camion qui puisse alimenter la capitale ».
? #AgriculteursEnColere : après les déclarations de G. Attal, des blocages toujours prévus ?@MaximeBuizard : « Dès dimanche soir, on va amplifier notre mode d’action. Je le dis à nos amis franciliens, la semaine va être longue : Paris sera bloquée » https://t.co/HKluh7FCAc pic.twitter.com/foePn3aq07
— Sud Radio (@SudRadio) January 27, 2024
Selon la gendarmerie, le nombre de blocages et de départements touchés diminue fortement : samedi à 6h00, il y avait moins de 40 actions touchant 28 départements. Mais le mouvement reste diffus, avec des situations qui varient localement à travers la France et l’A9 qui reste fermée à la circulation, selon Vinci Autoroutes. Dans le Gard, où l’autoroute A54 est également coupée à hauteur de Nîmes, « ça continue et des équipes sont restées mobilisées toute la nuit », a déclaré à l’AFP samedi matin Laurence Biscayet de la FDSEA Gard.
Déblocage de l’A64 en Haute-Garonne
Le déblocage de l’autoroute A64 au niveau de Carbonne (Haute-Garonne), premier barrage d’agriculteurs à avoir été installé il y a 10 jours, était en cours à la mi-journée. « On a été entendu, on a eu quelques réponses » même si « tout ne sera pas parfait de suite », a jugé Joël Tournier, l’un des porte-parole du mouvement à Carbonne, avec l’éleveur Jérome Bayle.
« On a été entendu, on a eu quelques réponses, tout ne sera pas parfait de suite, on ne va pas changer l’agriculture française en cinq minutes sous un pont d’autoroute mais il me semble qu’on a été vraiment, vraiment entendus », a estimé M. Tournier, éleveur-céréalier, mobilisé avec d’autres depuis dix jours sur ce barrage situé à environ 40 km au sud-ouest de Toulouse. « On a au moins relancé le débat de l’agriculture en France », a-t-il ajouté.
Certains transporteurs routiers autorisés à rouler
Certains véhicules de transports routiers sont exceptionnellement autorisés à rouler ce week-end après les difficultés de circulation cette semaine déclenchées par les manifestations d’agriculteurs, est-il indiqué dans un arrêté publié samedi au Journal officiel.
Les interdictions de circulation normalement prévues pour les véhicules de transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes durant le week-end « sont levées du samedi 27 janvier 2024 à 10 heures au lundi 29 janvier 2024 à 10 heures », après « les difficultés de circulation induites par les manifestations des agriculteurs », décrit l’arrêté.
Le but est de « permettre l’achèvement des opérations de transports entamées avant le samedi 27 janvier à 22 heures », ainsi que « le retour des conducteurs routiers dont les opérations de transport ont été perturbées » vers leur « lieu de repos habituel ».
Le blocage de dizaines d’axes autoroutiers par des agriculteurs en colère à travers toute la France a désorganisé le transport de marchandises cette semaine, jetant des milliers de camions sur les axes secondaires.
« On ne vous lâchera pas »
Pour tenter d’éteindre la révolte montée de campagnes où beaucoup ne parviennent plus à vivre de leur métier, le Premier ministre Gabriel Attal a dévoilé vendredi des mesures d’urgence en Occitanie, berceau de la contestation. « On ne vous lâchera pas », a-t-il lancé.
Il a ainsi accédé à quelques-unes des demandes les plus pressantes des manifestants entre l’abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), des indemnités gonflées pour les éleveurs touchés par la maladie des bovins MHE, des sanctions lourdes contre trois industriels de l’agro-alimentaire ne respectant pas les lois Egalim sur les prix. « Il y a des premières mesures qui sont annoncées. Elles sont appelées à se décliner sur d’autres sujets bien évidemment », a promis le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau sur franceinfo.
Les annonces du gouvernement ont satisfait l’éleveur occitan Jérôme Bayle, initiateur du premier blocage sur l’A64 qui, au côté du Premier ministre, a annoncé sur le barrage de Carbonne (Haute-Garonne) que celui-ci serait levé d’ici samedi midi.
Mais pas la FNSEA, ni la Coordination rurale ou la Confédération paysanne. « Ce qui a été dit ce soir ne calme pas la colère, il faut aller plus loin », a affirmé vendredi le président de la FNSEA Arnaud Rousseau. Sur les points de blocage mis en place par les tracteurs sur les autoroutes et grands axes, « il va y avoir des roulements », a-t-il prédit.
La Confédération paysanne veut pour sa part « continuer la mobilisation » pour obtenir « des mesures structurelles ». Ses membres ont annoncé une action « surprise » samedi dans la matinée à Figeac (Lot). « Les gens sont excédés par le fait que ce n’est pas les annonces qu’on attendait », a déclaré samedi Lucie Delbarre, secrétaire générale de la FDSEA du Pas-de-Calais. « On a un État qui se moque de ses agriculteurs. On le voit bien c’est une cocotte-minute prête à exploser » et il y a un sentiment « de rage ».
En Bretagne, de nombreux barrages ont été levés un peu partout dès vendredi soir mais à Guingamp (Côtes d’Armor), plusieurs dizaines d’agriculteurs en colère ont envahi avec tracteurs et bennes le centre de la ville en fin de soirée.
Un enjeu des élections européennes
À Narbonne, c’est un bâtiment de la Mutualité sociale agricole (MSA) qui avait été incendié vendredi après-midi en marge d’une manifestation d’agriculteurs, tandis qu’à Nîmes, un bureau des Douanes et huit véhicules ont été brûlés.
Partout à travers la France, première puissance agricole de l’Union européenne, s’est exprimé un mélange de passion et de désespoir, les cortèges exhibant ici un pendu de paille, là affichant le slogan « Enfant on en rêve, adulte on en crève ».
La mobilisation a été endeuillée mardi par la mort accidentelle d’une agricultrice et de sa fille sur un barrage à Pamiers (Ariège), où une marche blanche aura lieu samedi à partir de 13h30.
À Matignon, l’accueil des mesures est scruté avec attention et l’entourage de Gabriel Attal promet « de continuer à apporter un certain nombre de mesures d’ici le Salon de l’agriculture » fin février.
Le vote des agriculteurs est un enjeu des élections européennes et les responsables politiques n’ont pas manqué de critiquer les mesures du gouvernement, « à court terme » qui « ne répondent ni aux enjeux ni aux attentes », a fustigé la leader RN Marine Le Pen. Une « opération de com' » pour Éric Coquerel (LFI).
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