Ils ne prévoient pas encore de rentrer chez eux, voire sont invités à « monter » à l’Assemblée nationale après l’échec de l’épopée vers Rungis : la mobilisation des agriculteurs ne faiblit pas jeudi avant un sommet européen marqué par la démonstration de force d’un millier de tracteurs qui se sont positionnés devant la Commission européenne, bloquant plusieurs rues de Bruxelles.
Le président français Emmanuel Macron doit s’entretenir dans la matinée avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au sujet du « futur de l’agriculture européenne », a annoncé l’Élysée, avant ce Sommet européen extraordinaire consacré au budget de l’UE et à l’aide à apporter à l’Ukraine. Les aides dégagées mercredi par le gouvernement français comme les concessions de la Commission européenne – sur les jachères et les importations ukrainiennes – n’ont pas semblé trouver grâce aux yeux de la profession, également mobilisée en Italie, Espagne et Allemagne.
Accords de libre-échange, une concurrence déloyale
« Mille tracteurs ou engins agricoles » bloquent plusieurs rues de la capitale belge, siège des institutions européennes, a déclaré à l’AFP un porte-parole de la police, précisant que les manifestants provenaient essentiellement de Belgique. Les organisateurs ont expliqué vouloir dénoncer « les folies qui menacent l’agriculture ». La veille au soir, des agriculteurs français et belges ont bloqué « ensemble » un point de la frontière, dénonçant « la distorsion de concurrence » entérinée par les accords de libre-échange, et réclamant « des annonces très fortes ».
En France, la présidente du 2e syndicat agricole représentatif Coordination rurale (CR), Véronique Le Floc’h, a suggéré jeudi sur RMC aux agriculteurs « qui souhaitent monter sur Paris » de « venir à l’Assemblée nationale » afin que les députés « puissent venir à leur rencontre ». « Je n’ai même pas besoin d’appeler » les agriculteurs à manifester, « ils s’organisent partout pour remplir des voitures, il y a des départs partout », a-t-elle assuré.
Ils veulent selon elle montrer leur soutien aux 91 personnes interpellées mercredi pour s’être introduites à pied dans l’enceinte du marché de gros de Rungis (Val-de-Marne). Selon le parquet de Créteil, 79 étaient toujours en garde à vue jeudi matin.
En coulisses, le gouvernement consulte les représentants syndicaux pour trouver une sortie de crise. Les présidents des syndicats majoritaires FNSEA-Jeunes agriculteurs, Arnaud Rousseau et Arnaud Gaillot, étaient « devant le Premier ministre », a déclaré jeudi sur Radio Classique Christiane Lambert, présidente de l’organisation agricole majoritaire dans l’UE, le Copa, et ex-patronne de la FNSEA. « Ils espèrent des annonces dans la journée », a-t-elle ajouté.
Dans le pays, plus de 150 rassemblements – barrages filtrants, blocages ou manifestations – ont été recensés mercredi, notamment autour d’Orange, Nîmes, Arles, Aix-en-Provence, Grenoble ou Nantes. À Lyon, l’encerclement de la métropole est quasi complet, mis à part un dernier nœud routier.
Une colère qui gagne l’Europe
Politique européenne trop complexe, revenus trop bas, inflation, concurrence étrangère, accumulation de normes, flambée des prix du carburant : les mêmes revendications se retrouvent dans la plupart des pays européens. Face à la colère qui s’exprime sur tout le continent européen, la Commission européenne a proposé d’accorder pour 2024 une dérogation « partielle » aux obligations de jachères imposées par la PAC et envisage un mécanisme limitant les importations d’Ukraine (volaille, œufs et sucre).
Si Paris s’est félicité que Bruxelles ait « répondu aux demandes de la France », la dérogation intervient « tardivement » et les mesures sur les importations restent « insuffisantes », a regretté le Copa de Mme Lambert.
Un autre sujet de friction reste en suspens à Bruxelles : la Commission négocie actuellement un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui inquiète le secteur agricole et dont Paris ne veut pas en l’état actuel. La tête de liste écologiste aux européennes Marie Toussaint a demandé mercredi à Emmanuel Macron de s’atteler lors du sommet à « former une coalition d’États-membres contre l’accord UE-Mercosur ».
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