Les armes hypersoniques, un enjeu majeur

Par Andrew Thornebrooke
22 octobre 2021 16:02 Mis à jour: 27 octobre 2021 00:55

Récemment, le Financial Times a révélé que la Chine vient de tester une arme hypersonique à capacité nucléaire. Les rumeurs d’une nouvelle course aux armements entre les États-Unis et la Chine se propagent désormais à tout-va. 

Mais que sont les armes hypersoniques ? Comment fonctionnent-elles ? Qui en dispose ? Et pourquoi sont-elles capitales ?

Que sont les armes hypersoniques ?

Techniquement, les armes hypersoniques sont des missiles qui se déplacent à une vitesse supérieure à cinq fois la vitesse du son, ou Mach 5. Cette vitesse est d’environ 6 115 km/h, mais elle fluctue en fonction de l’objet, de l’altitude et de la température, puisque ces paramètres interagissent avec les propriétés physiques du son.

Mais la vitesse n’est pas la principale caractéristique des missiles hypersoniques, car les missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) traditionnels atteignent également des vitesses hypersoniques lors de leur rentrée dans l’atmosphère.

Au-delà de cet aspect, le terme a fini par englober un nouveau type d’armes à la fois rapides et maniables. Avec une trajectoire manœuvrable qui ne se limite pas à l’arc parabolique fixe d’un missile balistique, les missiles peuvent échapper aux systèmes actuels de défense antimissile.

Les deux principaux systèmes d’armes hypersoniques actuellement testés dans le monde sont les missiles de croisière hypersoniques et les planeurs hypersoniques.

Les missiles de croisière hypersoniques sont des missiles ultra-rapides propulsés par des jets spéciaux et qui restent dans l’atmosphère pendant toute la durée de leur utilisation.

Les planeurs hypersoniques quant à eux, sont lancés en orbite basse par des fusées de manière similaire aux missiles balistiques intercontinentaux traditionnels. Une fois en orbite, cependant, le planeur hypersonique et son ogive se détachent de la fusée et traversent l’atmosphère en utilisant leur propre dynamique.

Les planeurs hypersoniques sont généralement beaucoup plus rapides que les missiles balistiques intercontinentaux lorsqu’ils sont en orbite basse, mais ils ralentissent considérablement lorsqu’ils atteignent l’air dense de l’atmosphère, car ils n’ont pas de réacteurs pour les propulser. Au plus fort de leur vitesse, cependant, ils peuvent voler à une vitesse jusqu’à 20 fois supérieure à la vitesse du son (Mach 20), soit environ 24 140 km/h.

L’un des principaux inconvénients des planeurs hypersoniques est le coût nettement plus élevé des travaux de recherche et de fabrication nécessaires pour les élaborer et les exploiter.

Qui possède des armes hypersoniques ?

La Chine, la Corée du Nord, la Russie et les États-Unis ont tous testé des missiles hypersoniques.

En outre, l’Australie, l’Inde, le Japon, le Pakistan et la Corée du Sud investissent dans la recherche sur les armes hypersoniques.

Les seules nations connues pour disposer de planeurs hypersoniques opérationnels sont la Chine et la Russie, dont les systèmes respectifs DF-17 et Avangard sont entrés en service au cours de l’année 2019.

Les États-Unis sont dans la phase de prototypage de plusieurs projets de planeurs hypersoniques différents menés au sein de leurs branches de service. Le plus notable d’entre eux est l’arme à réaction rapide aéroportée (ARRW) de Lockheed Martin, qui est en cours de développement pour l’armée de l’air depuis 2018. Deux des trois tests de l’ARRW effectués en 2021 se sont soldés par des défaillances du système.

Quelle est la position des États-Unis sur les armes hypersoniques ?

Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis ont privilégié une politique de dissuasion minimale, c’est-à-dire qu’ils ont cherché à avoir le moins de missiles et de défenses antimissiles possible tout en dissuadant concrètement leurs adversaires de développer d’autres armes ou d’attaquer.

Pendant un certain temps, cette stratégie a été efficace, car les États-Unis disposaient des armes les plus avancées technologiquement. Cependant, avec l’avènement des armes hypersoniques, les États-Unis ont perdu leur capacité de dissuader véritablement les agressions chinoises et russes. Un rapport du service de recherche du Congrès a d’ailleurs réaffirmé en 2021 que la nation ne disposait plus des moyens pour se défendre contre les armes hypersoniques.

De même, Robert Wood, représentant des États-Unis à la Conférence des Nations Unies sur le désarmement, a déclaré à Genève, ce 18 octobre, que les États-Unis s’étaient « abstenus » de poursuivre le développement de la technologie des planeurs hypersoniques de peur de déclencher une course aux armements.

En tant que tel, le leadership américain voit dans l’adoption de l’armement hypersonique par la Chine et la Russie un événement mondial déstabilisant, qui bouleverse l’équilibre des forces et qui obligera probablement à une remise en question à long terme de la stratégie établie pour y faire face.

Quelles sont les implications pour la défense nationale américaine ?

Le développement et l’utilisation croissants des armes hypersoniques, en particulier des planeurs hypersoniques, présentent plusieurs conséquences pour l’avenir de la défense nationale américaine.

Toutefois, les États-Unis, leurs alliés et leurs ennemis ne disposent d’aucune défense crédible contre la plupart de ces planeurs hypersoniques.

En ce qui concerne les États-Unis, cette situation est due en grande partie à la politique de dissuasion minimale qui a empêché l’armée de se doter de nombreuses nouvelles capacités non balistiques.

Pendant un certain temps, cette situation a été stratégiquement avantageuse pour les États-Unis, car ils étaient effectivement en mesure d’élaborer une politique d’armement unilatérale, avec la capacité d’intercepter ou d’empêcher une attaque de tout missile balistique intercontinental connu. Ainsi, pratiquement tous les systèmes actuels de défense antimissile des États-Unis sont conçus pour intercepter les missiles balistiques et sont situés dans l’hémisphère nord, car les technologies balistiques précédentes exigeaient que les missiles chinois et russes décrivent un arc au-dessus du pôle Nord. Pratiquement tous ces systèmes sont incapables de suivre ou d’intercepter les planeurs hypersoniques une fois qu’ils se sont détachés de leurs propulseurs.

Cette domination américaine en matière de défense antimissile est l’une des causes du développement de l’hypersonique en Chine et en Russie, car aucune des deux nations n’a intérêt à continuer à développer des armes dont elles savent que les États-Unis peuvent se défendre à volonté.

À cette fin, la course à l’armement hypersonique de pointe avant l’avènement de technologies capables de s’en défendre adéquatement ne fait qu’accroître le risque potentiel pour toutes les nations.

« Nous ne savons tout simplement pas comment nous pouvons nous défendre contre cette technologie », a déclaré M. Wood le 18 octobre à propos de cette question. « La Chine non plus, la Russie non plus ».

« Ce type de technologie est préoccupant, car nous n’avons tout simplement pas eu à y faire face auparavant », a-t-il ajouté.

Correction :

Une version précédente de cet article faisait état d’une seule variété de missile hypersonique. Le journal Epoch Times regrette cette erreur.

Andrew Thornebrooke est un journaliste indépendant qui couvre les questions liées à la Chine, en particulier la défense et la sécurité. Il est titulaire d’une maîtrise en histoire militaire de l’université de Norwich et rédige la lettre d’information Quixote Hyperdrive.


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