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Les audiences nocturnes au tribunal de nouveau sous le feu des critiques

septembre 2, 2023 10:01, Last Updated: septembre 2, 2023 10:04
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Peut-on décemment juger quelqu’un quand il est 6h30 du matin ? Même si le phénomène n’est pas nouveau, les critiques se multiplient après la succession cet été, notamment dans la capitale, d’audiences judiciaires se terminant au petit matin.

Paris, 3 août dernier : venue défendre un client en comparution immédiate, Me Marie-Alexandrine Bardinet ressort du tribunal le lendemain matin. « J’ai explosé mon record », raconte l’avocate. Arrivée à 13h30 à l’audience, « je m’aperçois qu’il y a à peu près une vingtaine de dossiers, je me dis ‘‘mon dieu, on ne va jamais passer’’ », se souvient-elle. Résultat, son dossier ne commence à être examiné qu’à 4h00 du matin, pour un délibéré deux heures et demi plus tard.

« Moins vigilant et moins attentif »

Même topo pour Laura Ben Kemoun, qui a passé plusieurs nuits au tribunal de Paris. Dans la nuit du 22 au 23 juillet, « je suis passée à 4h00 du matin, pour du recel de vélo », relate l’avocate, qui a dénoncé ces audiences nocturnes sur X (ex-Twitter). « C’est un rendu de la justice qu’on ne peut pas accepter », estime Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

« On se met en danger, la fatigue s’accumule, on est moins vigilant et moins attentif », déclare le magistrat, ajoutant que ces conditions sont par ailleurs imposées « aux greffiers, aux avocats, aux prévenus qui ont fait déjà 24 ou 48 heures de garde à vue et sont restés au dépôt » (cellules où sont détenues les personnes déférées au tribunal) ainsi qu’« aux victimes ».

« On implose », dénonce Jean-Guy Molhant, greffier au tribunal de Paris et représentant de l’UNSA Services judiciaires, syndicat qui a déposé une mention fin juillet dans le registre d’hygiène et de sécurité du tribunal judiciaire de Paris.

« Le parquet, le siège et le greffe de la juridiction travaillent conjointement pour analyser la situation des audiences concernées et identifier leurs causes », assure le parquet de Paris, indiquant que des concertations étaient en cours pour y remédier.

La situation s’est encore aggravée

La situation est déjà connue et critiquée depuis longtemps : en 2004, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour une audience devant les assises ayant duré 17h15 au total. Elle a été vivement dénoncée par les magistrats et les greffiers fin 2021 dans une tribune retentissante exposant leur souffrance au travail, signée par plusieurs milliers de personnes.

Mais le phénomène s’est aggravé cet été dans certaines juridictions, notamment avec « les conséquences à moyen terme des émeutes qui ont suivi l’affaire Nahel », le ministre de la Justice ayant demandé une « rapide, ferme et systématique » à l’encontre des auteurs de violences urbaines, selon M. Friat. Or, les audiences de comparution immédiate, qui permettent au procureur de faire juger une personne juste après sa garde à vue, sont « déjà surbookées », observe-t-il. « Les magistrats sont un peu pris à la gorge : une fois que la décision de renvoyer en comparution immédiate est prise, les juges sont bien obligés de rendre des décisions », explique Nelly Bertrand, secrétaire générale du Syndicat de la Magistrature (SM, classé à gauche).

Une circulaire de 2001, dite « circulaire Lebranchu », établissait pourtant qu’une audience correctionnelle ne pouvait excéder une durée de six heures sur une demi-journée et huit heures sur une journée, délibéré compris. Mais elle a dans les faits été peu appliquée.

Comment résoudre le problème ?

Pour remédier au problème, « la justice doit être taillée pour répondre à la réalité de la délinquance », estime M. Friat. « Il faut une réponse globale : plus de magistrats, de greffiers, d’escortes, aussi plus d’avocats et d’interprètes ». « Une des manières de résoudre le problème est la loi d’orientation et de programmation qui entraîne des recrutements historiques », avec notamment la création de 1500 postes de magistrats et au moins 1500 postes de greffiers d’ici 2027, répond la Chancellerie.

Mais « à Paris, c’est la politique pénale le problème, et pas les moyens. Il y a des dossiers qui ne méritent pas d’aller en comparution immédiate », juge pour sa part Me Martin Méchin. Pour Nelly Bertrand, du SM, il faut « enclencher un vrai mouvement de déflation pénale, arrêter de pénaliser et surpénaliser ».

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