Les conditions de travail « déplorables » des forces de l’ordre, parfois gagnées par un « sentiment d’abandon« , sont à nouveau dénoncées mercredi dans un rapport parlementaire, qui avance des pistes pour la future loi de programmation de sécurité intérieure annoncée par le gouvernement.
Les députés Christophe Naegelen (UDI-Agir) et Jean-Michel Fauvergue (LREM), rapporteur et président de la commission d’enquête qui a rendu ce travail, le reconnaissent d’emblée : la dégradation des conditions de travail des policiers et gendarmes a déjà été « maintes fois analysée ».
Mais, cette fois, il s’agit d’un « rapport pragmatique, au plus proche des réalités et des inquiétudes du terrain », a défendu M. Naegelen.
Lancée en février en plein mouvement des « gilets jaunes », qui a mobilisé des milliers de membres des forces de l’ordre chaque week-end au plus fort de la crise, la commission s’est déplacée dans plusieurs commissariats et casernes et a organisé en juin une grande consultation à laquelle ont répondu 13 735 gendarmes, policiers nationaux et municipaux, et réservistes.
Ses conclusions sont sévères, mais sans surprise : des locaux « indignes », un parc automobile « vieillissant », du matériel « insuffisant », la persistance des tâches indues et une lourdeur procédurale toujours aussi chronophage, source de « frustration ».
Et les 123 millions d’heures supplémentaires accumulées chez les policiers, soit 164 heures par agent, constituent une « véritable épée de Damoclès opérationnelle », de l’aveu même à l’automne dernier du directeur général de la police nationale, Eric Morvan.
« On ne s’attendait pas à trouver un immobilier dans un tel état », a reconnu M. Naegelen, citant le commissariat de Fontainebleau (Seine-et-Marne), victime d’infiltrations et où « un mur s’est effondré ».
Dans le même département, à Chaumes-en-Brie, « quinze gendarmes se partagent deux casques, deux gilets lourds, un unique pistolet à impulsions électriques, un seul lanceur de balles de défense », illustre encore le rapport.
Les fameux véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), entrés en service en 1974, s’approchent de la cinquantaine. « La grande crainte des gendarmes pendant les manifestations des gilets jaunes c’était qu’ils tombent en rade au milieu des Champs-Élysées. Imaginez l’image… », a souligné Christophe Naegelen.
« Pour une réforme profonde et durable », le rapport avance 27 propositions qui balaient un large spectre, de l’augmentation des crédits alloués à l’investissement immobilier (150 millions d’euros supplémentaires sur 5 ans), au renforcement des effectifs des CRS, qui ont chuté de 20% depuis 2007, en passant par l’élargissement du recours aux amendes forfaitaires, pour les vols à l’étalage ou les incivilités par exemple.
Ce rapport « va alimenter le livre blanc », que le ministère est chargé de rédiger pendant l’été et qui servira de base à la future loi de programmation de la sécurité intérieure d’ici « six mois », selon Jean-Michel Fauvergue.
Pour l’ancien patron du Raid, l’unité d’élite d’intervention de la police nationale, le texte doit avoir « la même dimension que la loi de programmation militaire pour l’armée », afin de pouvoir « se projeter sur le long terme ».
« Nous partageons le même constat sur l’état des forces mais nous rappelons que les choses avancent », a réagi le ministère de l’Intérieur auprès de l’agence France Presse (AFP), rappelant le plan de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes d’ici à 2022.
Beauvau met également en avant « un plan 2018-2020 de 900 millions d’euros pour la construction, rénovation et modernisation des bâtiments », ainsi que la commande en 2018 de 6 000 véhicules neufs, en cours de livraison.
Mais, rappelle l’entourage de Christophe Castaner, « les moyens ne font pas tout, ils doivent être au service d’une vision stratégique, ce qui est la vocation du livre blanc ».
Plutôt qu’« un énième constat », « les parlementaires seraient bien avisés, lorsqu’ils votent le budget, de consacrer les moyens à la remise à niveau de nos infrastructures », a réagi le syndicat Alliance, majoritaire chez les gardiens de la paix, demandant « un plan d’urgence ».
Cela « ne fait que confirmer notre analyse (…) depuis ces quatre dernières années », a observé, lui, le syndicat Alternative Police.
D. S avec AFP
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