Les contours à attendre du nouveau gouvernement Barnier

Par Ludovic Genin
13 septembre 2024 07:34 Mis à jour: 20 septembre 2024 08:02

Le nouveau Premier ministre Michel Barnier a assuré le 11 septembre qu’il allait nommer son exécutif « la semaine prochaine », en promettant de constituer « une nouvelle équipe pour répondre aux préoccupations des Français ». Selon ses dires, il ne s’agira pas d’un simple remaniement, ce qui laisse présager un vaste renouvellement ministériel.

Si les membres du nouveau gouvernement sont encore inconnus, ses contours ont commencé à apparaître cette semaine alors que les potentiels futurs ministres seront appelés ou reçus « à partir de ce week-end ».

Pour celui qui a déclaré qu’ « il faut que le Président préside et que le gouvernement gouverne », il faudra montrer dans le choix de son gouvernement « l’image du changement », en ne reconduisant pas les ministres sortants afin de ne pas être « otage de la politique d’hier ».

Michel Barnier pourrait s’appuyer sur un socle allant de la droite conservatrice à Renaissance, soit environ 235 députés, une majorité qui semble la plus stable possible à l’Assemblée suite aux dernières législatives anticipées.

Le groupe macroniste espère encore des postes

Michel Barnier a expliqué aux députés du groupe macroniste Ensemble pour la République, lors de leurs journées parlementaires à Rosny-sur-Seine le 10 septembre, qu’il comptait respecter « toutes les sensibilités » au sein du groupe Renaissance rebaptisé EPR.  Le groupe est placé dans une situation inédite, battu aux législatives, il doit soutenir le Premier ministre choisi par Emmanuel Macron, issu de la droite et des Républicains.

« J’ai besoin de vous et le président de la République a besoin de vous », a souligné le Premier ministre mais « il s’agit d’un nouveau gouvernement et pas d’un remaniement », a expliqué l’ancien commissaire européen, sous-entendant un vaste renouvellement des ministres en cours.

« Notre premier devoir » est « de tout faire pour que ça marche », a déclaré le président du groupe EPR Gabriel Attal. Le bureau exécutif du parti n’a cependant pas formellement acté sa participation au gouvernement, souhaitant poursuivre les « discussions programmatiques » et érigeant en « impératif » la présence de la gauche comme de la droite et du centre dans la nouvelle équipe.

Gabriel Attal n’a pas néanmoins semblé croire que le parti puisse « imposer quoi que ce soit » à Michel Barnier, selon un participant du bureau exécutif. Aurore Bergé, issue de l’aile droite et ministre démissionnaire à l’Égalité, a estimé sur RTL que « l’alternance » réclamée par les Français aux législatives devait « s’incarner avec, malgré tout, des membres du bloc central » au Gouvernement, mais elle a reconnu que ce n’était « pas simple ».

Horizon et Modem, enthousiastes

Le Premier ministre Barnier a rencontré à Reims les 33 députés du groupe Horizons, le parti d’Édouard Philippe, et à Cély-en-Bière en Seine-et-Marne, les 36 députés du MoDem, le parti de François Bayrou.

François Bayrou a salué « un climat sain et respectueux » après la rencontre avec le Premier ministre, évoquant « des portes qui se sont ré-ouvertes », sur la proportionnelle comme sur de « nouvelles contributions » fiscales pour le budget. « Il faut maintenant qu’on consolide cette confiance et ça ne peut se faire que si le gouvernement qui va être formé est un gouvernement équilibré, élargi et renouvelé », a ajouté le patron du parti centriste. « Nous sommes là pour aider, je suis là pour aider », a dit François Bayrou.

Le nouveau Premier ministre a également reçu un accueil enthousiaste chez Horizons. « J’ai été très touché, même ému par l’accueil » de la formation de l’ancien chef du gouvernement Édouard Philippe, a-t-il déclaré, assurant que des membres d’Horizons figureront « bien sûr » dans son gouvernement.

Édouard Philippe a renouvelé son soutien à son ex-compagnon de parti Les Républicains (LR), « un très bon choix du président de la République ». Il s’est dit ouvert à une amélioration de la réforme des retraites si la « philosophie » de la réforme de 2023 était conservée, mais il a mis en garde contre des hausses d’impôts, malgré la volonté du Premier ministre de plus de « justice fiscale ». En matière migratoire, le patron d’Horizons a jugé que la suppression de l’aide médicale d’État (AME) envisagée par certains LR était « une très mauvaise idée ».

« Les députés et les sénateurs Horizons ont envie de faire en sorte que ce grand rassemblement qui va de la droite conservatrice à Renaissance, ce socle sur lequel Michel Barnier essaie de s’appuyer pour gouverner, qui fait environ 235 députés, soit le plus solide possible », a insisté Édouard Philippe.

LR se voit déjà à plusieurs postes clés

Le 12 septembre, Michel Barnier s’est rendu sur ses terres savoyardes pour retrouver les parlementaires de sa famille politique, qui font monter les enchères pour leur participation à l’exécutif.

Avec 47 élus à l’Assemblée nationale, LR se retrouve à jouer le rôle de pivot que tenait auparavant le groupe EPR. Si son leader, Laurent Wauquiez, avait dans un premier temps écarté d’y participer, sa ligne a commencé à changer après une tribune de l’ancien président Nicolas Sarkozy dans Le Figaro, et les noms de plusieurs figures de droite circulent pour d’importants ministères.

La députée et secrétaire générale de LR, Annie Genevard, a par exemple été la première à exprimer publiquement son intérêt pour un ministère, à l’Éducation nationale si cela lui était proposé.

Le nom de Laurent Wauquiez figure parmi les prétendants au ministère de l’Intérieur. « Nous sommes prêts à participer à un gouvernement, mais en étant attentifs sur les garanties pour une vraie politique de droite sur les sujets que nous jugeons fondamentaux », a déclaré le patron des députés LR. Il n’a cependant pas caché non plus son opposition à la possibilité d’introduire la « proportionnelle qui menace la stabilité de nos institutions », et attend des précisions de Michel Barnier sur « l’immigration, la trajectoire budgétaire, le péril de l’augmentation d’impôts et la valorisation du travail ».

Pour Éric Ciotti, président de LR en sursis après son alliance avec le RN, si Laurent Wauquiez « rentre au gouvernement, il fera le contraire de ce qu’il avait dit », a-t-il déploré, dénonçant une « alliance entre la macronie et une partie des Républicains ».

Autre tête d’affiche possible selon une source sénatoriale, le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, qui lorgnerait également la Place Beauvau ou Bercy, voire la Justice. D’autres personnalités, qui ne sont pas issues du sarkozysme, souhaitent aussi assumer des responsabilités dont ils ont été privés depuis 12 ans. « Il faut créer du neuf, car les Français le demandent », affirme un député LR.

La gauche décline toute participation

Les responsables socialistes Olivier Faure et Boris Vallaud, contactés par Matignon, ont décliné toute rencontre avec le Premier ministre avant que celui-ci ne présente sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée. Le socialiste Jérôme Guedj, dont le nom a également été cité, a aussi confirmé qu’il n’irait pas.

Les communistes, de leur côté, seront reçus le 17 septembre mais le secrétaire national du parti, Fabien Roussel, s’est dit « sans illusion » sur le nouveau chef du gouvernement, « qui a 50 ans de vie politique et n’a jamais rien fait de social dans notre pays ». Premier dirigeant de gauche à faire état d’un rendez-vous avec Michel Barnier, Fabien Roussel a confirmé son intention de voter la censure contre son gouvernement.

De son côté, le coordinateur national de LFI Manuel Bompard a indiqué ne pas avoir reçu d’invitation et a laissé entendre que sa formation n’irait de toute façon pas rencontrer le Premier ministre. Il a confirmé que la gauche déposerait une motion de censure sans attendre, dès l’ouverture de la session parlementaire début octobre, s’il n’y a pas de session extraordinaire en septembre. Manuel Bompard « ne croit pas » qu’une personnalité de gauche rentrera dans un gouvernement « qui s’inscrit clairement dans une orientation dans la continuité du macronisme et encore plus à droite sans doute ».

Une ligne également défendue par les écologistes, qui eux non plus, n’ont pas encore reçu d’invitation. Quoi qu’il en soit, Michel Barnier « n’a rien à attendre de nous et nous n’avons rien à attendre de lui », a martelé lors d’un point presse à l’Assemblée nationale l’un des porte-parole des députés écologistes, Benjamin Lucas.

Un équilibre fragile à l’Assemblée

Après avoir rencontré toutes les formations parlementaires du camp présidentiel (Renaissance, Modem et Horizons) et des LR – la gauche ayant pour le moment botté en touche – Michel Barnier va rendre publique la semaine prochaine la nomination de son gouvernement, qui devrait donner le ton de la nouvelle politique pour le pays censée répondre aux préoccupations des Français.

Si aucune tractation avec le Rassemblement national n’a été confirmée, il faudra néanmoins mener une politique compatible avec le parti majoritaire à l’Assemblée – le RN – à moins de risquer une motion de censure, en cas de vote du parti à la flamme avec le NFP.

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