ÉCONOMIE CHINE

Les crédits entre particuliers sur Internet, la prochaine bulle chinoise ?

septembre 17, 2015 9:16, Last Updated: septembre 17, 2015 22:55
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Haichuan Teng, 22 ans, était une célébrité dans le monde de l’entreprenariat en Chine. La télévision d’État, China Central Television, lui avait consacré plusieurs reportages élogieux. Il avait quitté l’école à 16 ans avant de lancer son entreprise de technologie en janvier 2014. Mais l’homme d’affaire, qui était aussi le PDG de la société de crédit en ligne Boliya (P2P) installée à Chengdu a mystérieusement disparu le 8 octobre 2014. Son entreprise devait aux investisseurs plus de 11 millions de dollars.

La chute inattendue de Boliya illustre le « côté sauvage » de la finance de l’Internet chinois, un marché qui a grandi si vite qu’il risque de devenir la prochaine bulle chinoise.

L’explosion du P2P

Les Sociétés de financement sur l’Internet comme les banques en ligne et les cercles de crédit entre particuliers ont des adeptes fidèles, mais ces services sont loin d’une adoption massive.

En Chine toutefois, ces services bancaires, l’investissement numérique, et les prêts sur Internet entre particuliers se sont banalisés depuis longtemps. Vous êtes au bar, vous avez oublié votre portefeuille ? Pas de problème. Lancez l’application WeChat de Tencent Holdings et réglez ce café latte !

Dans un marché de plus de 740 millions d’internautes mobiles actifs, les paiements mobiles sont devenus une évidence. Cependant les entreprises de technologie ayant pignon sur rue, telles Tencent, Alibaba Group Holdings, et Baidu Inc. étendent aussi leur présence dans les prêts P2P, ou financent sur Internet.

Les crédits P2P consistent à prêter de l’argent à de parfaits inconnus, comme le font des entreprises de l’Internet qui connectent des investisseurs (prêteurs) aux emprunteurs.

D’après les chiffres de Wangdaizhijia, un site d’information sur les crédits sur Internet, installé en Chine, le volume brut des transactions P2P pour la première moitié de l’année 2015 s’élève à plus de 47 milliards de dollars en Chine. Pour l’ensemble de l’exercice 2014, le montant était de 252,8 milliards de yuans (35 milliards d’euros). Le site prévoit des prêts P2P d’environ 800 milliards de yuans d’ici la fin de l’année.

La Chine comptait au 30 juin dernier, plus de 2 000 plateformes de crédit en ligne, soit une augmentation de 29 % depuis la fin 2014. Tongbanjie qui compte plus de 3 millions d’utilisateurs mensuels actifs est l’une des plus grosses plateformes de prêts P2P. La semaine dernière, Dianrong, une entreprise concurrente dont la Standard Chartered Bank du Royaume-Uni est le principal investisseur a réussi à lever 207 millions de dollars. La plate-forme Dianrong est dirigée par Soul Htite, le co-fondateur et ancien directeur technique de Lending Club.

L’ouverture du marché

L’essor des prêts P2P est un cas classique d’adéquation entre l’offre et la demande. Les banques chinoises contrôlées par l’État croulent sous le poids des créances toxiques, suite aux prêts concédés aux gouvernements locaux, aux investissements dans les infrastructures douteuses et aux entreprises publiques, sur les deux dernières décennies. Ces banques sont réticentes à prêter aux particuliers et aux petites entreprises, dont beaucoup exercent en ligne ou sont dans le domaine des services et ne présentent aucune garantie physique. Cette situation a créé une demande massive de crédit. De l’autre côté, la classe moyenne chinoise dispose de beaucoup de liquidités, mais peu de cible d’investissement.

Le récent sauvetage de la bourse de Pékin s’est révélé largement inefficace, avec un indice composite de Shanghai en chute de 38 % depuis les récents pics du 12 juin. Beaucoup d’investisseurs ont retiré leur argent des marchés boursiers, pour le placer dans les prêts Internet, qui leur apparaissent comme un meilleur placement alternatif. Wangdaizhijia affirme que les rendements annuels moyens pour les prêts P2P étaient de 15 %. L’infrastructure nécessaire pour les mouvements de fonds est largement opérationnelle, puisque des géants de l’Internet comme WeChat et Alibaba ont tous deux leurs plates-formes de transfert d’argent en ligne avec des centaines de millions d’utilisateurs. Le service Alipay de Alibaba a mis en place un bureau du crédit à la consommation, plébiscité par de nombreux emprunteurs P2P.

« N’importe qui peut en ouvrir une »

Les entreprises comme Tencent et Alibaba disposant des ressources nécessaires ont construit leur propre processus de notation de crédit pour trier les candidats au crédit. C’est le ventre mou du marché des prêts P2P qui inquiète les autorités de régulation. Au rythme du taux de croissance actuel, la Chine comptera plus de 3 000 structures de prêteurs P2P d’ici la fin de l’année, dont la plupart seront de petites tailles et dont la solidité reste à confirmer.

« Actuellement, la règlementation est très souple pour entrer dans ce marché, de sorte que pratiquement n’importe qui peut ouvrir une de ces plates-formes », explique Barry Freeman, co-fondateur de Jimibox, plate-forme de prêt P2P chinoise à Business Insider.

« Ce qui donne lieu à certaines malversations. Beaucoup de gens lancent ces plates-formes, dans le seul but de voler l’argent des autres », continue t-il. Certaines de ces plates-formes frauduleuses n’ont pas d’emprunteurs, comme Boliya de Chengdu. D’autres sont des usuriers essentiellement en ligne, qui appliquent des taux d’intérêt exorbitants, alors que la majorité des plates-formes tentent de répondre aux besoins des consommateurs et des petites entreprises considérés comme peu solvables par la plupart des banques.

L’année dernière, les internautes ont signalé des problèmes sur environ 275 plates-formes de P2P sur 1 500 (soit 18%), poursuit Wangdaizhijia. Rien qu’au cours de la première moitié de l’année 2015, 419 plate-formes de P2P ont été accusées de fraude, et certaines ont refusé de restituer aux investisseurs leur capital, précise le site Online Lending House, un autre site Web spécialisé.

Les fonctionnaires commencent à avertir les usagers des risques. L’éditorial en date du 14 août de China Daily, un organe de presse du Parti, relatait l’explosion exponentielle des plateformes de prêt P2P, qui sont passées de 110 en 2012, à plus de 2 000 avant fin juin 2015.

Article en anglais : Peer-to-Peer Lending Could Become China’s Next Bubble

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