Le plus déconcertant est que ces près de dix meurtres par mois en moyenne sont commis en temps de paix : entre janvier 2016, quand la puissante guérilla des Farc était alors en trêve unilatérale, et aujourd’hui, où elle est reconvertie en parti politique après avoir déposé les armes.
Ces militants payent de leur vie le fait d’être « des défenseurs de l’eau, contre la prospection minière illégale, contre le recrutement (de mineurs par des groupes armés), contre la culture de la coca dans leurs zones », explique dans un entretien à l’AFP Me Carlos Negret, qui dirige cette entité publique de défense des droits en Colombie.
« Ce sont les raisons pour lesquelles il sont assassinés, maintenant il nous faut savoir qui les tuent », a-t-il souligné.
Cet avocat âgé de 55 ans est l’un des responsables les plus crédibles en matière de protection des droits. Ses bureaux sont à Bogota, la capitale colombienne où le conflit armé n’est souvent perçu que de loin, mais il se déplace régulièrement dans les régions où la violence reste intense.
Si la plus ancienne rébellion des Amériques revient à la vie civile, une autre guérilla, l’Armée de libération nationale (ELN) – pourtant en pourparlers de paix depuis février – reste active, ainsi que des dissidents des Farc et des gangs paramilitaires, dédiés au trafic de drogues et/ou à l’extraction illégale de l’or et du coltan (colombo-tantalite, composant stratégique pour les équipements électroniques).
Les chiffres du gouvernement, qui, dans l’accord de paix signé en novembre 2016 avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), s’est engagé à protéger les ex-combattants et les défenseurs de droits fondamentaux, diffèrent de ceux du Défenseur du Peuple qui en a répertorié 199 au 24 octobre.
Selon Me Negret, certains ne sont pas comptabilisés par les autorités comme responsables d’associations ou défenseurs de droits, mais comme des militants de gauche ou des élus communautaires.
Au-delà de ces différences, le Défenseur du Peuple espère que le parquet détermine si ces homicides font partie d’une campagne systématique d’élimination, niée par le gouvernement mais dénoncée par la Force alternative révolutionnaire commune (Farc), parti politique issu de la guérilla.
Ces meurtres sont commis dans des régions riches en ressources naturelles, où il y a de l’extraction minière illégale, ainsi que des plantations de coca ou/et de marijuana. Régions où les Farc et l’armée ne s’affrontent plus, mais où « l’acteur est un tiers que nous ne parvenons pas à identifier », déplore Me Negret.
Parmi les 199 victimes répertoriées par ses services, figurent des afro-descendants d’esclaves, des indigènes et des femmes.
Le meurtre le plus récent est celui de José Jair Cortés, un dirigeant d’association noir âgé de 38 ans, tué par balles le 17 octobre à Tumaco, la municipalité comptant le plus grand nombre de narco-plantations, et qui produit et exporte la plus grande quantité de cocaïne, dont la Colombie est le premier producteur mondial selon l’ONU.
Cible de menaces, M. Cortés militait pour la substitution des cultures illicites de feuilles de coca et bénéficiait de mesures de protection du gouvernement: un gilet pare-balles et un téléphone portable.
Autres victimes : Emilsen Manyoma, 31 ans, et son mari Javier Rodallega poignardés en janvier à Buenaventura. Elle dénonçait la présence de paramilitaires et le trafic de drogues dans ce port de la côte Pacifique.
Un leader indigène, Ezquivel Manyoma, sans lien de parenté avec la précédente, a été tué le 7 octobre dans le département pauvre du Choco, meurtre attribué par sa communauté à des paramilitaires qui veulent contrôler le territoire.
« Cela reste dangereux d’être défenseur des droits humains et leader d’association », souligne Me Negret, admettant que sans la paix avec les Farc, « les homicides seraient plus nombreux ».
Mais il estime que le gouvernement ne réagit pas assez vite aux alertes. « Si cela avait été le cas (…) ils seraient encore là, en train de travailler », déplore le Défenseur du Peuple à propos de militants assassinés.
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