Les poches vides ou achetant de somptueux appartements dans les quartiers chics de Madrid, les Vénézuéliens sont arrivés par milliers en Espagne, fuyant la crise qui secoue leur pays.
Fran Leal, 36 ans, a débarqué il y a deux mois avec sa femme et ses deux enfants en provenance de Maracay (nord). « Vous n’auriez pas une petite valise? Je vais à Tolède, j’ai trouvé un emploi », demande-t-il en entrant à la Casa Venezuela, association d’aide aux Vénézuéliens, installée depuis un peu plus d’un mois dans un quartier populaire de Madrid.
Électricien de formation, il va travailler au noir dans le bâtiment dans cette ville proche de Madrid « pendant six mois ». « Je n’ai pas le choix, car je n’ai pas encore de papiers et plus aucune économie », dit-il, alors que la crise politique au Venezuela s’est aggravée depuis que Juan Guaido, opposant à Nicolas Maduro, s’est autoproclamé président par intérim fin janvier.
Contraint d’émigrer comme Fran, Juan Leonardo Lopez, qui a la double nationalité espagnole et vénézuélienne, n’a lui pas trouvé de travail depuis son arrivée il y a trois mois. « Avant la crise, je n’étais pas millionnaire mais je vivais très bien, j’avais une super voiture et tout ce dont j’avais besoin », se désole cet ancien salarié dans le paramédical qui affirme avoir vu des enfants mourir de déshydratation dans l’hôpital de Maracay où il travaillait.
Selon l’Institut espagnol des statistiques, environ 255.000 Vénézuéliens étaient installés en Espagne en 2018 contre 208.000 en 2017 et 160.000 en 2014, début de la crise au Venezuela. Mais ils seraient en réalité près de 300.000, en comptabilisant les sans-papiers, selon le président de l’Observatoire de la diaspora vénézuélienne, Tomas Paez.
Les demandes d’asile de Vénézuéliens ont presque doublé en Espagne en un an, flirtant avec la barre des 20.000 en 2018, mais seules 29 ont reçu une réponse positive, selon le ministère de l’Intérieur qui souligne la difficulté pour un Vénézuélien ayant émigré pour des raisons économiques de l’obtenir. A défaut d’asile, la situation économique catastrophique du Venezuela a poussé Madrid à commencer à attribuer au compte-gouttes des visas pour raisons humanitaires.
A l’autre bout de l’échelle sociale, de nombreux Vénézuéliens très fortunés ont émigré en Espagne pour fuir l’insécurité et la crise économique. Comme César M., 42 ans, qui refuse de donner son nom de famille. Ce riche homme d’affaires, qui vivait dans un quartier sécurisé de Caracas, est arrivé à Madrid en 2014 avec sa femme et sa fille après qu’un groupe armé a tenté d’enlever son frère.
« Nous vivions en permanence avec quatre gardes du corps, nous nous déplacions dans des voitures blindées. Nous ne pouvions sortir le soir », raconte-t-il. « Ici, nous profitons de ce que nous n’avions plus au Venezuela: sortir, manger dehors », ajoute ce patron d’un cabinet de conseil à Madrid, dont une antenne existe encore à Caracas.
Contrairement aux Vénézuéliens en difficulté, il a bénéficié d’un « golden visa », titre de séjour obtenu après un investissement d’au moins un million d’euros dans des entreprises ou de 500.000 euros dans l’immobilier. Controversé en raison de la difficulté à vérifier l’origine des fonds dans le délai de 20 jours imparti pour l’obtenir, ce visa est très prisé des Vénézuéliens fortunés. 249 ont été octroyés en 2018 à des Vénézuéliens, presque 20% de plus qu’en 2017, selon le gouvernement.
Agent immobilier spécialisé dans le luxe, Angel Garcia Loriente a conclu cinq opérations avec des vénézuéliens en 2018, pour un total de 9,7 millions d’euros. Ce sont des clients qui veulent des appartements « dans des édifices distingués », dit-il. César M. en a acheté trois dans le quartier de Salamanca à Madrid pour 800.000 euros. L’affluence de ces concitoyens dans cette zone chic a été telle depuis 2014 qu’elle a été baptisé « Little Caracas » par la presse.
Ces Vénézuéliens riches « fuient l’insécurité, veulent profiter de leur argent alors qu’il est impossible d’avoir une affaire qui tourne bien dans les conditions actuelles au Venezuela », explique Juan Carlos Gutierrez, avocat de l’opposant vénézuélien Leopoldo Lopez, qui compte de nombreux riches Vénézuéliens dans sa clientèle.
D.C avec AFP
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