Le régime chinois appelle ses citoyens à participer à des activités de contre-espionnage, une initiative qui entend attiser le nationalisme et consolider le pouvoir du Parti communiste chinois. Toutefois, selon des analystes, l’accent mis sur la sécurité nationale nuira au régime lui-même.
Le ministère chinois de la Sécurité d’État, l’agence centrale qui supervise les opérations de renseignement et de sécurité sur le territoire national et à l’étranger, a créé un compte officiel sur le réseau social chinois WeChat, qui a été mis en ligne le 31 juillet, une initiative rare.
« Un système qui rend « normal » la participation des masses au contre-espionnage doit être mis en place, a écrit le ministère dans son premier message, intitulé « La lutte contre l’espionnage nécessite la mobilisation de toute la société ! »
« Actuellement, la lutte contre l’espionnage reste une tâche obscure et complexe », a écrit le ministère. « Elle exige non seulement que l’agence de sécurité nationale joue le rôle d’organe spécial de lutte contre l’espionnage, mais aussi une large participation de la population. »
La mise en garde contre les espions étrangers a été accueillie avec incrédulité par les observateurs extérieurs, qui ont noté que le PCC avait déployé un réseau de grande envergure à l’étranger pour collecter des renseignements et que ses pirates s’étaient introduits dans les comptes de courrier électronique d’agences gouvernementales américaines.
Le PCC « utilise la menace d’espions extérieurs pour attiser le nationalisme et inciter (la population) à être loyal envers le régime », a souligné Su Tzu-yun, analyste principal à l’Institut pour la défense nationale et la recherche sur la sécurité, financé par le gouvernement taïwanais.
Selon M. Su, la sécurité nationale doit être entendue comme la sécurité politique du PCC.
« Effets secondaires »
L’appel à la mobilisation des masses pour lutter contre l’espionnage fait suite à l’élargissement de la loi anti-espionnage de Pékin entrée en vigueur en juillet.
La loi permet aux autorités qui mènent une enquête anti-espionnage d’accéder aux données, aux équipements électroniques et aux informations contenues dans les biens personnels.
La législation élargit notamment la définition de l’espionnage à « tous les documents, données, matériaux ou articles liés à la sécurité et aux intérêts nationaux ». Toutefois, elle ne précise pas ce qui relève de la sécurité nationale, ce qui fait craindre un environnement plus hostile pour les entreprises, les chercheurs et les journalistes étrangers en Chine.
Les entreprises étrangères ont déjà fait l’objet d’une surveillance accrue avant l’entrée en vigueur de la législation formulée en termes vagues. En mars, la police chinoise a arrêté cinq employés locaux de Mintz, une société d’intelligence économique basée à New York, et a fermé son bureau à Pékin. Le ministère des Affaires étrangères a accusé la société de se livrer à des « opérations commerciales illégales ». Depuis, les autorités ont perquisitionné les bureaux de la société de conseil Capvision et interrogé des employés de Bain & Co.
Les autorités ont également arrêté un employé du fabricant de médicaments japonais Astellas, « soupçonné de se livrer à des activités d’espionnage en violation du droit pénal et de la loi sur le contre-espionnage », a déclaré le ministère chinois des Affaires étrangères à la fin du mois de mars. Le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, a promis que son gouvernement continuerait d’exiger avec fermeté du régime de Pékin la liberation de son citoyen.
M. Su a expliqué que l’extension de la loi anti-espionnage nuirait probablement au PCC. Les dirigeants du parti tentent de garantir aux entreprises étrangères l’ouverture de la Chine et l’accueil des investissements dans un contexte de reprise fragile consécutive au ralentissement provoqué par la pandémie.
Il s’est référé à un rapport de Bloomberg qui affirme que Morgan Stanley est en train de transférer plus de 200 développeurs technologiques hors de Chine depuis que ce pays a resserré l’accès à une base de données stockée sur son territoire. Le rapport, qui cite des personnes non identifiées, indique que la plupart des employés partent principalement à Hong Kong et à Singapour.
Un rapport publié au mois de juin par la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine fait état d’une « détérioration significative du climat des affaires », les entreprises étrangères transférant leurs investissements existants ou une partie de leurs chaînes d’approvisionnement hors du pays.
« La loi anti-espionnage va certainement entraîner des effets secondaires importants pour le PCC lui-même », a poursuivi M. Su.
L’appel à la sécurité renforcé
Avec le déclin de l’économie chinoise, le PCC porte l’attention de la population sur la menace que constituent les agents étrangers, les dirigeants ont multiplié les appels au contre-espionnage ces derniers mois.
Le 14 juillet, le chef des services secrets du pays a appelé les fonctionnaires à soutenir la cause sur les « lignes de front secrètes », faisant référence au travail de renseignement du parti.
Ce message a été délivré par Chen Wenqing, secrétaire de la commission centrale des affaires politiques et juridiques du parti, un poste de sécurité de premier plan qui supervise la police, les juges et les espions dans le système politique opaque chinois, alors qu’il présidait une réunion d’éloges à Pékin le 14 juillet pour récompenser les contributions des fonctionnaires au système de sécurité nationale.
Les organes du parti de tous les niveaux et les départements concernés doivent « accorder une grande attention et un grand soutien aux activités des lignes de front secrètes », a déclaré M. Chen, selon un résumé de la réunion publié par le média d’État Xinhua.
Il a appelé à « mettre résolument en œuvre » le « concept global de sécurité nationale » défini par le dirigeant du PCC Xi Jinping.
Le directeur américain de la CIA, William Burns, a reconnu que Pékin avait « fait des progrès » dans la reconstruction des opérations de renseignement en Chine.
M. Burns a tenu ces propos lors du forum d’Aspen sur la sécurité, le 20 juillet, lorsqu’on lui a demandé si son agence s’était remise du revers subi par une douzaine d’informateurs que le régime chinois aurait arrêtés ou exécutés.
« Il y a une dizaine d’années, la Chine a mis fin à de nombreuses opérations de la CIA sur son territoire. Une douzaine de sources de la CIA ont été arrêtées ou, pire, exécutées. Avez vous remis les choses en place ? » a demandé la présentatrice Mary Louise Kelly.
« Nous avons fait des progrès et nous avons travaillé très dur ces dernières années pour nous assurer de disposer d’une forte capacité pour le renseignement humain en complément des informations que nous pouvons recueillir par d’autres méthodes », a répondu M. Burns.
Les déclarations de Washington ont irrité Pékin. Le ministère chinois des Affaires étrangères a pris note du commentaire de M. Burns, soulignant qu’il prendrait « toutes les mesures nécessaires » pour défendre sa sécurité.
Xi Jinping, le dirigeant le plus puissant depuis des décennies, a demandé à ses hauts fonctionnaires d’accélérer la modernisation de son système de sécurité nationale et de ses capacités.
La Chine a déjà consacré d’énormes ressources à la mise en place d’un système de surveillance à l’échelle nationale, à la répression des entreprises nationales et étrangères et aux mesures punitives prises à l’encontre de toute personne qu’elle juge menaçante pour sa sécurité nationale. Le montant consacré par les autorités chinoises au maintien de l’ordre dans la société a dépassé le budget de la défense nationale en 2020.
Lors d’une réunion sur la sécurité nationale tenue en mai, le président Xi a indiqué que les menaces extérieures que connaît la Chine sont devenues « plus complexes ». Le pays doit se préparer à des « scénarios extrêmes ».
Pour inciter le public à participer à la campagne de lutte contre l’espionnage, le Bureau de la sécurité publique a indiqué que les départements aux différents niveaux devaient organiser des formations à la lutte contre l’espionnage et intégrer ces questions dans les agences d’éducation et de propagande.
« Les services d’information, de radiodiffusion, de télévision, de culture et de l’internet devraient mener des actions ciblées de publicité et d’éducation contre l’espionnage à l’intention de l’ensemble de la société », a déclaré la Commission dans un message récent.
Li Yuanhua, un universitaire chinois installé en Australie, a estimé que la dernière campagne de propagande en date avait pour but de resserrer l’emprise du parti sur le pays.
« En prétextant lutter contre les espions, [le PCC] entend créer une atmosphère où tous les citoyens peuvent devenir des ennemis potentiels », a indiqué M. Li, ancien professeur d’histoire à la Faculté de l’éducation de l’Université de Pékin.
« Le PCC veut tout contrôler, notamment son peuple. C’est la nature même d’un régime autoritaire. Pour y parvenir, il faut que les citoyens se montrent hostiles les uns envers les autres pour qu’ils se surveillent mutuellement. Ainsi, le PCC peut se sentir en sécurité. »
« L’objectif est de protéger le régime autoritaire chancelant. »
Luo Ya et Reuters ont collaboré à la rédaction de cet article.
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