Les élections européennes font apparaître « deux France que tout oppose » sociologiquement et géographiquement selon une étude parue mercredi. D’un côté, le Rassemblement national a fait de bons scores chez les ouvriers et employés, et de l’autre la République en marche a capté surtout les voix des cadres et des professions libérales,
Ces deux forces arrivées en tête du scrutin du 26 mai par rapport aux autres partis (23,34% pour le RN, 22,42% pour LREM, devant les Verts 13,48%), se disputent cependant toujours les classes moyennes, selon une étude de la fondation Jean Jaurès.
RN et LREM font « pratiquement jeu égal dans l’univers des classes moyennes, composé des professions intermédiaires et des artisans/commerçants », affirment les deux auteurs, Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’institut Ifop, et le géographe Sylvain Manternach.
Un clivage entre la France d’en haut et la France d’en bas de plus en plus net
Le clivage entre la France d’en haut et la France d’en bas apparaît encore plus nettement si on considère non plus les professions mais aussi le niveau de vie, selon une méthode de l’Insee croisant les revenus du foyer et le nombre de membres du foyer pour définir cinq groupes sociaux.
Les rapports de force observés apparaissent même « comme des négatifs au sens photographique du terme », selon l’étude: « 36% contre 11% en faveur de LREM dans la ‘catégorie aisée’ versus 35% contre 10% en faveur du RN dans la ‘catégorie pauvre' ».
Selon les auteurs, « l’antagonisme LREM/RN semble ainsi avoir réactivé la lutte des classes, qui structure désormais ce nouveau clivage après avoir sous-tendu pendant des décennies l’affrontement gauche/droite », ce qui « incite à penser que cette opposition pourrait être durable ».
Même au sein de la classe moyenne, disputée par ces partis, « le rapport de force s’inverse symboliquement »: « la liste Loiseau domine (28% contre 22%) dans la ‘classe moyenne supérieure’ alors que la liste rivale prend l’ascendant parmi ce que l’Insee appelle la ‘classe moyenne inférieure' ».
Une vieille frontière intérieure entre les territoires alphabétisés et industrialisés du nord et les territoires agricoles et plus illettrés du sud
Géographiquement, le vote RN s’inscrit dans une continuité observée depuis 20 ans, avec des scores supérieurs à 25% voire 30% dans le quart nord-est du pays, le littoral méditerranéen, la vallée du Rhône et celle de la Garonne.
Une autre constante est la résistance dans ces régions « d’isolats » que sont les agglomérations grandes et moyennes, où le vote RN « non négligeable dans le cœur des grandes agglomérations, gagne significativement en puissance quand on s’en éloigne » jusqu’à des zones où les navetteurs doivent parcourir une distance plus longue pour aller travailler.
C’est dans ce « grand périurbain » que le mouvement des « gilets jaunes » a rencontré « le plus d’écho car le degré de dépendance à la voiture (et la sensibilité au prix des carburants) comme le sentiment de relégation y sont les plus aigus », rappellent les auteurs. Des ressorts qui alimentent un vote RN « très puissant ».
Si cette carte du vote RN reste stable, les auteurs notent toutefois « un processus de diffusion » vers les territoires voisins.
Ils constatent que la ligne Le Havre/Valence délimitant l’aire d’influence lepéniste (à l’est), telle que définie en 1990 par le politologue Pascal Perrineau, a été « enfoncée » vers l’ouest.
Pour en tenir compte, ils suggèrent de suivre une nouvelle ligne Saint-Malo/Genève, qui renvoie à une vieille frontière intérieure identifiée au XIXe siècle, opposant les territoires alphabétisés et industrialisés du nord à ceux agricoles et plus illettrés parmi les conscrits du sud.
Or aujourd’hui, ce quart nord-est n’apparaît plus « comme jouant le rôle de locomotive du développement économique national ». « Ce déclin et cette perte de statut de ‘pays utile’ ont servi de terreau » à l’essor du RN, explique l’étude. À l’inverse, la Bretagne et les Pays de la Loire, historiquement en retard économiquement, « n’ont pas subi une telle désindustrialisation ».
Ils notent en outre que le vote « métropolitain » de LREM est dopé par « l’effet richesse » de certains territoires comme les littoraux, les stations de ski ou les vignobles.
Les auteurs y montrent aussi que des régions pro-européennes, comme les régions catholiques de l’ouest intérieur, les Pyrénées-Atlantiques, l’Aveyron et le Cantal, ont davantage voté LREM.
Epochtimes.fr avec AFP
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