Les enjeux et les coûts de la transition écologique du gouvernement Barnier

Par Ludovic Genin
3 octobre 2024 06:00 Mis à jour: 3 octobre 2024 20:08

Poursuite du nucléaire, des énergies renouvelables, conférence sur l’eau, reprise de la planification… lors de la déclaration de politique générale du 1er octobre, Michel Barnier a dit vouloir faire de la « réduction de la dette écologique » une « exigence ».

Le secteur aérien français s’attend déjà à être taxé d’un milliard d’euros supplémentaires dans le cadre du projet de loi de finances 2025, alors qu’il dit ne pas être en mesure d’absorber un tel choc de fiscalité. Quant aux coûts de la transition énergétique, ils sont exponentiels pour les finances publiques, alors que l’urgence est au désendettement et à la rigueur budgétaire.

Pour y remédier, le gouvernement entend faire de la transition écologique « l’un des moteurs de notre politique industrielle », une politique proche du Pacte Vert européen qui ne tient que par des super-subventions des États et accuse un retard industriel dans un marché dominé par les appétits hégémoniques de la Chine.

La ligne européenne de Michel Barnier

« Notre feuille de route tient en une exigence : la réduction de notre dette budgétaire et de notre dette écologique. », a déclaré Michel Barnier dès les premières lignes de son discours.

« Nous pouvons et nous devons faire plus pour lutter contre le changement climatique, et tous les risques qu’il entraîne, préserver la biodiversité », a déclaré celui qui dit croire à une « écologie de solutions ».

Le Premier ministre veut aussi que « les travaux de planification » dans le domaine de l’énergie et du climat « reprennent immédiatement », en s’appuyant sur les textes lancés par le précédent gouvernement comme « la stratégie française énergie-climat, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie ».

Concernant l’énergie, Michel Barnier s’est engagé à poursuivre « résolument » le développement du nucléaire et des renouvelables, avec un bémol cependant sur les éoliennes, appelant à mesurer « tous leurs impacts ».

L’impact de la transition écologique sur les dépenses publiques 

Les dépenses publiques annuelles nécessaires pour que la France tienne ses objectifs climatiques devront plus que tripler à l’horizon 2030, jusqu’à 103 milliards d’euros par an, selon une étude de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), parue en juillet.

État et collectivités consacrent actuellement environ 32 milliards d’euros de dépenses chaque année en faveur du climat. Mais « combler le déficit d’investissement climat dans les conditions fiscales et réglementaires actuelles impliquerait un besoin de dépenses publiques additionnelles de 71 milliards d’euros à l’horizon 2030 », estime l’I4CE, un institut que l’on peut identifier comme étant de la gauche écologique.

Ce chiffrage englobe les investissements nécessaires pour que la France tienne ses engagements européens de réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 et de viser la neutralité carbone en 2050. Cela inclut l’électrification du parc automobile, la rénovation des logements, le développement des transports en commun, des énergies renouvelables et nucléaire, etc.

Au total, les investissements pour la transition, public et privé confondus, « doivent atteindre 206 milliards d’euros par an d’ici 2030 », estime l’I4CE, favorable à plus de dépenses par les États et de taxes sur les entreprises les plus riches.

Le secteur aérien français s’attend à un milliard de taxes supplémentaires

Le secteur aérien français s’attend à être taxé d’un milliard d’euros supplémentaires dans le cadre du projet de loi de finances 2025, a déclaré le président de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers, Pascal de Izaguirre, évoquant une profession « en état de choc ».

« Les compagnies aériennes ne sont pas en mesure d’absorber un tel choc de fiscalité », a prévenu M. de Izaguirre, par ailleurs PDG de Corsair. « Donc, nous allons devoir répercuter cela sur le prix des billets. […] Ça sera au détriment de la mobilité, au détriment de la démocratisation du transport aérien », a-t-il poursuivi.

Selon Les Echos qui ont révélé ce projet, cela passera par un triplement du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, qui est aujourd’hui de 460 millions d’euros, avec des efforts plus importants demandés aux passagers « business » ou long-courrier. L’aviation d’affaires sera également davantage mise à contribution, selon le quotidien économique.

Une nouvelle taxe redoutée sur les énergéticiens

La nouvelle ministre de l’Écologie et de l’Énergie, Agnès Pannier-Runacher, a mis en garde le 2 octobre contre une nouvelle taxe sur les centrales de production électriques qui pourrait rapporter 3 milliards d’euros à l’État mais risquerait d’être « ensuite immédiatement reprise dans les factures des Français ».

« Il est important, en matière de taxation de l’énergie […] d’être vigilant sur l’augmentation des prix de l’énergie. Les Français ont traversé trois ans de hausse des coûts de l’énergie. Nous sommes aujourd’hui à un moment où les marchés sont en train de baisser, […] et ça doit finir par se voir dans la facture des Français », a déclaré la ministre.

La nouvelle ministre de la Transition écologique a rappelé également que « la transition écologique et énergétique est une priorité absolue ». Agnès Pannier-Runacher a insisté sur la mise en œuvre des « quatre grands piliers » de la transition énergétique : l’efficacité et la sobriété énergétique, « toutes les énergies renouvelables » et le nucléaire, un « atout pour la souveraineté de la France et de l’Europe et pour le climat ».

Le budget du ministère de la Transition écologique impacté par les économies

Le Premier ministre Michel Barnier a dit vouloir « ramener le déficit à 5 % (du Produit intérieur brut) en 2025 » contre plus de 6 % craints en 2024 et le faire revenir « sous le plafond de 3 % en 2029 », dans le respect des « engagements européens » de la France, assurant que l’effort proviendrait aux « deux tiers » de la réduction des dépenses.

Fin août, lors de l’envoi des « lettres-plafonds » destinées à préparer le budget de 2025, les crédits du ministère de la Transition écologique se voyaient amputés d’un milliard et demi d’euros pour le fonds vert et d’un milliard pour l’électrification des véhicules.

Le budget de l’Agence de la transition écologique (Ademe) consacré aux collectivités et aux entreprises pourrait ainsi passer de 1,373 milliard à 900 millions d’euros. « Les orientations évoquées ne permettraient pas de garantir un financement efficace de la transition écologique », déclarait alors une source du ministère démissionnaire.

Matignon précisait alors que le budget augmenterait cependant au total de 2,8 milliards d’euros. Sur le fonds vert, Matignon souligne que les versements de l’État aux collectivités locales progresseront de 340 millions d’euros en 2025. La baisse de 1,5 milliard concerne des projets prévus sur plusieurs années. Sur l’électrification des véhicules, la baisse pourrait être de 500 millions d’euros, pour un budget d’un milliard d’euros en 2025 contre un milliard et demi en 2024.

Des chiffres qui seront confirmés lors de la présentation de la trajectoire budgétaire du gouvernement attendue au plus tard le 31 octobre.

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