Les politiques menées pour réduire les inégalités d’accès aux soins en France sont trop « fragmentaires », « insuffisamment ciblées » et pas « évaluables », déplore lundi la Cour des comptes dans un rapport, proposant plusieurs mesures dont une régulation plus stricte de l’installation des médecins.
« L’organisation des “soins de premier recours” (généralistes, spécialistes en accès direct, infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens, psychologues ou orthophonistes) n’a pas encore été structurée comme une politique publique. L’absence de suivi statistique et le défaut d’indicateurs d’impact ne permettent pas d’en mesurer les conséquences », regrette la Cour dans le rapport.
Les inégalités territoriales se creusent
Face à l’extension des déserts médicaux, « plusieurs séries de plans » se sont succédé depuis les années 1990 : d’abord « orientés vers les médecins traitants », puis le développement de structures favorisant l’exercice « coordonné » des différentes professions, et enfin vers « la recherche d’économies de temps médical », via notamment des délégations de tâches aux soignants paramédicaux.
Mais les inégalités territoriales continuent de se creuser : « le taux de patients sans médecin traitant peut représenter jusqu’au quart des patients (deux fois plus que la moyenne) », note la Cour.
Dans son rapport, la Cour insiste également sur des inégalités territoriales encore plus marquées pour accéder aux autres professions de santé, telles que les kinés, infirmières, sages-femmes. Ainsi, il est « six fois plus difficile » d’accéder à un kiné ou à un infirmier dans les territoires les moins bien dotés comparativement aux mieux dotés. Et cela malgré des règles encadrant l’installation : dans une zone bien dotée, une infirmière libérale ne pourra s’installer qu’en remplacement d’une consœur qui cesse son activité.
Les lois adoptées entre 2016 et 2022 traduisent « une volonté de construire une stratégie », mais la mise en œuvre concrète « s’est révélée instable et peu intelligible », sans « cohérence d’ensemble », juge-t-elle. Les délégations de tâches médicales restent aussi « moindres en France » qu’ailleurs.
Un « sentiment d’abandon » dans les territoires les plus fragilisés
« Les bilans effectués décomptent le nombre de dispositifs déployés, s’intéressent parfois aux montants mobilisés mais détaillent peu les difficultés rencontrées et ne rapprochent pas les résultats obtenus des ambitions affichées, ni même des moyens financiers affectés, qui ne font pas l’objet d’une consolidation », constate la Cour des comptes. « Le contraste est donc important entre l’ambition des mesures annoncées et le « sentiment d’abandon » que peuvent connaître les habitants des territoires les plus fragilisés », conclut-elle.
Les Sages de la rue Cambon appellent donc à bâtir une stratégie nationale assortie « d’objectifs chiffrés » – avec des indicateurs mesurables, par exemple sur le délai d’accès à un rendez-vous – et à mieux structurer les « niveaux de responsabilité », le « bon échelon de décision » étant pour eux le département.
Ils suggèrent de resserrer les critères d’éligibilité des aides financières accordées pour les installations en zones « sous-denses » (déserts médicaux), jugeant ces zones trop larges. D’autres aides (à l’équipement, pour l’embauche d’assistants médicaux, etc.) devraient être « plus sélectives » et « ciblées » vers les territoires sous-dotés.
Le rapport préconise encore de « conditionner toute nouvelle installation » de médecin dans les zones sur-dotées à un « engagement d’exercice partiel dans les zones les moins bien dotées », dans des « cabinets secondaires » qui seraient financièrement soutenus.
« Paradoxalement, la plupart des zones sur-dotées sont proches de zones sous-dotées », a pointé lors d’une conférence de presse Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. C’est donc « faisable, c’est une forme intelligente et mesurée d’aller vers une forme de conventionnement sélectif, sans braquer le corps médical ».
La Cour observe encore que plusieurs pays ont supprimé le certificat médical obligatoire pour les arrêts maladie de courte durée, pour le remplacer par une « auto-déclaration » du patient et « libérer du temps médical ». Un tel dipositif supposerait d’instaurer « un autre système de régulation, par exemple un ou deux jours de carence » qui ne serait pas indemnisés par l’Assurance maladie ou l’employeur, a estimé le Premier président, Pierre Moscovici.
Le rapport propose enfin de confier aux hôpitaux une « mission d’intérêt général nouvelle » : « Déployer des centres de santé hospitaliers polyvalents » dans les zones en grande difficulté.
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