Les marxistes sont en train de gagner la guerre de l’éducation

Par Rodney A. Clifton
10 avril 2020 17:15 Mis à jour: 10 avril 2020 19:47

Depuis une soixantaine d’années, une tempête de controverses fait rage dans l’éducation publique canadienne. Elle a également opposé certains enseignants, souvent appelés « traditionalistes », à d’autres, souvent appelés « progressistes », et a affecté la manière dont les enfants sont éduqués dans les écoles publiques.

Le désaccord peut être clairement perçu dans la façon dont les gens répondent aux questions suivantes :

– Le programme d’études doit-il être standardisé pour tous les étudiants ?

– Les écoles devraient-elles mettre en place des examens normalisés ?

– Les parents devraient-ils avoir le dernier mot dans les écoles que fréquentent leurs enfants ?

Si vous répondez « oui » à ces questions, il ne fait aucun doute que vous êtes un « traditionaliste » ; si vous répondez « non », vous êtes un « progressiste ».

Les écoles de formation des enseignants ont formé les futurs professeurs à des méthodes radicalement progressistes, et les syndicats d’enseignants ont négocié – et même fait grève – pour obtenir des avantages inscrits dans l’idéologie progressiste.

La perspective progressiste est issue des écrits de Karl Marx et de ses disciples. Aujourd’hui, cette perspective est appelée « théorie critique », « théorie critique de la race », « théorie critique du genre », ou plus largement « constructivisme ». Cette théorie est basée sur l’idée de Marx selon laquelle les gens dans les sociétés capitalistes, comme au Canada et aux États-Unis, appartenaient à l’une des deux classes : la bourgeoisie ou le prolétariat. La bourgeoisie opprime et exploite le prolétariat.

Dans le domaine de l’éducation, l’argument est un peu plus complexe. Les enseignants progressistes considèrent que la démocratie est fondamentale pour l’enseignement et l’apprentissage, et pour libérer les étudiants de la servitude, les classes doivent s’organiser démocratiquement. Les progressistes pensent que les étudiants doivent faire l’expérience de la démocratie afin de pouvoir contribuer à transformer le Canada en une véritable démocratie où tous les gens sont égaux.

Pour parvenir à ce résultat, chaque enseignant doit être un « guide discret » plutôt qu’un « maître du jeu », comme la plupart des enseignants l’étaient dans le passé. Les élèves ont alors beaucoup plus leur mot à dire sur ce qui se passe en classe. En fait, dans certaines classes, les enseignants sont relégués à la marge, car les élèves conçoivent leur propre programme d’enseignement, apprennent eux-mêmes les matières qui les intéressent et déterminent les notes qu’ils vont obtenir sur leur relevé de notes. De plus en plus, le contenu des programmes n’est pas imposé par le ministère de l’Éducation, mais même s’il est proposé, il est souvent négligé.

Les élèves des écoles publiques apprennent de plus en plus qu’ils font partie de groupes en fonction de l’oppression qu’ils subissent. C’est une idée tirée du manuel néomarxiste appelé « intersectionnalité ». Dans cette conception, il existe une hiérarchie des groupes opprimés en fonction du nombre de caractéristiques que les étudiants associent à leur « identité ». Les étudiants qui associent trois caractéristiques sont plus opprimés que ceux qui en associent une ou deux.

Dans cette hiérarchie, les femmes sont plus opprimées que les hommes, les noirs sont plus opprimés que les blancs, et les lesbiennes noires sont plus opprimées que la plupart des autres étudiants.

Les élèves présentant davantage de caractéristiques représentant l’oppression attachée à leur identité méritent davantage d’attention, de privilèges et le droit d’exprimer leur opinion. Conformément à la « valeur d’étiquette » de chaque individu, les membres des groupes opprimés sont valorisés tandis que les membres des groupes oppresseurs sont dévalorisés.

De même, les étudiants sont supposés posséder des connaissances issues de leurs expériences vécues en tant que membres de groupes spécifiques, et ces connaissances – qui reflètent probablement la « vérité » – ne sont pas partagées par les étudiants appartenant à d’autres groupes. Par conséquent, la vérité devient dépendante de l’appartenance de la personne à un groupe.

En termes simples, on pense que les étudiants vivent dans des silos autonomes, coupés des autres étudiants et donc capables d’avoir un aperçu véridique du monde qui reste inaccessible aux autres étudiants. C’est pourquoi nous entendons souvent les lycéens préfacer leurs déclarations verbales par « En tant que femme noire… » ou « En tant que femme indigène bispirituelle… ».

Ces revendications sont un moyen pour les étudiants d’affirmer leur position idéologique dans la hiérarchie des opprimés et, plus important encore, pour eux d’affirmer leur supériorité sur les autres.

Il est évident que le fait d’avancer un argument avec un tel préambule met en conflit l’identité de la personne qui parle avec la substance de son argument. De tels arguments deviennent des déclarations de vérité ad hominem : « C’est ma vérité et elle a une signification particulière parce que je suis membre d’un groupe opprimé. »

Il est pratiquement impossible pour les étudiants (ou les enseignants) de réfuter les déclarations avancées de cette manière – y compris les fausses déclarations – par les étudiants issus de groupes fortement opprimés. Mettre en doute les affirmations de ces étudiants revient à remettre en question leur identité, qui est désormais considérée comme un jugement à la limite de la violence. Personne ne veut donner l’impression d’être « violent » ou « critique ».

Mais même si quelqu’un ose corriger une erreur évidente dans les propos d’une oratrice « opprimée », la réponse de cette dernière est le plus souvent qu’elle est violemment opprimée par des personnes qui ne partagent pas son identité raciale, sexuelle ou intersectionnelle. Par conséquent, l’oratrice pense que son identité, sa « vérité », est dénigrée.

Il devient donc évident que la vérité n’est plus un concept universel dans les écoles canadiennes, une valeur fondamentale pour une société civilisée, de l’avis de tous. De plus en plus, la vérité est considérée comme étant spécifique à un groupe et non à tous les élèves.

En fait, l’éducation publique canadienne a sacrifié une conception universelle de la vérité au profit de l’affirmation idéologique selon laquelle les groupes ont leurs propres vérités et le degré de véracité dépend de l’appartenance des étudiants à un groupe.

Voici quelques exemples tirés d’un article de trois pages du Winnipeg Free Press du 21 mars, qui contient des entretiens avec des étudiants, des enseignants et des parents, et qui peut aider à clarifier cette affirmation plutôt abstraite.

– L’auteur de l’article, Maggie Macintosh, a expliqué que l’éducation est pleine de « mots à la mode et de phrases populaires comme ‘enquête’, ‘apprentissage par projet’, ‘voix et choix de l’élève’ et ‘discussion sur les mathématiques' ».

– Kelly McLure, enseignante de première année à l’école Dawson Trail à Lorette, au Manitoba, a déclaré : « L’éducation était davantage dirigée par les enseignants, et maintenant, elle est davantage menée par les élèves. C’est ce que permet une forme de recherche ; les enfants se posent des questions et nous les aidons à trouver des réponses. »

– Bobbie-Jo Leclair, un consultant en enseignement indigène de la division scolaire Louis Riel, a déclaré : « Il est important d’examiner les structures, les pratiques, les politiques de l’école pour voir qui est entendu et réfléchi. » Maggie Macintosh a rapporté que Bobbie-Jo Leclair a « vu les clivages adopter lentement les idéologies éducatives des Premières Nations au cours de ses 17 années d’enseignement ».

– Geret Coates, professeur en Première au St. James Collegiate de Winnipeg, a déclaré à Maggie Macintosh que « plutôt que d’étudier Shakespeare cette année, ses élèves vont feuilleter les pages du roman à suspense Killing Mr. Griffin (pourrait être traduit par : « Tuer M. Griffin »), le récit à la première personne Le Premier qui pleure a perdu (The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian) et Stepping Stones : A Refugee Family’s Journey (pourrait être traduit par : « Le parcours de la famille d’un réfugié »)… »

Ces exemples révèlent que les élèves ont le contrôle et que les enseignants répondent à leurs intérêts spécifiques. Les enseignants ne sont plus considérés comme des experts dans les matières qu’ils enseignent, le programme n’est pas étroitement mandaté par le ministère de l’Éducation et les enseignants ne sont plus contrôlés pour s’assurer qu’ils enseignent le programme prévu.

Cette tendance au progressisme dans l’enseignement public, qui dure depuis 60 ans, soulève au moins trois questions importantes :

Comment ce mode de fonctionnement peut-il être qualifié de système éducatif s’il existe peu d’attentes, voire aucune, en matière de programmes d’études pour les élèves ? Ne serait-il pas préférable d’appeler ce processus « auto-réalisation » ?

Comment les écoles peuvent-elles honnêtement déclarer que les étudiants sont prêts à prendre une place dans le monde du travail ou dans des établissements d’enseignement supérieur s’ils ne maîtrisent pas un ensemble de prérequis nécessaires ?

Pourquoi les contribuables devraient-ils soutenir ce processus de « réalisation de soi » ?

Depuis bien trop longtemps, les enseignants progressistes ont gagné la guerre de l’éducation dans les écoles publiques canadiennes. Les traditionalistes qui pensent que l’éducation doit être normalisée, que les élèves doivent être évalués de manière formelle et que si les élèves n’atteignent pas les critères du programme d’études, ils ne doivent pas être promus, ont perdu des batailles.

Pour eux, l’éducation a été dévalorisée et l’autorité des enseignants a été sapée.

Les enseignants traditionnels pensent qu’il est temps de rétablir la substance du programme, l’évaluation formelle des élèves, l’autorité professionnelle des enseignants et la responsabilité des ministères de l’Éducation. Mais ces enseignants ne peuvent pas le faire seuls : ils ont besoin du soutien des contribuables, des employeurs, des établissements d’enseignement supérieur et du grand public. Il faut espérer que les citoyens prendront conscience de cette guerre de l’éducation et la rejoindront. L’avenir de nos étudiants et de notre pays est en jeu.

Rodney A. Clifton est professeur émérite à l’Université du Manitoba et chercheur principal au Centre Frontière pour la politique publique. (rodney.clifton@umanitoba.ca)

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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