Perchés sur d’impressionnants pitons rocheux, non loin de l’Albanie et de la Macédoine, les monastères orthodoxes des Météores perpétuent malgré un tourisme envahissant les vœux d’ascétisme prononcés par des moines et des nonnes. Une rencontre surréaliste.
Quand on arrive à Kalambaka, le gros bourg qui sert de camp de base aux visiteurs du site des Météores, on est d’abord décontenancé par cette incroyable colonie d’aiguilles de grès qui jaillissent de l’immense plaine monotone de la Thessalie.
Une histoire tumultueuse
Tout a commencé au 9e siècle quand un premier ermite se retira dans une grotte naturelle creusée dans la roche, tel un aigle dans son nid. Difficilement accessible, le site propice à la méditation attire rapidement d’autres anachorètes en quête de solitude. Le premier monastère est érigé sur un piton rocheux par le moine Athanasios venu du mont Athos, séduit par ce lieu parfaitement conforme à un dogme qui prône le renoncement aux choses terrestres pour mieux se rapprocher de Dieu. D’autres communautés monastiques suivront dès le 14ème siècle, occupant les sommets voisins.
Il y en eut 24 mais invasions ottomanes, conflits et déclin du monachisme entraînent l’abandon de certains monastères. Aujourd’hui il en reste 8 en activité dont 6 sont ouverts au public selon un horaire réduit qui permet aux religieux de pouvoir encore s’isoler. Quoiqu’il en soit, les moines ne se montrent jamais, ce sont des collaborateurs qui organisent les visites. Il faut, dit-on, éloigner les religieux de la tentation que pourrait être la vue de toutes les touristes qui pénètrent ces lieux saints, même s’il leur est demandé de se couvrir les épaules et de porter une jupe longue pour cacher leurs jambes. Par contre, ce sont bien les nonnes elles-mêmes qui accueillent les visiteurs dans les deux monastères occupés par des religieuses. S’il faut d’ailleurs n’en visiter que deux sur les six, il faut choisir au moins l’un des deux couvents, le Roussanou ou le Agios Stéphanos. On y sent la patte féminine dans la mise en valeur des jardinets très fleuris et la décoration des espaces bien entretenus malgré l’affluence des visiteurs.
Les Météores ne tombent pas du ciel !
Ceux qui voudraient associer le site et son nom à une météorite qui aurait traversé l’atmosphère pour s’écraser sur terre et faire jaillir du sol ces titanesques rochers se trompent. Les géologues expliquent que ces socles de grès se sont formés il y a quelque 30 millions d’années quand ils ont été ravinés par le ruissellement des eaux du Pénée qui dessinait ici un delta. Au fil des siècles, l’érosion et les vibrations sismiques se sont conjuguées pour modeler cet étonnant paysage de tours naturelles dressées au-dessus de la plaine. Le nom grec Meteora qui signifie « suspendu dans les airs » fait référence à cette vision quelque peu fantastique qu’offre le site quand la brume d’automne envahit la vallée et efface les frontières terrestres laissant seulement apparaître les monastères flottant dans la blancheur laiteuse du ciel.
Tous surgissent comme le prolongement vertical de rochers relativement étroits. Pour atteindre le couvent de Roussanou, des ponts ont été jetés pour joindre la plate-forme du rocher. Le monastère d’Agia Triada est posé sur un rocher qui suggère un poing fermé tendu vers le ciel et offre l’accès le plus éprouvant. Un petit téléphérique permet d’approvisionner les occupants tandis que les visiteurs doivent emprunter un sentier caillouteux et gravir quelque 140 marches irrégulières creusées à même le rocher. Le Grand Météore, le plus ancien, le plus grand mais aussi le plus haut s’atteint après une montée moins éprouvante de 115 marches dont certaines sont taillées dans des couloirs obscurs qui confortent l’impression d’atteindre un lieu saint. De là-haut, la vue ouverte sur le plaine de Thessalie et sur les autres monastères accrochés aux parois abruptes est saisissante.
Comment ont-ils pu construire des monastères aussi imposants sur des sites aussi inaccessibles ? On devine encore sur certaines parois les treuils utilisés jadis pour hisser au bout d’une corde les vivres et même les visiteurs recroquevillés dans une nacelle. Ailleurs ce sont des échelles amovibles qui permettaient de joindre les sites. Ces rochers inhospitaliers sont autant de palais pour les ascètes qui y vivent ou viennent s’y recueillir car ici, disent-ils, libre de la violence des éléments et du monde qui s’écoule à leur pied, chaque moine peut puiser en lui-même une force spirituelle pour chanter la création et atteindre l’extase mystique.
Le prix de la modernité
Cette démarche n’a pas empêché ces communautés monastiques de devenir aussi des propriétaires des terres arables qui s’étendent au pied des rochers et ce sont entre autres les rivalités sur la gestion de ces immenses domaines qui ont accéléré le déclin des communautés. Le vieillissement des religieux et l’inscription du site au patrimoine mondial de l’Unesco en 1988 amenèrent le remplacement des échelles de cordes au profit d’escaliers ouvrant droit la porte des Météores au tourisme longtemps refusé par les moines. Par ailleurs un incendie violent faillit ravager en 1930 le monastère de Varlaam. Comme les hommes valides étaient aux champs, ce sont les femmes qui accoururent pour venir en aide. Un dilemme se posa alors : fallait-il laisser entrer les femmes dans un lieu exclusivement dévolu aux moines ou au contraire leur interdire l’accès quitte à perdre le monastère ? La raison l’emporta, les femmes se révélèrent de précieuses alliées pour éteindre le feu et c’est depuis cet événement que les monastères sont ouverts à tous à condition de se plier à certaines règles vestimentaires.
Malgré l’afflux des touristes du monde entier qui viennent s’y perdre durant toute l’année, le site immense ne perd rien de sa magie. Que l’on se contente de découvrir les monastères perchés sur leurs pitons depuis la route, que l’on se recueille dans les chapelles surchargées de magnifiques icônes, que l’on préfère découvrir les évangiles parcheminés, les vêtements sacerdotaux brodés d’or ou les objets liturgiques rehaussés de pierres précieuses et de perles, que l’on s’abîme dans la contemplation des silhouettes arrondies des roches saupoudrées du vert des arbres et de l’orange des monastères en surplomb d’une plaine couverte de céréales dorées, tout ici parle d’harmonie et on ne peut que se sentir touché par le caractère sacré du site.
Infos :
Y aller : 2 aéroports desservent la région, soit Thessalonique, soit Volos. Sur place il vaut mieux louer une voiture car elle s’avère essentielle pour circuler dans la région. Ne comptez pas sur un gps efficace sur place et offrez-vous une carte routière détaillée de la Thessalie. Enfin révisez votre alphabet grec car la plupart des lieux sont indiqués en grec.
Se loger : L’aéroport de Volos se trouve à Nea Anchialos, à 25 km au S-O de la ville. Le plus facile est de se poser à Nea Anchialos, une station balnéaire fréquentée par les Grecs, de quoi découvrir les plaisirs de la table, les pieds dans les galets à deux mètres des vagues qui viennent lécher la plage. Une excellente adresse à prix doux www.protessilaos.com juste en face de la plage. Le propriétaire Vassilis est d’un excellent conseil pour découvrir le petit port mais aussi la région. A Kalambaka, l’hôtel Famissi, à l’entrée de la ville offre un bon rapport qualité-prix d’autant que les balcons des chambres arrière ont une vue imprenable sur le site.
Visiter : Si vous avez loué une voiture il est aisé de visiter le site par soi-même. Informez-vous toutefois sur les horaires d’ouverture des monastères. S’offrir le confort de visite organisée par une agence est aussi intéressant car les guides fourmillent d’anecdotes et ils vous sortiront des chemins battus. www.visitmeteora.travel
Écrit par Christiane Goor et Charles Mahaux
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.