Jamais l’hiver n’a été aussi accablant pour M. Zou, qui compte une vingtaine de décès parmi ses connaissances au milieu de l’impressionnante vague de Covid-19 qui frappe la Chine.
On peut voir des chapiteaux commémoratifs dédiés aux foyers pleurant des proches dans toutes les rues de sa ville natale, la ville historique de Yueyang, dans la province montagneuse du Hunan, dans le sud, qui compte environ 20.000 habitants.
Elles sont si nombreuses que « c’est effrayant », explique M. Zou, qui ne donne que son nom de famille par crainte de représailles, à Epoch Times au 23 janvier.
Il explique que le ciel lui paraît plus sombre qu’à l’habitude, et la lumière du soleil est faible. Cela renforce le sentiment d’effroi dans la petite ville, car l’épidémie projette une ombre immense. Rien qu’au cours des trois-quatre derniers jours, 100 à 200 personnes sont mortes de la maladie.
À Shaoyang, une ville d’environ 1,5 million d’habitants située à environ quatre heures de route au sud, un habitant, qui refuse également de donner son nom par peur des représailles, estime que des milliers de personnes âgées sont probablement mortes au cours de l’épidémie. À un moment, quatre familles vivant dans la même allée étaient en deuil, confie-t-il à Epoch Times le 18 janvier, qualifiant la situation d’« incroyable ».
Les inquiétudes croissantes ont refroidi l’esprit des fêtes, alors que le Nouvel An lunaire, normalement la plus grande célébration de l’année, a eu lieu le dimanche 22 janvier.
Une vidéo circulait sur les médias sociaux deux jours avant le Nouvel An chinois, filmée depuis une voiture traversant un quartier résidentiel. Elle montrait une rue déserte bordée d’une multitude de couronnes et de lanternes en papier bleu et blanc en hommage aux défunts.
« Vous regardez ce qui arrive à vos voisins et vous vous inquiétez pour vos propres familles », confie à Epoch Times une femme du nom de Bao, originaire de la ville de Shijiazhuang, dans la province du Hebei. Comme tous les autres, Bao refuse de donner son prénom par crainte de représailles de la part du gouvernement. Pour cette nouvelle année, elle n’a pas eu l’occasion d’aller visiter ses proches.
Alors que le virus balaie le pays, le régime continue de dissimuler l’ampleur de l’épidémie. Toutefois, les nombreux témoignages de décès, les récits d’hôpitaux et de crématoriums débordés, ainsi qu’une pénurie de matériel funéraire, indiquent un lourd bilan humain.
Face à une telle augmentation du nombre de décès, les crématoriums du pays s’efforcent d’accroître leur capacité au maximum.
Une enquête menée par Epoch Times dans 10 provinces et dans les principales villes du pays a révélé que plus de 30 entreprises de pompes funèbres ont publié des appels d’offres pour des fours de crémation, des urnes à cendres, des fourgons pour transporter les corps et des réfrigérateurs au cours des trois dernières semaines seulement.
« En raison de la forte hausse de l’activité, nous devons acheter d’urgence deux machines de tri des cendres et du matériel de post-traitement », peut-on lire dans un avis publié le 19 janvier par le funérarium de Huzhou, dans la province du Zhejiang, située au sud de Shanghai.
Dans un appel d’offres de la ville de Shantou, dans le Guangdong au sud, qui a été supprimé le 6 janvier, un funérarium expliquait avoir besoin « d’acheter d’urgence », dans les dix jours, deux incinérateurs prêts à l’emploi.
À cette époque, un grand crématorium de Shanghai déclarait à Epoch Times qu’il brûlait 400 à 500 corps par jour, soit quatre à cinq fois plus qu’au maximum d’activité en temps normal.
Les fournitures funéraires épuisées
Alors que des stands de deuil bordent les rues chinoises et que les corbillards créent des embouteillages devant les crématoriums, le prix des articles funéraires a grimpé en flèche en raison de l’augmentation de la demande.
Plusieurs fournisseurs d’urnes et de cercueils ont confirmé qu’ils étaient en rupture de stock ou presque lorsque Epoch Times les a contactés avant le Nouvel An lunaire. Chaque personne interrogée n’a donné que son nom de famille ou a refusé de donner son nom… par crainte de représailles.
Un fabricant d’urnes du Henan, la troisième province la plus peuplée du pays, est en rupture de stock. Le réapprovisionnement pourrait prendre un mois, selon une représentante commerciale du nom de Sun. Mme Sun n’a jamais vu une telle situation en vingt ans de carrière dans le secteur.
« Cela n’a jamais été comme ça », confie à Epoch Times M. Qiu, représentant d’un autre fabricant d’urnes dans la province voisine de Shandong. Pour lui, le Covid-19 est la cause du « raz-de-marée » de commandes reçues.
Un fabricant de cercueils de Jingdezhen, une ville réputée pour ses arts céramiques, expliqué qu’il n’a pas plus de deux articles en stock pour les gammes de produits qui ne sont pas épuisées et conseille aux clients d’acheter ce qui est disponible sans choisir.
« Franchement, trop de gens sont morts cette année, et la demande est trop forte. Nous ne pouvons tout simplement pas en faire assez. »
Les récits des habitants du pays sont tout aussi sombres.
Une femme de Suzhou, une ville proche de Shanghai, a perdu le même jour, au début du mois, trois membres âgés de sa famille, dont sa mère. Le funérarium local avait fixé une limite de 400 places sur une période de 24 heures. Le 5 janvier, elle et plusieurs autres membres de sa famille ont essayé d’obtenir un numéro lorsque les places ont été ouvertes à minuit ; en 28 secondes, ils ont été placés à la 160e place. Le coût des funérailles de sa mère s’est élevé à plus de 10.000 yuans (environ 1357 euros), soit le double du montant pour un tel service dans le passé.
En raison de l’extrême pénurie de fournitures funéraires, aucun cercueil en carton ou en bois n’était disponible pour accueillir la dépouille de sa mère. Tout ce qui restait était un sac en papier et un linceul, raconte-t-elle à Epoch Times, utilisant le pseudonyme de Liang Yan.
Désillusion
Alors que la population chinoise se débat dans cette épidémie explosive de Covid-19, Pékin cherche à dépeindre une autre réalité.
Le jour même où une université chinoise de premier plan, soutenue par l’État, a publié un rapport faisant état de 900 millions d’infections au cours de la dernière vague, les responsables du Centre de prévention et de contrôle des maladies de Pékin ont organisé une conférence pour célébrer trois années de travail de lutte contre les épidémies, au cours de laquelle ils ont remis des dizaines de prix. Le chef du Parti du centre, Huang Chun, a assuré que l’agence sanitaire avait été « à la hauteur de sa mission ».
Jiang Yunzhong, spécialiste du marxisme et membre du Parti à l’université d’élite de Tsinghua à Pékin, s’est fait l’écho de ce ton triomphant en déclarant que le nombre de victimes du Covid-19 en Chine « reste dans une fourchette acceptable ».
« Même si quelques millions de personnes meurent, et alors ? » a-t-il écrit sur les médias sociaux chinois le 14 janvier. « La Chine a connu 10 millions de décès en 2021 ; même s’il y a 5 millions de décès supplémentaires, ce n’est qu’une augmentation de 50% – une différence entre deux décès et trois décès. »
Jusqu’à présent, le régime a reconnu environ 72.000 morts, un chiffre qui suscite beaucoup de scepticisme parmi les spécialistes et les habitants.
« C’est une tragédie dans l’histoire de l’humanité », poursuit M. Zou. « Ils voient cela comme une plaisanterie amusante et veulent même se vanter de leurs accomplissements et en faire un modèle pour le monde. Ils ne se soucient pas du tout de ce que pensent les gens ordinaires. »
Les chiffres irréalistes du virus, voilà ce qui réveille la génération plus âgée qui a grandi endoctrinée par le régime. En temps normal, elle ne tolère aucune discussion critique à l’égard du Parti communiste chinois, selon M. Zou, qui y voit un signe de « l’effondrement des gènes rouges ».
« Je pouvais voir qu’ils étaient vraiment en colère. Lorsqu’ils parlaient, ils demandaient : ‘Pourquoi rapportent-ils des données comme ça ?’ Ils ne pouvaient pas comprendre. »
« Ils avaient l’habitude d’excuser tout ce que [les autorités] disaient, mais maintenant ils ont complètement perdu confiance en eux. »
Chang Chun, Yi Ru et Frank Fang ont contribué à cet article.
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