Un repas à base d’insectes, voilà bien une idée qui provoque un maximum dégoût. Les suppléments protéiques comestibles fabriqués à partir de criquets rampants, de mouches bourdonnantes et de grillons sautillants ne sont pas courants dans les cultures occidentales.
Néanmoins, certains défenseurs de l’agriculture durable ont trouvé un moyen de contourner ce stigmate en utilisant les protéines d’insectes dans l’alimentation du bétail.
Souvent commercialisées comme une alternative verte à des produits comme le soja, les experts estiment que la demande de protéines d’insectes dans l’alimentation animale atteindra 500.000 tonnes d’ici 2030.
Certains analystes prévoient que l’industrie de l’élevage d’insectes dépassera les 3 milliards de dollars d’ici 2027. Cela représente un taux de croissance de 33% rien qu’au cours des cinq prochaines années.
En effet, la demande de protéines continue d’augmenter au même rythme que la population mondiale. Une analyse suggère que la production alimentaire commerciale devra augmenter de 70% d’ici 2050 pour répondre à la demande croissante de nourriture.
Entre-temps, les éleveurs d’insectes sont sous les feux de la rampe. De grandes entreprises ont déjà investi dans la recherche sur l’utilisation des farines d’insectes dans l’alimentation animale. Certaines ont déjà commencé à ajouter ce type de farine dans les aliments pour animaux de compagnie.
En 2020, Nestlé a annoncé que sa nourriture Purina Beyond Nature’s Protein pour animaux de compagnie contenait de la farine d’insectes comme ingrédient clé. La marque est disponible pour les chiens et les chats et utilise un mélange d’insectes, de poulet et de fèves.
Purina utilise des larves de mouche soldat noire, un additif protéique populaire pour l’alimentation animale. Elles figurent également dans les aliments pour bétail en Europe.
« On construit une installation pour les mouches soldats noires ou d’autres insectes où on peut les produire tout au long de l’année, alors que pour le soja, on n’a qu’une seule récolte par an », explique le Dr Jeffery Tomberlin à Epoch Times.
Le Dr Tomberlin est entomologiste et directeur du programme des sciences médico-légales de l’université A&M du Texas. Il étudie le potentiel des protéines d’insectes pour la consommation humaine et animale.
Des avantages directs
« Je pense que la mouche soldat noire est un exemple qui offre des avantages directs. Nous pouvons produire plus par an à un endroit donné que le soja ou d’autres cultures en rangées. Et nous pouvons recycler les choses qui contaminent l’environnement pour nourrir la mouche soldat noire », ajoute-t-il.
Le géant de la restauration rapide McDonald’s expérimente depuis 2018 les protéines d’insectes pour remplacer le soja dans l’alimentation des poulets.
Lors de l’événement Feed Protein Vision cette année-là, l’ancienne directrice de l’approvisionnement durable mondial de McDonald’s, Nicola Robinson, a déclaré : « Une des principales raisons pour lesquelles nous envisageons des protéines alternatives est notre engagement envers les forêts. »
D’autres grands noms se lancent dans l’aventure des insectes comestibles, notamment Tyson Foods, Mars et PepsiCo.
La viabilité des élevages animaliers est au cœur de toutes les inquiétudes. De ce fait, les entreprises et les investisseurs se lancent dans l’aventure des protéines d’insectes.
L’objectif principal est de réduire l’impact environnemental des cultures destinées à la consommation animale.
Les protéines d’insectes ont donc un rôle important à jouer puisque, selon les estimations, 80% du soja produit dans le monde est destiné à l’alimentation du bétail.
Les protéines d’insectes : supérieures au soja ?
« Les insectes sont plus durables que le soja à bien des égards, et pas seulement en ce qui concerne les émissions de carbone. Ils nécessitent moins d’eau, moins de terres arables et produisent moins de déchets. C’est également une culture résistante au climat, car elle se fait en intérieur toute l’année », précise Dror Tamir, PDG de Hargol FoodTech, à Epoch Times.
M. Tamir et ses collègues éleveurs d’insectes créent des compléments alimentaires à partir de sauterelles. L’entreprise fabrique un complément à partir de sauterelles en utilisant l’agriculture verticale.
La poudre riche en nutriments contient 72% de protéines complètes et d’autres nutriments essentiels comme les oméga-3 et les oméga-6. Elle contient également du zinc, de l’acide folique, du magnésium, du potassium et des vitamines B et E.
« Surtout pour les sauterelles, c’est même plus humain que la culture du soja. En cultivant le soja, les agriculteurs doivent tuer tous les animaux autour : insectes, oiseaux, reptiles, lézards et mammifères. Pour cela, ils utilisent des pesticides et des pièges qui sont cruels et qui contaminent également l’environnement », explique M. Tamir.
M. Tamir affirme que la méthode d’élevage d’insectes de son entreprise n’utilise ni pesticides, ni engrais, ni hormones, ni antibiotiques. En prime, aucun traitement secondaire n’est nécessaire pour extraire les protéines des sauterelles, comme le soja.
« Même la récolte est effectuée de manière humaine », ajoute-t-il.
Outre les sauterelles et les mouches noires, les vers à soie, les vers de farine et les grillons sont parmi les insectes les plus utilisés dans les compléments alimentaires.
Les élevages d’insectes ont une faible empreinte carbone, ce qui constitue un argument de poids pour les défenseurs du changement climatique. Une analyse suggère que l’élevage d’insectes émet 75% de carbone en moins et utilise deux fois moins d’eau que les seuls élevages de volailles.
Cependant, malgré ces avantages dans la production et l’attrait « vert », le Dr Tomberlin estime que les protéines d’insectes et le soja ne doivent pas être mis en concurrence.
« Une chose que je voudrais souligner, c’est que nous ne devrions pas penser à cette industrie comme un concurrent du soja, mais [nous devrions réfléchir à] comment ces industries peuvent être associées. »
Les défis de l’industrie
Comme pour toutes les idées révolutionnaires, il y a des obstacles bien ancrés dans la réalité en cours à franchir. Plusieurs obstacles doivent être surmontés pour que l’élevage d’insectes atteigne une véritable croissance.
Parmi ceux-ci figurent la rentabilité et l’infrastructure réglementaire.
« Les principaux défis, tels que nous les voyons, sont les coûts et les questions de sécurité », convient M. Tamir. « L’industrie est à un stade de développement relativement précoce, et il est encore nécessaire d’améliorer l’efficacité de la production et de réduire les coûts tout en faisant concurrence à un des marchés de produits de base les plus rentable. »
Par rapport aux cultures traditionnelles, le soja est incroyablement économe en terre et en eau. C’est également la source de protéines la plus rentable, selon le département de l’Agriculture des États-Unis.
M. Tamir affirme également qu’il faut poursuivre les recherches sur les protéines d’insectes en ce qui concerne la sécurité, la digestion et les avantages pour la santé de chaque animal.
Le Dr Tomberlin confirme : « Je pense que le plus grand défi est que cette [protéine d’insecte] est jeune. Nous essayons de déterminer comment la produire de manière économique. »
« Si on regarde la production de soja ou d’autres cultures en rangées, elles peuvent être produites à un coût bien moindre que les protéines d’insectes. »
Tout comme M. Tamir, il estime que l’industrie doit développer une infrastructure permettant une meilleure production tout en s’occupant de la prévention de la contamination, du contrôle de la qualité et des problèmes de digestion.
Par ailleurs, certaines recherches remettent en question les avantages protéiques de certains insectes.
Une étude portant sur la teneur en protéines de grillons nourris avec cinq régimes différents a révélé que seuls ceux qui avaient un régime à base de céréales (semblable à celui des poulets) produisaient des protéines comparables à celles de la volaille.
Cela remet en question l’intérêt pour l’environnement de nourrir les animaux avec des insectes, ou de les manger directement, s’ils ont besoin d’un régime similaire à celui du bétail pour reproduire les protéines de la viande ordinaire.
Un des auteurs de l’étude sur les grillons, le Dr Mark Lundy, a écrit : « Je pense que les affirmations de durabilité sur ce sujet ont été exagérées dans l’état actuel des connaissances. »
Mais pour l’instant, le commerce des protéines d’insectes est en plein essor.
« C’est une autre raison pour laquelle les partenariats sont importants… Collectivement, nous pouvons fournir un régime équilibré aux industries du bétail, de la volaille et de l’aquaculture », conclut le Dr Tomberlin.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.