Les racines neurologiques de l’hyperphagie boulimique

Selon un expert, pratiquement tout le monde a tendance à faire des choix alimentaires sous-optimaux en cas de dysrégulation

Par Zena le Roux
3 mai 2024 16:11 Mis à jour: 3 mai 2024 16:12

Se jeter sur un pot de glace ou un paquet de chips peut signifier bien plus qu’une simple envie de manger.

Les aliments dont nous avons envie et que nous consommons servent souvent de pansements émotionnels, apaisant nos angoisses et nous procurant un sentiment de confort ou de contrôle. Mais s’est-on déjà demandé quelles forces biologiques motivent ces décisions alimentaires ?

Il s’avère que notre système nerveux autonome, sentinelle subconsciente constamment à l’affût des menaces, joue un rôle important. Ce mécanisme de surveillance profondément enraciné ne fait pas de distinction entre les dangers physiques et les dangers émotionnels. Lorsque nous nous sentons dépassés, la nourriture peut donc nous offrir une oasis éphémère, en déclenchant les mêmes voies neuronales que les relations sociales.

De la frénésie alimentaire aux régimes restrictifs, nombre de nos habitudes alimentaires apparemment irrationnelles sont des tentatives erronées d’autorégulation de nos systèmes nerveux déréglés.

Dévoiler ces secrets neurologiques pourrait être la clé pour faire de meilleurs choix alimentaires sans avoir à compter uniquement sur la volonté.

Connectés pour faire de mauvais choix alimentaires

Lorsque notre système nerveux est déréglé, certaines parties du cerveau sont déconnectées au niveau neurophysiologique, a expliqué Sharoni Tsarafi, psychologue clinicienne basée en Afrique du Sud, à Epoch Times. Il est alors difficile pour les personnes de penser clairement et de prendre des décisions conformes à leurs objectifs et à leurs valeurs lorsqu’elles sont en état de survie.

Le cortex préfrontal, responsable de la pensée rationnelle, a tendance à se déconnecter, empêchant l’accès aux processus de pensée supérieurs. En cas de dysrégulation, les gens cherchent souvent à se réconforter ou adoptent des comportements impulsifs qui vont à l’encontre de leurs valeurs, ce qui peut se traduire par de mauvais choix alimentaires, a expliqué Sharoni  Tsarafi.

Tabitha Hume, diététicienne-nutritionniste, a déclaré à Epoch Times que pratiquement tout le monde a tendance à faire des choix alimentaires sous-optimaux lorsqu’il y a dysrégulation.

Dans les états d’anxiété ou de dépression, le cerveau a instinctivement besoin de substances susceptibles d’augmenter les niveaux de sérotonine, telles que les glucides à libération rapide ou à index glycémique élevé. Ces glucides augmentent rapidement le taux de glucose dans le sang, ce qui incite le cerveau à augmenter la production de sérotonine, induisant ainsi des sentiments de calme et de contrôle.

Selon une étude publiée en 2016 dans la revue Brain Structure and Function, la consommation d’aliments très appétissants, comme ceux contenant du sucre, peut diminuer les réactions physiologiques et émotionnelles au stress. Les participants qui ont consommé 4 ml d’une solution de saccharose à 30 % deux fois par jour pendant 14 jours ont vu l’activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) réduite et les niveaux d’hormones de stress dans l’organisme diminués. En d’autres termes, la consommation d’aliments sucrés peut aider à réguler la réponse au stress de l’organisme et favoriser un état plus calme, ce qui explique pourquoi il peut sembler naturel de se tourner vers ces aliments en cas de stress.

Les personnes sujettes à des déséquilibres de la sérotonine devraient être prudentes et ne pas éliminer les glucides de leur alimentation, car cela pourrait aggraver les problèmes existants, a déclaré Tabitha Hume. Un tel changement d’alimentation pourrait entraîner une augmentation des niveaux d’anxiété, d’agressivité ou d’irritabilité, comme c’est souvent le cas avec les régimes pauvres en glucides et riches en graisses et les régimes céto, a-t-elle fait remarquer.

En outre, il peut ouvrir la voie à une tendance à la frénésie alimentaire au fil du temps. « Réduire les calories ou les glucides tout en augmentant les protéines et les graisses entraîne une myriade de problèmes, en particulier chez les jeunes filles qui ne saisissent peut-être pas pleinement l’importance des glucides pour un fonctionnement optimal du cerveau », a déclaré Tabitha Hume. « La diabolisation des glucides est peut-être l’une des choses les plus épouvantables qui soient. »

Selon Tabitha Hume, il est important de modérer la consommation de sucre, mais aussi d’incorporer un apport constant d’hydrates de carbone sains et à libération lente tout au long de la journée afin de maintenir des niveaux stables de glucose dans le plasma sanguin.

Dysrégulation du système nerveux et trouble de l’alimentation

Les personnes souffrant d’anxiété, de dépression ou de troubles déficitaires de l’attention/hyperactivité (TDAH), où les niveaux de dopamine peuvent être faibles, se tournent souvent vers des aliments intensément savoureux, riches en sel et en sucre, a déclaré Tabitha Hume. Cependant, lorsqu’ils se rendent compte que leurs aliments préférés peuvent contribuer à la prise de poids, ils peuvent éprouver de l’anxiété à l’idée d’une surconsommation et se sentir obligés d’imposer des restrictions alimentaires.

Cette inquiétude initiale peut rapidement se transformer en une obsession pour la réduction des glucides ou des calories.

Néanmoins, de telles restrictions alimentaires peuvent précipiter une chute du taux de sucre dans le sang, entraînant une diminution correspondante du taux de sérotonine. Cette cascade d’événements peut jeter les bases d’un cycle de frénésie alimentaire suivi d’une privation de nourriture, pouvant aboutir à des troubles tels que la boulimie ou l’hyperphagie boulimique, comme l’a observé Tabitha Hume.

Une étude réalisée en 2020 a montré que les patients souffrant d’anorexie mentale présentent une suractivation du système parasympathique et une diminution de l’activité sympathique.

Des recherches publiées dans Frontiers in Neuroscience ont établi un lien entre l’altération du fonctionnement du système nerveux autonome et les troubles de l’alimentation, montrant une suractivation parasympathique et un retrait sympathique chez les patients souffrant d’anorexie mentale et de boulimie à jeun.

Selon Sharoni Tsarafi, les périodes de dysrégulation émotionnelle accrue peuvent servir de déclencheurs sensibles pour les épisodes de frénésie alimentaire, car les personnes boulimiques disent souvent se sentir profondément hors de contrôle et intérieurement chaotiques juste avant de s’adonner à des comportements de frénésie alimentaire.

La chimie du cerveau pour calmer les fringales

Selon une étude publiée en 2002 dans Behavioral Processes, manger peut soulager l’anxiété et l’inconfort. Les mécanismes à l’origine de ce phénomène semblent être liés à l’impact des glucides et des protéines sur la synthèse de la sérotonine dans le cerveau.

Les glucides peuvent stimuler la production de sérotonine, contribuant ainsi aux sentiments de calme et de bien-être. De même, les aliments riches en protéines fournissent les précurseurs d’acides aminés nécessaires à la synthèse de la sérotonine.

Une autre étude publiée dans Metabolism suggère que le stress, en particulier le trouble de stress post-traumatique (TSPT), est associé à un dysfonctionnement métabolique et à l’obésité.

Les facteurs potentiels contribuant à ce lien comprennent le dérèglement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) qui régule la réponse du corps au stress, l’activation du système nerveux sympathique (qui contrôle les réponses « combat ou fuite ») et la libération d’hormones de stress, qui ont toutes un impact sur les processus cérébraux et métaboliques.

Développer la conscience émotionnelle en nommant les sentiments

Selon Sharoni Tsarafi, lorsque les gens ont du mal à réguler leurs émotions, il est essentiel de les aider à les identifier et à reprendre le contrôle de sentiments qui peuvent leur sembler accablants et chaotiques.

Au cœur de ce processus se trouve le développement de la conscience et de la reconnaissance des émotions, qui jette les bases des progrès à venir. Dans sa pratique, Sharoni Tsarafi dit utiliser des outils pratiques issus de la thérapie comportementale dialectique.

Le simple fait d’étiqueter avec précision ses émotions déclenche un processus de régulation (« nommer, c’est apprivoiser »). Ce processus, ajoute-t-elle, permet de réengager les lobes frontaux du cerveau, ce qui rétablit la clarté cognitive et améliore les capacités de prise de décision.

Une étude publiée en 2007 dans Psychological Science a montré que le fait de mettre des mots sur les sentiments négatifs peut aider à réguler les expériences négatives, un processus qui peut en fin de compte contribuer à une meilleure santé mentale et physique. Les résultats ont montré que l’étiquetage des affects – l’idée que parler de ses sentiments peut aider une personne à se sentir mieux – diminuait la réponse de l’amygdale et d’autres régions limbiques aux images émotionnelles négatives. Il augmente également l’activité du cortex préfrontal (la partie du cerveau consacrée à la réflexion).

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