Les rééquilibrages en cours au Parlement européen suspendus aux législatives en France

Par Ludovic Genin
25 juin 2024 17:42 Mis à jour: 26 juin 2024 23:59

Les élections européennes se sont terminées le 9 juin et les nouveaux équilibres sont toujours en cours de discussion. Si la vague attendue à droite n’a pas eu lieu en Europe, en France, les législatives peuvent encore changer l’orientation des institutions de l’UE, si le RN remporte une majorité absolue à l’Assemblée nationale et prend la tête du gouvernement français.

Les équilibres ont déjà changé après que le groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR), mené par Giorgia Meloni et rallié par Marion Maréchal, Guillaume Peltier et Laurence Trochu, est passé en troisième position devant le parti Renew Europe, dont fait partie Renaissance. Le parti centriste-libéral Renew (80 sièges) et les Verts (52 sièges) ont perdu chacun une vingtaine de sièges. Le groupe de centre-droit, le Parti populaire européen (PPE, 190 sièges + 14 sièges), reste le plus important, devant le groupe des sociaux-démocrates européens, l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D, 135 sièges, + 4 sièges).

Le nouvel équilibre européen dépend encore de la structuration des droites entre les Conservateurs et réformistes européens ECR (83 sièges, +14 sièges), le groupe Identité et Démocratie (51 sièges, + 2 sièges), dont fait partie le RN, et enfin les non-inscrits (NI, 45 sièges). Un quatrième groupe va jouer aussi sa partition à droite de la droite, « Les Souverainistes », se regroupant autour de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), compté dans le groupe « Autres » (43 sièges).

La mise en place des nouvelles institutions et des top jobs, les plus hauts postes institutionnels de l’UE, reste aussi suspendue aux résultats des législatives en France, suite à la dissolution d’Emmanuel Macron. La dynamique européenne, historiquement portée par la France, pourrait alors changer de cap en cas de cohabitation avec le RN de Jordan Bardella.

En fonction des résultats, la nouvelle majorité, autour du PPE et l’actuelle présidente de la Commission Ursula von der Leyen, pourrait connaître une inflexion à droite, notamment sur le Pacte vert, pesant par trop de réglementations sur la compétitivité européenne, et sur le Pacte migratoire, à l’origine d’une crise culturelle et sécuritaire en Europe, jugé trop accueillant. Le président du RN a déjà assuré qu’en cas de victoire aux législatives, il négocierait une dérogation sur le marché européen de l’électricité, qui impose à la France des prix élevés alors que l’Hexagone produit une électricité bon marché.

Ursula von der Leyen favorite désignée à sa reconduction

Ursula von der Leyen, candidate du PPE, pourrait se succéder à elle-même à la tête de la Commission européenne. La désignation de l’Allemande de 65 ans, issue de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), n’est toutefois pas automatique : elle a besoin de recueillir une « majorité qualifiée » d’au moins 15 pays, représentant 65 % de la population européenne, et être adoubée par une majorité absolue de 361 eurodéputés nouvellement élus au Parlement européen. En 2019, elle avait été élue de justesse, avec 9 voix d’avance.

Le soutien d’Emmanuel Macron, dans le camp des centristes et libéraux, ainsi que du chancelier allemand Olaf Scholz, issu de la famille des sociaux-démocrates, est crucial. Mais les deux hommes sortent affaiblis des élections européennes, leurs partis ayant enregistré une déroute face à la droite nationaliste.

À l’inverse, renforcée par le scrutin, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, pourrait avoir intérêt à ne pas se prononcer trop tôt sur les top jobs et à attendre d’y voir plus clair sur la constitution des groupes au Parlement européen afin de négocier des postes pour sa famille politique. Son groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) a obtenu 83 sièges, le faisant passer devant le groupe Renew Europe, mené par Valérie Hayer.

Parmi les autres postes importants en discussion, la présidence du Conseil européen — chargé d’organiser et de diriger les sommets des dirigeants des pays membres — que va quitter le Belge Charles Michel et pour lequel l’ancien Premier ministre portugais Antonio Costa est pressenti ; le poste de Haut représentant pour les affaires étrangères, occupé jusqu’à présent par le socialiste espagnol Josep Borrell et auquel pourrait prétendre la Première ministre estonienne Kaja Kallas (Renew), grande détractrice du Kremlin ; et la présidence du Parlement européen, occupée par la Maltaise Roberta Metsola (PPE) qui devrait être reconduite à son poste.

L’Italie de Meloni temporise et demande au moins une vice-présidence

De son côté, l’Italie réclame « au minimum » une vice-présidence de la Commission européenne, a indiqué le 24 juin le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani, alors que le groupe ECR est devenu la troisième force au Parlement européen devant Renew.

« Je crois que l’Italie ne peut pas ne pas avoir un poste de vice-président de la Commission et ne pas avoir un commissaire avec un portefeuille important, c’est le minimum auquel notre pays peut prétendre », a déclaré Antonio Tajani devant la presse, à son arrivée à la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept.

« Nous voulons avoir une vice-présidence, un commissaire fort pour avoir une bonne politique européenne en faveur de l’industrie et de l’agriculture, bien sûr engagée sur le changement climatique, mais pas d’une façon fondamentaliste », a-t-il expliqué.

Une première discussion sur les top jobs a eu lieu entre les dirigeants des Vingt-Sept le 17 juin à Bruxelles. Aucun accord n’avait été trouvé et l’Italie avait manifesté son agacement après avoir été tenue à l’écart de ces négociations, en dépit des bons résultats obtenus aux élections. Une situation « surréaliste » avait dénoncé Giorgia Meloni rappelant la poussée des droites nationalistes, à la suite du 9 juin.

La Première ministre italienne demande d’ailleurs d’attendre le résultat des législatives en France pour définir les nouveaux équilibres de l’Union européenne à l’issue des élections — la possible accession du RN au gouvernement venant rebattre les cartes des équilibres diplomatiques au sein de l’Europe.

Viktor Orban prend la présidence de l’UE le 1er juillet

En pleines tractations sur les nominations européennes, la Hongrie de Viktor Orban prend à partir du 1er juillet la présidence de l’Union européenne pour six mois. Le chef du gouvernement hongrois, lors d’une rencontre le 24 juin avec la cheffe du gouvernement italien, a mis en garde contre un partage des « postes européens importants » entre le PPE, les socialistes et Renew d’Emmanuel Macron, alors que ces derniers ont été dépassés par le camp de Meloni.

Lors de leur rencontre, Giorgia Meloni a déclaré partager les vues du dirigeant nationaliste hongrois sur les questions de l’immigration ou encore sur la politique agricole de l’UE, mais a rappelé les divergences entre les deux pays sur la guerre en Ukraine, rappelant son « soutien, qui ne se discute pas, à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale » de ce pays.

Emmanuel Macron reçoit le Premier ministre hongrois le 26 juin mais les deux hommes ne sont pas en odeur de sainteté après s’être souvent opposés, entre le libéral-progressisme de Macron et le libéral-conservatisme du président hongrois. Viktor Orban est d’ailleurs un allié du RN, en tête dans les sondages pour les élections législatives anticipées.

« Cette visite intervient dans le cadre de la traditionnelle tournée européenne de la future présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, qui sera exercée par la Hongrie du 1er juillet au 31 décembre 2024 », a annoncé l’Élysée.

Affaibli au niveau européen après la victoire du RN aux élections européennes et la dissolution, Emmanuel Macron devrait rappeler au Premier ministre hongrois « l’enjeu du soutien à l’Ukraine et l’importance de renforcer l’agenda de souveraineté européenne, en particulier l’appui à l’industrie européenne de défense », selon ses services.

Le dirigeant hongrois est l’un des plus réservés des 27 pays européens sur l’aide à Kiev et l’un des plus proches des régimes russes et chinois.

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