Les réseaux de blanchiment d’argent en Europe

Par Ludovic Genin
6 août 2024 10:55 Mis à jour: 6 août 2024 21:37

Les réseaux du narcobanditisme et de la grande criminalité génèrent chaque année plusieurs milliards d’euros de chiffres d’affaires en France et plus d’une centaine de milliards d’euros au niveau européen. Ces trafiquants confient leur argent issu de trafics à des intermédiaires qui vont l’acheminer vers des entreprises complices pour le blanchir. L’argent blanchi, devenu intraçable, permet de faire prospérer ces grands réseaux criminels et participe également au financement du terrorisme sur le territoire.

Pour lutter contre ce blanchiment d’argent, plusieurs initiatives ont été mises en place au niveau européen, avec quelques coups de filet, même s’il reste encore beaucoup à faire.

Un réseau de blanchiment européen organisé par des ressortissants chinois

Les polices espagnole et française ont annoncé début juillet le démantèlement d’un réseau international composé de ressortissants chinois capable de blanchir un million d’euros par jour dans toute l’Europe, et l’arrestation en Espagne de cinq personnes, dont le chef de ce réseau.

L’enquête, menée par l’Office national anti-fraude français et la police espagnole avec le soutien d’Europol, avait débuté après la découverte en février 2021 près de Perpignan par des douaniers français de plus de 500.000 euros dissimulés dans une cache à l’intérieur d’un véhicule.

Sous l’autorité d’un magistrat de la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, cette découverte a permis « de révéler l’existence d’une organisation spécialisée dans le blanchiment d’argent agissant à travers l’ensemble des États membres de l’Union européenne depuis au moins 2019 », précise un communiqué commun publié en France.

Ce réseau, composé de ressortissants chinois résidant dans plusieurs pays européens, pouvait transporter en contrebande à travers l’Europe plus d’un million d’euros par jour en liquide.

« Le mode opératoire reposait sur l’existence de nombreux points de collecte de fonds provenant notamment du trafic de contrefaçons, de fraudes fiscales et douanières et du proxénétisme. Cette collecte était ensuite confiée à un réseau de logisticiens » qui organisaient les « voyages des complices chargés de transporter les sommes à travers l’Europe », selon la même source.

Ces transferts d’argent étaient organisés par la route ou par les airs, souligne un autre communiqué commun, publié en Espagne.

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Un réseau de blanchiment dans les communautés pakistanaises et afghanes

Un autre exemple de blanchiment d’argent aggravé a été révélé entre la Belgique et la France. Six personnes ont été inculpées fin juin à Paris pour blanchiment en bande organisée, pour des transactions internationales qui atteindraient 30 millions d’euros sur la seule année 2023, selon des sources proches du dossier.

Les investigations ont permis « d’estimer le volume des transactions à au moins 15 millions d’euros en 2023, potentiellement le double », a confirmé le parquet de Paris.

« C’est énorme comme montant, sachant que le mis en cause principal est soupçonné de sévir depuis trois ans, ce qui reviendrait à 100 millions d’euros de transactions », a souligné l’une des sources proches du dossier.

La police judiciaire de Versailles, près de Paris, avait ouvert en septembre 2023 une enquête sur un « réseau organisé de blanchiment aggravé dans les communautés pakistanaises et afghanes, soupçonné de récolter des fonds sur l’ensemble du territoire national puis de les redistribuer en France et à l’étranger », selon le parquet.

Selon une source proche du dossier, l’argent récolté émanait notamment de trafic de drogues, tandis que les sociétés écrans étaient principalement dans le secteur du bâtiment. Des personnes étaient également chargées de lever des fonds en Belgique, selon cette source.

« Les espèces, d’abord stockées dans des appartements, étaient ensuite blanchies par des sociétés éphémères, tenues par des gérants de paille », selon le parquet.

« De fausses factures étaient établies, pour échanger des espèces contre des virements bancaires des clients (ayant, eux, besoin de cash non déclaré) », poursuit le ministère public.

« À l’aide de ces fonds bancaires, de nouveaux virements étaient ensuite émis vers l’étranger, en contrepartie de factures de donneurs d’ordre iraniens, afghans, ou autres », ajoute-t-on de même source.

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Francfort choisie pour abriter le siège de l’agence antiblanchiment de l’UE

Face à ces réseaux organisés de blanchiment d’argent, l’UE tente de s’organiser. Le Parlement européen et les États membres ont désigné en février Francfort comme ville qui accueillera la future agence de l’Union européenne contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, un siège qui était aussi convoité par la France.

Cette nouvelle entité, désignée sous son acronyme anglophone AMLA (« Anti-money laundering authority »), sera chargée de superviser et de coordonner les autorités nationales afin de mieux détecter et combattre les activités financières douteuses transfrontalières.

« L’AMLA jouera un rôle clé dans la lutte contre les activités financières illicites dans l’UE. Avec plus de 400 collaborateurs, elle débutera ses opérations mi-2025 », a déclaré la Belgique, qui assurait la présidence tournante de l’UE, en annonçant sa décision.

La Banque centrale européenne, également située à Francfort, a salué une « étape importante » et s’est dite prête à « travailler en étroite collaboration avec AMLA pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme à travers l’Europe », selon un porte-parole.

Dotée de pouvoirs de surveillance et de sanctions afin d’assurer le respect des règles financières européennes, l’AMLA supervisera directement une quarantaine d’établissements de crédit et institutions financières jugés les plus à risque, y compris des fournisseurs de services de crypto-actifs.

Mieux réprimer les transactions illicites doit par exemple contribuer à rendre plus difficile le financement d’attentats en Europe.

La nouvelle agence européenne jouera également un rôle crucial pour éviter le contournement des sanctions financières, comme celles prises à l’encontre de la Russie.

Les activités financières suspectes pèsent environ 1 % du produit intérieur brut de l’UE, soit quelque 130 milliards d’euros, selon l’agence européenne de police Europol.

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