Les révélations de Gérald Darmanin sur l’ampleur du narcotrafic en France

"La drogue vient se substituer aux règles morales, familiales et aux règles de l'État"

Par Ludovic Genin
11 avril 2024 13:28 Mis à jour: 25 avril 2024 16:15

La bataille contre le narcotrafic demeure une préoccupation majeure pour la sécurité nationale en France. Lors d’une récente audition devant la commission d’enquête sénatoriale, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a exposé en détail les défis, les stratégies et les enjeux de cette lutte contre la drogue.

Le mercredi 10 avril, le cycle d’auditions de la commission d’enquête sénatoriale sur les narcotrafics s’est clôturé avec l’intervention du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Ce fut l’occasion pour le ministre de faire le point sur les opérations « Place Nette XXL », lancées en mars dernier à la suite d’une visite surprise du président Emmanuel Macron à Marseille. Leur objectif ? Combattre les trafics de drogue dans les quartiers difficiles à travers une mobilisation exceptionnelle des forces de l’ordre, une multiplication des interpellations et des actions ciblées contre les trafiquants.

Le dispositif  « Place Nette XXL »

Selon Gérald Darmanin, ces opérations ont permis la saisie de 3,6 tonnes de cannabis, de 13 millions d’euros d’avoirs, ainsi que plus de 1000 armes. Le ministre a souligné l’importance de ces actions dans une perspective de « guerre psychologique », affirmant que seulement 2 % des policiers étaient jusque-là engagés dans la lutte contre la drogue à son arrivée.

« On pourrait dire que le terrorisme est notre menace principale, bien sûr nous le combattons avec force, mais il fait moins de morts que la drogue », a expliqué Gérald Darmanin devant le Sénat. « La drogue est la plus grande menace sécuritaire que notre pays connaît » a-t-il ajouté.

Toutefois, une question persiste : ces opérations parviennent-elles à déstabiliser des réseaux internationaux, souvent pilotés par des mafieux agissant depuis l’étranger ? La commission d’enquête s’est penchée sur cette problématique, soulignant la complexité de ces réseaux et de leurs moyens financiers, parfois comparables à ceux des États.

Pour Jérôme Durain, président de la commission d’enquête, la question cruciale est de savoir si ces actions touchent véritablement les têtes des réseaux ou simplement leurs exécutants sur le terrain. Répondant à ces interrogations, Gérald Darmanin a affirmé que l’objectif stratégique est de limiter la puissance des organisations criminelles en coupant leurs tentacules et, idéalement, en s’en prenant à la tête des réseaux.

Le ministre a illustré ses propos en évoquant le cas emblématique de la Castellane à Marseille, soulignant comment une présence policière continue a permis de casser le modèle économique des trafiquants, conduisant à la disparition des points de deal dans cette zone.

Cependant, Gérald Darmanin reconnaît que la lutte contre les trafics de drogue est un combat permanent. Il a aussi affirmé que cette bataille ne sera jamais terminée, même pendant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, où un dispositif sans précédent sera déployé pour assurer la sécurité.

L’ampleur du narcotrafic en France

Une caractéristique du trafic de drogue en France est sa nature à la fois communautaire et territoriale. Les trafiquants appartiennent souvent à des communautés spécifiques et exploitent des territoires délimités pour leurs activités. Le ministre de l’intérieur a décrit le narcotrafic comme « un savant mélange de communautés et de territoires » en citant quelques exemples: « Les Nigérians à Marseille sont spécialisés dans l’héroïne et la cocaïne, les communautés albanaises dans l’héroïne, une partie des Sénégalais dans le crack à Paris » a énuméré le ministre.

L’efficacité de ces réseaux criminels réside dans leur capacité à segmenter les tâches, impliquant des individus spécialisés dans des domaines tels que la comptabilité, la logistique et même l’exécution de crimes. Cette division du travail rend la tâche des autorités d’autant plus difficile lorsqu’il s’agit de démanteler ces organisations. Cette organisation est comparée à celle d’une multinationale, avec des filiales et une hiérarchie souvent mondialisée.

La lutte contre le trafic de drogue en France repose sur plusieurs piliers, notamment une coopération internationale renforcée, des opérations de renseignement criminel et des efforts pour perturber les modèles économiques des organisations criminelles. Les opérations de grande envergure telles que « Place Nette » visent à rétablir l’ordre public et à déstructurer les réseaux de trafic de drogue, bien que leur efficacité à long terme soit en question.

Le ministre a également mis en avant le lien étroit entre le narcotrafic et d’autres formes de criminalité, telles que les violences urbaines, les cambriolages et le blanchiment d’argent. Il a souligné que la drogue est souvent le moteur financier derrière ces activités, créant ainsi un cercle vicieux de criminalité. Le ministre met aussi en lumière le lien entre le trafic de drogue et la corruption, soulignant comment les profits de la drogue sont utilisés pour corrompre des fonctionnaires et des membres de la société civile, ce qui affaiblit les institutions et compromet la sécurité publique.

L’impératif d’une « approche interministérielle XXL »

L’une des principales préoccupations exprimées lors de la commission était le besoin urgent de renforcer la coordination entre les différents acteurs impliqués dans la lutte contre le trafic de drogue. Les intervenants ont souligné l’importance d’une approche interministérielle XXL, impliquant non seulement les forces de l’ordre, mais aussi les services fiscaux, les organismes de santé, et d’autres acteurs clés.

Le ministre de l’Intérieur a admis que malgré les progrès réalisés, des silos persistaient encore au sein des différents services. Il a souligné la nécessité pour chaque ministère de mettre en place des mécanismes efficaces de partage d’informations et de collaboration, afin de mieux coordonner les efforts de lutte contre le trafic de drogue.

Un autre point crucial abordé lors de la commission était la nécessité de renforcer les capacités de renseignement criminel dans la lutte contre le trafic de drogue. Le ministre de l’Intérieur a souligné que la plupart des opérations de lutte contre le terrorisme bénéficiaient d’une forte composante de renseignement, tandis que la lutte contre le trafic de drogue était souvent dominée par des enquêtes judiciaires.

Le ministre a plaidé en faveur d’un rééquilibrage de cette approche, en mettant davantage l’accent sur le renseignement criminel pour identifier et démanteler les réseaux de trafic de drogue, en soulignant l’importance d’investir dans de nouvelles technologies.

La légalisation du cannabis, une fausse bonne idée

Le ministre de l’Intérieur a exprimé son opposition à la légalisation du cannabis, arguant que cela ne résoudrait pas les problèmes liés à la criminalité et à la santé publique. Selon lui, la légalisation ne remplacerait pas le marché illégal et pourrait même augmenter la consommation de drogues plus dures.

Ne serait-ce que pour le cannabis, le taux de THC du cannabis « légal » sera relativement bas et le produit sera taxé par l’État, donc plus cher. Cela poussera donc les producteurs et les revendeurs à vendre un cannabis moins cher (ils n’auront pas les taxes qu’aurait le cannabis « légal ») et avec un niveau de THC beaucoup plus élevé, ce qui développera à la fois la consommation avec des produits moins chers et une addiction plus forte à cause du taux de THC plus élevé. La légalisation pourrait également conduire à l’importation de nouveaux produits illicites plus forts comme les drogues de synthèse – le ministre citant le Fentanyl, devenu première cause de mortalité aux États-Unis.

Un autre argument avancé par Darmanin est que la légalisation du cannabis pourrait augmenter le nombre de consommateurs, comme cela a été observé dans d’autres pays ayant adopté une approche similaire. Il a souligné le paradoxe d’autoriser un produit nocif pour la santé tout en encourageant la lutte contre d’autres substances, telles que le tabac. Selon lui, il faut aussi penser à l’impact que cela aurait sur l’autorité parentale, car la légalisation du cannabis pourrait être perçue comme un défi à l’autorité des parents qui essaient d’élever leurs enfants dans un environnement sain.

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