« Les Soulèvements de la Terre » (SLT) font beaucoup parler d’eux. Opposé au progrès technique et à l’agro-industrie, ce collectif assume des modes d’action violentes au nom de la lutte écologiste : vandalisme d’une cimenterie Lafarge à Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône), destruction de cultures et de serres expérimentales à Saint-Philbert de Grand Lieu (Loire-Atlantique), sabotage des pompes qui alimentent les réservoirs d’eau des méga-bassines de Sainte-Soline (Deux-Sèvres)… L’objectif affiché est de « démanteler les infrastructures polluantes ». Qui sont-ils réellement ? Comment sont-ils financés ? Leurs actions sont-elles en adéquation avec leur volonté de préserver l’environnement ?
Une organisation nébuleuse aux financements opaques
Les Soulèvements de la Terre est un collectif associatif fondé en janvier 2021 par d’anciens membres de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, qui rassemble des activistes et des personnalités de tous horizons : chercheurs en sciences sociales, écrivains, représentants politiques, organisations comme la Confédération paysanne, Attac, EELV, etc. Il réunit plusieurs figures médiatiques comme Basile Dutertre, leur porte-parole, paysan de la ZAD de Notre-Dame des Landes ; Julien Le Guet, batelier et fondateur du collectif « Bassines non merci » en 2017 avant d’en devenir le porte-parole ; ou encore Léna Lazare, activiste écologiste, membre de « Youth for climate » et cofondatrice du mouvement « Désobéissance écolo » en 2018.
N’étant pas une association au sens de la loi de 1901, les SLT ne sont ni déclarés en préfecture, ni immatriculés au répertoire Sirene. Ils ne peuvent théoriquement pas recevoir de subventions, ni ouvrir un compte bancaire. Selon une note du service central du renseignement territorial Les Soulèvements de la Terre, vecteur de radicalité des luttes écologistes, le collectif reçoit des milliers d’euros chaque mois sous forme de donations sur la plateforme HelloAsso, et il aide financièrement les associations aux idées proches des siennes. Il lance aussi, sur son site, des caisses de soutien : après la manifestation de Sainte-Soline par exemple, une campagne de dons aurait permis de récolter 54.000 euros pour compenser les pertes de salaires, les frais de déplacements de personnel médical, les frais d’avocat ou les frais médicaux non remboursés par la Sécurité sociale des manifestants blessés.
L’absence de déclaration légale rend difficile la recherche d’informations sur le financement des Soulèvements de la Terre, mais il y a des pistes. Leur dernière tribune compte, parmi ses signataires, plusieurs organisations écologistes comme les Amis de la Terre, le mouvement des Coquelicots, WWOOF France, SEPANSO, ainsi que la fondation Danielle Mitterrand. Historiquement engagée sur les questions relatives à l’eau, cette dernière fait état, dans son rapport d’activité 2021, d’un soutien financier au pôle communication des SLT pour leur campagne de mobilisation menée de septembre 2021 à mars 2022.
Des revendications sans fondement scientifique
Trois actions méritent d’être analysées. Le 10 décembre, le collectif est entré par effraction sur le site de l’usine Lafarge de La Malle, spécialisée dans la fabrication de ciment. Il a détruit des engins de chantier et dégradé un incinérateur, des palettes de ciment et des vitrines de bureaux. Il accuse l’usine d’émettre des centaines de milliers de tonnes de CO2 par an. Or, elle recycle des déchets de bois issus de chantiers et d’autres combustibles pour produire du ciment. Elle investit aussi dans la production de matériaux de construction bas carbone, comme le ciment à base d’argile, pour réduire l’empreinte carbone jusqu’à 50%. Les SLT se sont donc attaqué à une entreprise qui œuvre activement pour réduire les émissions de CO2 dans le secteur du BTP (bâtiment et travaux publics). Ont-ils seulement réfléchi à l’impact écologique des dégâts commis sur les installations, les bâtiments et les véhicules, dont les estimations varient de cinq à six millions d’euros ?
De la même manière, la position du collectif sur les méga-bassines ne brille pas par sa cohérence d’un point de vue défense de l’environnement. Le 25 mars à Sainte-Soline, malgré l’interdiction de la préfecture, plusieurs milliers de personnes ont manifesté contre la construction d’un réservoir de plusieurs hectares dédié à l’irrigation de champs. Ce que les SLT perçoivent comme la « privatisation d’une ressource rare » au profit d’une « agriculture productiviste » repose pourtant sur un principe simple : les réserves de substitution stockent l’eau, notamment en hiver quand les intempéries sont abondantes, pour éviter qu’elle ne s’échappe et ainsi l’utiliser plus tard lorsque les précipitations se font plus rares. L’argument sur le « pompage hivernal malgré des nappes qui peinent à se recharger » ne repose sur aucun élément factuel : le pompage des nappes superficielles en hiver n’a lieu que lorsqu’elles sont en débordement, comme l’explique Denis Mousseau, président de la FNSEA des Deux-Sèvres. Ces réserves profitent à des éleveurs et à des agriculteurs regroupés au sein de la Coopérative de l’eau, une entreprise qui vise à sécuriser l’approvisionnement des agriculteurs irrigants.
Autre exemple en date : le 11 juin à Saint-Philbert de Grand Lieu, les SLT ont détruit une serre expérimentale de salade et de muguet et des tuyaux d’irrigation gérés par la Fédération des maraîchers nantais, un syndicat d’environ 200 entreprises. Ils dénoncent l’extraction de tonnes de sable nécessaires pour ces cultures, l’artificialisation des sols par des bâches plastiques et des serres chauffées, ainsi qu’une consommation d’eau dont les habitants des communes seraient privés. Pour Emmanuel Torlasco, directeur général de la Fédération, ces essais visent justement à cultiver une nouvelle variété de salades avec moins d’eau et de produits phytosanitaires. Les destructions n’ont pas manqué de faire réagir des personnalités publiques influentes comme Serge Zaka, agroclimatologue, ou Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, membre du GIEC et soutien au mouvement, mais pour qui ces destructions sont difficilement compréhensibles. Là encore, les SLT ont-ils mesuré les conséquences écologiques de la destruction de 3000 m2 de nourriture et de réserves d’eau ?
Dissolution du collectif : quelles conséquences ?
Selon la note du service central du renseignement territorial citée plus haut, les SLT s’inspirent des modes opératoires des black blocs par leur « rassemblement éphémère, anonyme, et décentralisé d’individus organisés pour attaquer, souvent avec violence, les symboles de l’État et du capitalisme, pouvant conduire à des affrontements avec les forces de l’ordre. » Une dissolution par le ministère de l’Intérieur était évoquée dès décembre 2022 dans un article du Parisien, mais des difficultés d’ordre juridique l’ont retardée jusqu’au 21 juin dernier.
Une question persiste toutefois : peut-on vraiment dissoudre les SLT ? Comme nous l’avons vu, les SLT sont un collectif, pas une association à proprement parler. Cependant, l’article L212-1 du Code de la sécurité intérieure prévoit la dissolution des groupements de faits en cas « d’agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ». En pratique, cela veut dire que toute revendication d’une appartenance au mouvement et toute utilisation de l’identité visuelle des SLT (site-web, manifestation, collecte de dons) pourrait faire l’objet de poursuites. Le code pénal punit à ce titre de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende toute participation « au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée, d’une association ou d’un groupement dissous ». Pour déterminer la responsabilité pénale du collectif, il serait donc nécessaire d’interpeller les organisateurs et tous ceux qui ont commis des infractions dans le cadre du mouvement. Ce n’est plus qu’une question de temps.
Article écrit par Élodie Messéant. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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