« Vendredi noir » en vue dans les cabinets : les médecins libéraux sont appelés à la grève reconductible vendredi par tous leurs syndicats représentatifs, avant de nouvelles négociations tarifaires et l’examen au Sénat d’une proposition de loi qui exaspère bon nombre de praticiens.
La médecine libérale « va s’arrêter pour donner un signal fort aux pouvoirs publics. Indiscutablement c’est un vendredi noir et il sera reconductible », avait résumé mardi, lors d’une conférence de presse, le président du Bloc (syndicat des chirurgiens) Philippe Cuq, désigné porte-parole d’une toute nouvelle « intersyndicale », qui réunit 12 organisations représentatives de médecins ou jeunes médecins.
« Toutes les activités de consultation, d’actes techniques, sont déprogrammées. Toutes les urgences seront transférées à l’hôpital public » et les gardes « arrêtées », a-t-il poursuivi, précisant toutefois que les « urgences vitales » seraient « prises en charge ».
Il est difficile de prévoir combien de patients trouveront porte close. Mais les syndicats espèrent une mobilisation importante, pour bien démontrer à tous qu’en l’absence des libéraux, le système de soins ne fonctionne pas. « La mobilisation sera très largement au-delà des seuls médecins syndiqués », qui représentent « environ 10% » du nombre total de médecins libéraux, a assuré M. Cuq, qui n’avait « jamais vu » une telle unité syndicale, officielle.
Revalorisation insuffisante
Selon les chiffres de l’Ordre des médecins, il existe environ 82.000 médecins libéraux en France, auxquels viennent s’ajouter 20.136 médecins qui ont une activité mixte, libérale et salariée. Les praticiens libéraux réalisent autour de deux millions de consultations quotidiennes, selon l’intersyndicale.
La grève doit préparer le terrain avant une prochaine nouvelle négociation tarifaire avec la Sécurité sociale. L’échec l’an dernier d’une première tentative de négociation avait conduit à une revalorisation a minima de 1,50 euro de la consultation de base (26,50 euros pour le généraliste), qui entrera en vigueur le 1er novembre.
Tout le monde, gouvernement compris, juge insuffisante cette revalorisation. La dernière datait de 2017. Mais le gouvernement ne veut pas lâcher plus sans obtenir des médecins de nouveaux engagements servant ses objectifs, comme aider les Français à trouver un médecin, ou limiter la hausse de la consommation des médicaments.
« Je crois au dialogue conventionnel et il va se renouer très rapidement », a indiqué M. Rousseau dans une déclaration mercredi à l’AFP. « Je signerai dans les prochains jours la lettre de cadrage » qui permettra à l’Assurance maladie de lancer les discussions. Côté syndical, les organisations ne sont pas toutes d’accord sur l’objectif de revalorisation, qui va de 30 euros pour le modéré MG France à 50 euros pour d’autres syndicats comme l’UFML.
Malaise profond
Tous convergent, en revanche, pour évoquer le malaise profond des praticiens libéraux. Ceux-ci voient petit à petit se réduire leurs effectifs, et craignent que faute de moyens, la pratique libérale continue à reculer au profit de l’exercice salarié.
Selon l’Ordre des médecins, l’effectif des médecins à statut exclusivement libéral a baissé de 11,8% depuis 2010, alors que l’effectif des médecins salariés a augmenté de 13,4% sur la même période. Environ 48,2% des médecins aujourd’hui sont salariés, contre 41,5% de libéraux exclusifs.
« Il faut arrêter de dégoûter les jeunes de s’installer », plaide Mélanie Rica-Henry, présidente du collectif Médecins Pour Demain, membre de l’intersyndicale. Cette trentenaire dénonce notamment la montée en puissance du travail administratif, qui désespère les soignants. « Il faut que nous puissions déléguer l’administratif pour faire du soin », martèle-t-elle.
Si les médecins réclament une revalorisation de leur consultation, « ce n’est pas pour augmenter ce qu’on gagne, c’est pour pouvoir embaucher », notamment des assistants médicaux ou infirmiers, et se concentrer sur les tâches proprement médicales, indique le docteur Patrick Gasser, président d’Avenir Spé-Le Bloc, un syndicat de médecins spécialistes.
La colère se cristallise aussi autour de la proposition de loi Valletoux sur « l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels ». Ce texte « chiffon rouge » pour bon nombre de praticiens vise à imposer aux médecins libéraux une forme de responsabilité territoriale. Elle prévoit notamment que les cliniques privées, et leurs soignants, devront davantage participer aux permanences de nuit et de week-end, pour soulager la charge des hôpitaux publics.
Mais cette disposition exaspère beaucoup de médecins spécialistes : souvent affiliés à une clinique privée, ils redoutent d’être mobilisés pour assurer des gardes, voire d’être forcés d’aller en assurer à l’hôpital public.
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