Les tarifs douaniers imposés par Trump à la Chine visent à remédier à des décennies de pratiques commerciales déloyales et de menaces pour la sécurité nationale

Bien qu'elle ait adhéré à l'OMC en 2001, la Chine n'est pas devenue l'économie de marché à part entière que l’Amérique espérait

Par Emel Akan et Andrew Moran
7 avril 2025 15:57 Mis à jour: 7 avril 2025 23:00

Dans le cadre d’une réorientation majeure de la politique commerciale des États-Unis, Donald Trump a fortement augmenté les droits de douane sur les produits chinois, ce qui, selon lui, permettra de relancer l’industrie manufacturière nationale et de corriger des décennies de déséquilibre commercial entre les deux plus grandes économies de la planète.

Lors de l’événement « Make America Wealthy Again » (Rendre à l’Amérique sa richesse) organisé le 2 avril dans la roseraie de la Maison-Blanche, le président américain a dévoilé les grandes lignes de son projet de droits de douane globaux, y compris un prélèvement de « tarif réciproque » supplémentaire de 34 % à l’encontre de Pékin. Le président a évoqué la manipulation de la monnaie chinoise pratiquée par Pékin ainsi que d’autres barrières commerciales non monétaires.

Cette décision porte à 54 % le total des droits de douane imposés à la Chine, y compris les prélèvements de 20 % précédemment imposés pour faire pression sur son gouvernement afin qu’il réduise le flux vers les États-Unis de fentanyl – la drogue dont le décès par overdose est la première cause de mortalité chez les Américains entre 18 et 45 ans.

Cette décision aura un impact sur les quelque 600 milliards de dollars d’échanges commerciaux annuels sino-américains et rapprochera les droits de douane sur la quasi-totalité des produits chinois du taux de 60 % que M. Trump avait promis pendant sa campagne électorale. Le locataire de la Maison-Blanche a indiqué que les États-Unis exerçaient une influence sur d’autres pays, y compris sur la Chine, en raison de leur statut de marché de consommation le plus important et le plus riche du monde.

La Chine a rapidement riposté en annonçant qu’à partir du 10 avril, elle imposerait des droits de douane de 34 % sur les importations de tous les produits américains. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’un ensemble plus large de mesures de rétorsion, notamment le renforcement des contrôles à l’exportation de diverses terres rares et l’inscription d’entreprises américaines sur la « liste des entités non fiables » du gouvernement chinois.

Pékin a également déposé une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

En réponse, Donald Trump a déclaré que le régime chinois avait « mal joué ».

« Ils ont paniqué – la seule chose qu’ils ne peuvent pas se permettre de faire », a-t-il écrit sur la plateforme de médias sociaux Truth Social.

En Amérique, certains législateurs républicains ont exprimé des inquiétudes quant à l’impact économique des nouveaux droits de douane – et ce, en espérant toujours que l’approche de Trump permettra de résoudre les problèmes avec la Chine et d’encourager d’autres partenaires des États-Unis à réduire leurs barrières commerciales.

Le sénateur républicain Ted Cruz a indiqué à Epoch Times qu’il avait exhorté le président à se concentrer sur la Chine et sur la réciprocité dans les échanges commerciaux mondiaux.

« Je pense que tous les efforts que nous pouvons déployer pour dissocier notre économie de la Chine sont bénéfiques, tant pour la sécurité nationale que pour la sécurité économique des États-Unis », a-t-il indiqué.

M. Cruz espère que, face à l’imposition des droits de douane réciproques, les partenaires commerciaux des États-Unis « réduiront considérablement les droits de douane qu’ils appliquent aux produits américains ». Bien qu’il faille du temps pour déterminer la réaction des autres pays, toute diminution potentielle des droits de douane « serait un résultat formidable ».

« Si le résultat est une augmentation des tarifs dans le monde entier, ce serait un résultat terrible », a-t-il ajouté.

Un porte-conteneurs de la société chinoise Cosco Shipping, le plus gros armateur mondial, est accosté dans le port de Long Beach, en Californie, le 3 avril 2025. (Tama/Getty Images)

De son côté, le sénateur démocrate Mark Kelly pense que les droits de douane imposés à la Chine devraient être plus ciblés. Selon lui, imposer des tarifs douaniers de 54 % sur tous les produits chinois n’est pas une approche raisonnable.

« Je pense que des tarifs ciblés sur des industries spécifiques et visant à atteindre des objectifs spécifiques ont du sens », a-t-il déclaré à Epoch Times.

Le sénateur a ajouté que la politique tarifaire de Donald Trump est « une attaque contre le contribuable, le consommateur et les familles américaines comme nous n’en avons pas vu depuis les années 1930 ».

Les pratiques qui faussent les échanges commerciaux

Depuis « l’ouverture » de l’Occident à la Chine au début des années 1970, l’État-parti chinois a utilisé l’idéologie du libre échange et du mondialisme, ainsi que son accès facile aux formes multilatérales de gouvernance pour accroître de manière rapide son influence mondiale, souvent au détriment des économies locales d’autres nations. À l’époque, l’Amérique et ses alliés espéraient que, grâce au développement de l’économie de marché, la Chine achèverait la transformation de son système totalitaire et deviendrait un pays libre et démocratique. Dans le même temps, ils ont essayé de détacher la Chine de l’Union soviétique et d’affaiblir ainsi la puissance du camp socialiste totalitaire.

En particulier, la Chine a énormément profité de son adhésion, soutenue par l’Amérique, à l’Organisation mondiale du commerce en 2001 en affirmant être un « pays en développement » – un statut qui permet à cette superpuissance économique et militaire d’aujourd’hui de bénéficier des avantages au sein de l’OMC.

Ayant profité des investissements massifs et de la technologie occidentale, le pays a toutefois préservé son régime totalitaire qui, au fil du temps, a commencé à devenir de plus en plus dictatorial. De plus, le renforcement de la Chine a été suivi d’une amélioration progressive de ses relations avec la Russie – l’héritière de l’Union soviétique – qui ont finalement évolué vers le « partenariat sans limites » proclamé en 2022.

Entretemps, l’adhésion à l’OMC n’a pas empêché au Parti communiste chinois de recourir largement aux pratiques qui faussent les échanges commerciaux, telles que les subventions d’État massives, le vol de propriété intellectuelle, la manipulation de la monnaie, la compression salariale, les violations des droits du travail, l’exploitation du travail forcé, etc. – les pratiques qui ont entraîné la fermeture de nombreuses entreprises occidentales et la perte de millions d’emplois aux États-Unis et dans d’autres pays.

En Amérique, le besoin de s’attaquer aux pratiques commerciales déloyales de la Chine fait l’objet d’un consensus des législateurs du Parti républicain ainsi que du Parti démocrate.

Avant les élections présidentielles de novembre dernier, Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président démocrate Joe Biden, a défendu les droits de douane imposés contre la Chine.

« Les efforts précédents visant à élaborer une politique destinée à changer la Chine n’ont pas réussi », a-t-il constaté le 24 octobre dernier.

Par conséquent, a-t-il ajouté, les États-Unis devraient adopter un nouvel ensemble de stratégies basées sur les réalités géopolitiques et économiques.

Au cours de son premier mandat, Donald Trump a imposé des droits de douane sur plus de 300 milliards de dollars de produits chinois en réponse à diverses pratiques commerciales déloyales, notamment le vol de propriété intellectuelle.

L’administration Biden a maintenu ces droits de douane et a annoncé des tarifs supplémentaires sur des produits tels que les voitures électriques, les panneaux solaires, les équipements médicaux, les batteries lithium-ion, l’acier et l’aluminium.

Les deux administrations ont utilisé les tarifs douaniers en essayant d’établir des conditions de concurrence équitables pour les fabricants et les travailleurs américains.

Nick Iacovella, vice-président de la Coalition for a Prosperous America, une organisation qui représente les fabricants et les travailleurs nationaux, a soutenu que les nouveaux tarifs douaniers de Trump visent à remédier à des décennies de désindustrialisation des États-Unis.

« Il est énormément important que ces droits de douane restent en place », a-t-il souligné à Epoch Times.

Pendant des décennies, il y a eu une déconnexion entre les intérêts du monde de la finance et de la classe moyenne américaine, a-t-il poursuivi, commentant la récente réaction de Wall Street aux nouveaux tarifs douaniers de Trump.

« Lorsque les constructeurs automobiles ont délocalisé leurs emplois au Mexique, le cours de leurs actions a augmenté, mais le prix des voitures n’a pas baissé pour les consommateurs américains », a précisé M. Iacovella.

Un trader observe les cours des actions à la Bourse de New York pendant les échanges du matin, le 3 avril 2025. (Michael M. Santiago/Getty Images)

Par rapport aux mesures de rétorsion de Pékin, Adam Savit, directeur de la politique chinoise à America First Policy Institute, estime que la Chine a moins de moyens de pression que l’Amérique.

« Les États-Unis exportent beaucoup moins vers la Chine que la Chine n’exporte vers les États-Unis. Ils sont donc intrinsèquement désavantagés », a-t-il expliqué à Epoch Times.

M. Savit a également insisté sur le fait que l’imposition de droits de douane de 54 % sur les produits chinois était une réponse appropriée pour l’Amérique et qu’elle contribuerait à son découplage stratégique de la Chine.

Les concessions

Alors que la Chine a choisi de prendre des mesures de rétorsion, plusieurs partenaires commerciaux de l’Amérique ont déjà commencé à faire des concessions.

Par exemple, le 4 avril, Donald Trump a confirmé sur Truth Social qu’il avait eu un « appel très productif » de Tô Lâm, le secrétaire général du Parti communiste du Vietnam.

Ce pays d’Asie du Sud-Est, qui a grandement bénéficié des ajustements de la chaîne d’approvisionnement mondiale depuis la pandémie du Covid-19, est prêt à négocier, a déclaré M. Trump.

Il avait précédemment annoncé la mise en œuvre d’un tarif douanier réciproque de 46 % à l’encontre du Vietnam. L’année dernière, le déficit commercial des États-Unis avec ce pays s’est élevé à plus de 113 milliards de dollars, soit le troisième plus important déficit derrière la Chine (270,4 milliards de dollars) et le Mexique (157,2 milliards de dollars).

« Le Vietnam est prêt à réduire ses droits de douane à zéro s’il parvient à conclure un accord avec les États-Unis », a commenté le président américain. « Je l’ai remercié [Tô Lâm] au nom de notre pays et lui ai dit que j’attendais avec intérêt notre rencontre dans un avenir proche. »

Alors que les responsables vietnamiens ont signalé qu’ils étaient prêts à négocier une baisse des droits de douane de part et d’autre, le rapport complet du représentant américain au Commerce a identifié plusieurs barrières commerciales non monétaires.

Le rapport 2025 National Trade Estimate a énuméré les diverses interdictions et restrictions d’importation de ce pays, un vaste ensemble d’exigences en matière d’enregistrement des produits pharmaceutiques importés, ainsi que divers obstacles techniques au commerce.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.