L’Union européenne (EU) devrait annoncer début juin l’imposition de droits de douane sur les voitures électriques (VE) chinoises à la suite de l’enquête antisubventions lancée par la Commission européenne en octobre dernier.
Cette enquête vise à déterminer si les VE chinoises exportées vers le marché de l’UE ont bénéficié de subventions excessives, entraînant des pratiques commerciales déloyales.
Alors que l’UE poursuit son enquête, les États-Unis sont déjà parvenus à cette conclusion et ont augmenté leurs tarifs douaniers sur les VE chinoises de 25 % à 100 % à la mi-mai, avec effet au 1er août. D’autres produits chinois, notamment l’acier, l’aluminium, les panneaux solaires et les fournitures médicales essentielles, ont également fait l’objet d’une augmentation des droits de douane.
« La Chine a fortement subventionné tous ces produits, poussant les entreprises chinoises à produire bien plus que ce que le reste du monde peut absorber. Par la suite, la Chine a déversé ses produits excédentaires sur le marché à des prix injustement bas, poussant d’autres fabricants du monde entier à la faillite », a déclaré Joe Biden avant de signer le décret le 14 mai.
L’initiative américaine est en grande partie préventive, car les VE fabriquées en Chine sont encore rares sur le marché américain. Toutefois, les VE produites en Chine sont déjà bien implantées en Europe.
Les VE chinoises représentaient environ 20 % du marché européen l’année dernière, selon Rhodium Group, un cabinet d’études spécialisé dans l’économie chinoise. Son rapport note également que l’objectif du seul BYD, le principal fabricant chinois de VE, est de porter sa part du marché européen des VE à 10 %, soit 920.000 véhicules, d’ici à 2030.
Selon la Commission européenne, les VE chinoises sont 20 % moins chères que les modèles européens. Par exemple, BYD prévoit d’introduire en Europe en 2025 sa très bonne voiture électrique à hayon Seagull, à moins de 20.000 euros.
Yao-Yuan Yeh, professeur d’études internationales à l’université de St. Thomas à Houston, s’attend à ce que la Commission européenne trouve des preuves de l’excès de subventions chinoises aux VE et qu’elle impose des droits de douane ou des quotas sur ces voitures.
Selon lui, la taxe imposée par l’Europe sur les VE chinoises sera probablement moins élevée que celle imposée par l’Amérique, car les économies européennes axées sur l’exportation, comme l’Allemagne, sont plus vulnérables aux mesures de rétorsion de Pékin.
« Un front uni »
Les dirigeants mondiaux ont reconnu qu’ils devaient travailler ensemble pour faire face aux exportations chinoises provenant des capacités excédentaires de fabrication des VE.
Lors de la réunion des ministres des Finances du G7 à la fin du mois de mai, la secrétaire d’État américaine au Trésor, Janet Yellen, a appelé à une réponse commune du G7 à la surcapacité industrielle de la Chine, et ce, d’une « manière stratégique et unie ».
Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a également appelé à un « front uni » face aux pratiques commerciales déloyales de la Chine, tout en mettant en garde contre « toute forme de guerre commerciale ». Le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, partage la même préoccupation en ajoutant que « les guerres commerciales ne font que des perdants ; elles ne peuvent pas être gagnées ».
Adolfo Urso, le ministre italien de l’Entreprise et du Made in Italy, a encouragé l’Europe de suivre la politique tarifaire des États-Unis lors d’une conférence tenue le 25 mai. Le Royaume-Uni envisage une enquête antisubventions similaire.
Érosion de la confiance entre l’UE et la Chine
La question des droits de douane sur les VE survient à un moment où les relations entre l’UE et la Chine sont entrées dans une nouvelle phase. La politique européenne annoncée en 2019 a marqué un changement vers la considération de la Chine en tant que « concurrent économique et rival systémique ». Avant cela, depuis plus d’une décennie, l’Union européenne considérait l’État-parti chinois comme un partenaire stratégique.
En septembre dernier Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré, lors de son discours sur l’état de l’Union, que « le marché mondial est inondé de voitures électriques bon marché » dont les prix sont artificiellement bas en raison « d’énormes subventions publiques » – et ce, avant de lancer l’enquête antisubventions sur les VE chinoises.
Pour contrer l’action de l’UE, la Chine a lancé, en mai, une enquête antidumping sur le formaldéhyde copolymère importé des États-Unis et de l’UE, ainsi qu’une enquête sur les eaux-de-vie françaises en janvier. Les médias d’État chinois ont également rapporté, le 25 mai, que la Chine prévoyait une enquête sur le dumping de la viande de porc provenant de l’UE.
Selon M. Yeh, malgré les enquêtes de type « coup pour coup », les relations entre la Chine et l’Union européenne n’ont pas encore atteint le stade de l’épreuve de force.
« Je pense que les relations entre les deux parties sont dans une impasse. Bien qu’elles ne s’améliorent pas, dans les domaines du commerce et de l’investissement, elles ne se détérioreront pas complètement en deux extrêmes », a-t-il commenté à Epoch Times, en ajoutant que « les États-Unis incitent l’UE à résister à la Chine, mais l’Europe considère toujours la Russie comme la plus grande menace ».
Janka Oertel, responsable du programme Asie au Conseil européen des relations étrangères (ECFR), a écrit dans son rapport de janvier que « la question de la confiance est devenue un élément clé dans les relations entre la Chine et l’Europe ».
Dans son rapport, Mme Oertel indique que les États membres de l’UE devraient se souvenir de leur expérience d’exclusion des fournisseurs chinois des projets du déploiement de la 5G en 2019 et 2020 : « Finalement, les décideurs européens ont conclu que la confiance – ou leur manque de confiance par rapport aux offres chinoises – devrait être un facteur déterminant. »
Mme Oertel a également averti que le risque de sécurité associé aux VE chinoises serait plus difficile à traiter que dans le cas des équipements de télécommunications dans un réseau 5G.
Des « smartphones sur roues »
L’augmentation du nombre des VE chinoises menacerait l’infrastructure des transports de la même manière que Huawei a menacé les réseaux de télécommunications européens, a expliqué à Epoch Times Megan Khoo, l’ancienne analyste de la défense et actuelle conseillère en recherche et politique de l’ONG britannique Hong Kong Watch.
En février, qualifiant les VE « connectées » de « smartphones sur roues », Joe Biden a demandé à son département du Commerce d’enquêter pour savoir si les voitures chinoises présentent des risques pour les données ou les infrastructures des États-Unis.
Le Parlement britannique se penche sur une question similaire. « Les voitures électriques connectées chinoises qui envahissent le pays pourraient être le cheval de Troie le plus efficace dont dispose la caste dirigeante chinoise pour avoir un impact sur le Royaume-Uni », a écrit en janvier l’Institute of the Motor Industry dans un document soumis au comité conjoint de la Stratégie de sécurité nationale du Royaume-Uni.
Selon la loi chinoise sur le contre-espionnage, BYD ou tout autre fabricant chinois de voitures électriques doit légalement remettre les données de ses utilisateurs étrangers si les autorités de Pékin en font la demande.
Mme Khoo a exhorté les pays européens à prendre des mesures strictes contre l’utilisation des VE chinoises dans les « secteurs sensibles » afin d’atténuer les risques potentiels pour la sécurité.
M. Yeh reconnaît que les voitures électriques pourraient devenir un autre moyen pour la Chine communiste de recueillir des informations dans les pays européens. « Pour l’instant, je n’ai pas vu que l’UE avait une solution à ce problème », a-t-il souligné.
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