« Upahl dit non », « pensez à nos enfants ! » : le long de la route conduisant à ce petit village du nord de l’Allemagne, difficile d’ignorer les pancartes en bois dont les larges lettres aux couleurs vives détonnent dans la grisaille du ciel.
Depuis des semaines, la bourgade de quelque 500 habitants est vent debout contre un projet d’installer un centre d’hébergement de demandeurs d’asile pouvant accueillir, dans des conteneurs, jusqu’à 400 personnes.
Comme ailleurs en Allemagne, ce district rural du Mecklenbourg, la région où est situé Upahl, peine à faire face à l’afflux de réfugiés.
217.774 demandes d’asile déposées
L’an passé, 217.774 demandes d’asile ont été déposées en Allemagne, soit plus du double du total de 2020, selon les données officielles.
Il s’agit du nombre le plus élevé depuis la grande crise migratoire des années 2015/16 quand Syriens et Afghans fuyant la guerre ou les persécutions avaient trouvé refuge dans la première économie européenne.
L’an passé aussi, ils venaient surtout de Syrie où la guerre continue, suivie par l’Afghanistan désormais aux mains des talibans, de Turquie ou encore d’Irak.
Et depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022, plus d’un million d’Ukrainiens sont arrivés en Allemagne. Même s’ils n’ont pas besoin de demander l’asile, leur prise en charge accentue la pression sur les collectivités locales.
Protestations d’habitants
« Nous avons une situation à laquelle nous ne pouvons plus faire face, comme de nombreux autres cantons et communes en Allemagne », déclare à l’AFP Tino Schomann, responsable administratif du district du Mecklenbourg du Nord-Ouest où des gymnases ont été réquisitionnés pour accueillir des demandeurs d’asile.
Le chauffeur routier à la retraite Bernd Wien, 66 ans, qui vit depuis 1980 à Upahl, est en première ligne des protestations contre le centre qui doit ouvrir en mars. « Nous voulons juste vivre tranquillement ici, profiter de notre retraite », dit-il.
« Nous n’avons pas de barrières, pas de portail, on peut sonner chez les autres si on a besoin de quelque chose », témoigne Jan Achilles, 46 ans et membre du conseil municipal.
Le centre de réfugiés va tout changer, prédit cet analyste en environnement. Quand des centaines de « personnes, réfugiés ou Allemands ou autres, sont entassées au même endroit, cela crée des problèmes », affirme-t-il.
Appel à « un effort humanitaire commun »
Après des mois d’appels à l’aide des responsables locaux, la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser organise jeudi une réunion des communes, des régions et du gouvernement qui doivent fournir « un effort humanitaire commun », selon elle.
Elle souhaite améliorer la répartition de l’accueil : « Certaines collectivités ne peuvent plus, d’autres communes ont manifestement encore des places libres », a-t-elle observé.
Des conteneurs comme habitation « cela ne peut être bon pour personne »
Le bureau d’Anika Reisch, agente d’assurance de 38 ans, voisine le terrain où les bulldozers préparent déjà l’installation des conteneurs, à Upahl.
Cette mère de deux enfants se dit pleine d’empathie pour les futurs occupants « qui sont traumatisés, qui s’inquiètent de l’avenir ».
Mais elle est contre leur installation dans une structure où « ils n’ont aucune intimité, où ils ne peuvent pas (…) faire face à tout ce qu’ils ont vécu. Cela ne peut être bon pour personne ».
Une situation « plus dramatique qu’en 2015″
« La situation générale est au bout du compte bien plus dramatique qu’en 2015 en raison de la guerre, de l’inflation, des crises économiques et des nouveaux réfugiés », estime auprès de l’AFP Hajo Funke, politologue à l’Université libre de Berlin.
Reinhard Sager, président de l’association des districts allemands, demande plus de fermeté au gouvernement qui « doit immédiatement limiter l’afflux » de demandeurs d’asile tandis que « les frontières extérieures de l’Europe doivent être protégées et les expulsions nettement augmentées », a-t-il énuméré en janvier.
Avec des capacités d’accueil épuisées dans sa région et entre 20 et 30 nouveaux arrivants par semaine, Tino Schomann, le responsable du district, ne voit pas d’alternative au centre d’Upahl : « j’ai besoin de plus de place », dit-il.
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