Les usines à dissertations continuent de cibler les étudiants universitaires au Royaume-Uni

Selon les experts, peu de progrès ont été observés depuis l'entrée en vigueur du Projet de loi sur les compétences et l'éducation post-16 en 2022, et les usines à dissertations continuent d'opérer à partir de l'étranger

Par Lily Zhou
5 juin 2024 15:58 Mis à jour: 12 juin 2024 20:53

Pour environ 150 livres sterling (176 euros), un étudiant chinois au Royaume-Uni peut se procurer un essai de 2000 mots. Certains vont même jusqu’à payer 27,5 livres sterling (32,2 euros) de l’heure pour que quelqu’un assiste aux cours en ligne à leur place, selon une agence chinoise.

Cette agence est l’une des nombreuses usines à dissertations qui, bien qu’elles aient été interdites en Angleterre et au Pays de Galles il y a deux ans, continuent de prospérer.

Les experts en intégrité académique ont déclaré à Epoch Times que ces usines ciblent toujours les étudiants au Royaume-Uni, en particulier ceux dont l’anglais n’est pas la langue maternelle.

Certaines de ces agences étrangères recrutent même des étudiants pour des universités britanniques, tout en se livrant à des activités frauduleuses, compromettant ainsi la réputation de l’éducation britannique.

Thomas Lancaster, de l’Imperial College de Londres, estime qu’il est urgent que les organes directeurs de l’enseignement fassent pression pour que la loi de 2022 sur les compétences et l’éducation post-16 soit appliquée en Angleterre et au Pays de Galles. Il souligne également que les universités doivent renforcer leurs vérifications sur les agences et impliquer davantage les étudiants.

Thomas Lancaster ainsi que son collègue, Robert Clarke, se sont illustrés en popularisant le terme de « tricherie contractuelle », qui désigne la sous-traitance des travaux d’étudiants à des tiers. Les étudiants qui pratiquent la tricherie contractuelle peuvent être pris en flagrant délit de plusieurs façons. Les enseignants peuvent détecter ces pratiques grâce à des incohérences entre les travaux remis par les étudiants et leurs performances habituelles ; ils peuvent également être dénoncés par d’autres étudiants ou par des usines à dissertations qui ont tenté de les faire chanter.

Cependant, il est difficile de mesurer l’ampleur de ce phénomène, car seul un petit nombre d’entre eux sont pris en flagrant délit. Selon une étude de l’université de Swansea publiée en 2018, jusqu’à un diplômé sur sept au cours des années précédentes pourrait avoir commis une tricherie contractuelle, ce qui représente potentiellement 31 millions d’étudiants à travers le monde.

Robin Crockett, responsable de l’intégrité académique à l’université de Northampton, affirme avoir constaté une recrudescence de la tricherie contractuelle il y a une dizaine d’années, au moment de l’augmentation des usines à dissertations bon marché à l’étranger, et de la hausse des frais d’inscription dans les universités anglaises atteignant 9000 livres sterling (10.558 euros).

M. Crockett assure avoir eu affaire à des étudiants de « pratiquement toutes les nationalités » et que la proportion d’étudiants pris en flagrant délit de mauvaise conduite académique était la même pour les étudiants nationaux et étrangers.

Il ajoute que « certains étudiants croient que ‘tout est permis’ parce qu’ils pensent qu’ils paient pour un diplôme, plutôt que pour une éducation ».

Peu de changements

En 2022, le projet de loi sur les compétences et l’éducation post-16 est devenu une loi, faisant de la fourniture, de la facilitation ou de la publicité de services de tricherie contractuelle un acte criminel en Angleterre et au Pays de Galles.

M. Lancaster et M. Crockett ne sont actuellement au courant d’aucune poursuite en vertu de cette loi, et selon ce dernier le manque de ressources policières a peut-être joué un rôle.

« Si je crois avoir trouvé une usine à dissertations en activité en Angleterre, je contacte les forces de police locales… et elles peuvent ou non mener une enquête », explique M. Crockett.

M. Lancaster est conscient que la loi « a incité certaines entreprises à revoir leurs pratiques », entraînant vraisemblablement une diminution du nombre d’annonces. Cependant, il est d’avis que « de nombreuses petites entreprises » dans la région pensent pouvoir rester dans l’ombre pour le moment.

« Je pense que le moment est venu pour certains organes directeurs de l’enseignement de commencer à faire pression pour que la loi soit appliquée plus souvent en de telles circonstances », conclut-il.

Toutefois, selon les experts, rien n’empêche une usine à dissertations d’opérer dans un autre pays.

Données publiées par l’Agence des statistiques de l’enseignement supérieur sur le nombre d’étudiants de première année non domiciliés au Royaume-Uni, en fonction de leur pays d’origine, de 2006-2007 à 2021-2022. (Epoch Times)

En discutant avec leurs clients sur la plateforme de réseaux sociaux chinoise Wechat, les agents proposent des devis en fonction des besoins des clients et confient des missions aux prête-plumes.

Les prix varient en fonction de la longueur, de la difficulté, du délai et de la qualité des travaux demandés. L’une des agences a proposé à un journaliste d’Epoch Times, qui s’est fait passer pour un client, un essai de 2000 mots sur le commerce international pour 150 livres sterling (176 euros). Ce tarif est passé à 177 livres sterling (208 euros) lorsqu’on lui a demandé de faire appel à un anglophone natif du Royaume-Uni.

Les services de l’entreprise comprennent également des tests ou des cours pour les clients.

Pour un cours Zoom de huit heures sur les compétences en matière de leadership, le journaliste a d’abord reçu un devis d’environ 720 livres sterling (845 euros) (caméra allumée). Après une séance de marchandage, le prix a été ramené à 220 livres sterling (258 euros) (caméra éteinte) ou 387 livres sterling (454 euros) (caméra allumée).

En Chine, une enquête menée en 2015 auprès de 318 étudiants a révélé que près d’un tiers (31,13 %) des personnes interrogées avaient envisagé de faire appel à des prête-plumes et que 73,9 % d’entre elles avaient connu quelqu’un impliqué dans la tricherie contractuelle, selon le China Youth Daily, qui est affilié à la CUMU, une association de publications universitaires chinoises ayant mené l’enquête.

Les données provenant des États-Unis montrent que dans la petite proportion d’étudiants chinois renvoyés des universités ces dernières années, la malhonnêteté académique était la principale raison du renvoi, selon les rapports annuels publiés par l’agence d’éducation WholeRen, dont les clients sont des étudiants chinois qui étudient dans des pays anglophones.

D’après les rapports, la malhonnêteté académique a représenté 47,9 % des renvois au cours de l’année qui s’est achevée en mars 2023. Ce chiffre inclut les étudiants renvoyés pour plagiat, tricherie, passation de tests par procuration ou écriture fantôme.

Ce chiffre n’a cessé de croître depuis que WholeRen a commencé à publier son rapport annuel en 2014, lorsque 21,4 % des renvois d’étudiants chinois étaient dus à la malhonnêteté académique. Ce chiffre a atteint un pic de 77,8 % au cours de l’année qui s’est achevée en mars 2021.

En mars, Michelle Shipworth, professeur associée à l’University College London (UCL) a expliqué avoir été évincée d’un cours à la suite de plaintes, notamment pour son rôle dans l’expulsion de deux étudiants chinois pour tricherie au fil des ans. Cependant elle a assuré à Epoch Times que la plupart des étudiants chinois auxquels elle avait enseigné étaient désireux d’apprendre. »

Dans une interview accordée à l’époque au Telegraph, elle a également affirmé que les directeurs d’université ne voulaient souvent pas entendre parler des problèmes de tricherie parmi les étudiants étrangers « parce que beaucoup d’universités dépendent du financement des étudiants étrangers ».

À la question de savoir si les professeurs sont incités à ignorer les travaux suspects soumis par des étudiants étrangers, M. Crockett a répondu que les universitaires feraient l’objet de « mesures disciplinaires graves » si c’était le cas.

Agents peu scrupuleux

Robin Crockett et Thomas Lancaster ont également affirmé qu’un petit nombre d’agences recrutant des étudiants étrangers pour les universités géraient en parallèle des usines à dissertations afin d’obtenir des commissions supplémentaires.

« Nous ne pouvons pas continuer à envoyer du personnel universitaire dans ces pays pour faire du recrutement. En même temps, il est toujours décourageant de voir qu’un petit nombre d’agents enfreignent les règles, recrutant des étudiants uniquement pour des raisons financières au lieu de s’assurer qu’ils placent les étudiants dans les cours qui leur conviennent le mieux », déplore M. Lancaster.

« Je pense qu’il faut renforcer les contrôles sur les agents, non seulement lorsqu’un agent est recruté pour travailler avec l’université, mais aussi au fur et à mesure que cette relation se développe, car les agents peuvent être soumis aux mêmes tentations que n’importe qui d’autre dans le monde », ajoute-t-il.

Interrogé sur les autres mesures à prendre pour lutter contre la tricherie contractuelle, M. Lancaster estime que les universités auraient tout intérêt à aider les étudiants à comprendre l’importance de l’éthique et de l’intégrité et à faire en sorte que les travaux soient intéressants et utiles dans une société où l’intelligence artificielle est omniprésente.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle, les experts ont indiqué que certaines universités ont décidé d’autoriser l’utilisation de l’IA à condition qu’elle soit déclarée, étant donné que les étudiants devront savoir comment utiliser cette technologie sur le marché du travail à l’avenir, tandis que d’autres estiment que les étudiants gagneraient à pouvoir produire des travaux sans l’aide de l’IA, mais il est encore trop tôt pour savoir quel sera l’impact sur le modèle économique des usines à dissertations.

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