Une voiture pour relancer un secteur en souffrance. En Dordogne, le Département a mis des véhicules de service à disposition des aides à domicile, un coup de pouce pour attirer de nouveaux professionnels.
Chaque jour, Coralie Gally, 33 ans, passe « d’une maison à une autre » dans la petite commune de Brantôme-en-Périgord, dans un département où les seniors représentent 38% de la population.
Pour cette mère de famille qui accompagne les gens « dans tous leurs gestes du quotidien », la livraison l’été dernier d’un véhicule s’est révélée « vraiment royale », après avoir travaillé plusieurs années en devant faire « trois pleins par mois, à 70 euros chacun » avec sa voiture personnelle.
Des frais avancés et insuffisamment remboursés – à hauteur d’environ « 100, 150 euros par mois » – par des indemnités qui ne couvraient pas non plus l’usure du véhicule, ni l’entretien, alors que certaines aides à domicile du Centre intercommunal d’action sociale (CIAS), qui l’emploie, peuvent parcourir 1600 kilomètres par mois.
Frein au recrutement
Un frein au recrutement potentiel cette profession où travaillaient environ 218.000 personnes en 2016, mais où il manquerait 50.000 personnes dans le secteur privé, selon la fédération du service aux particuliers (FESP), et 20.000 dans le secteur associatif, selon un porte-parole de la fédération ADMR (aide à domicile en milieu rural).
Président d’une association à Saint-Astier, à l’ouest de Périgueux, qui a récemment reçu une centaine de voitures fournies par le conseil départemental, Jean-Claude Lis admet que certains employés lui ont déjà avoué qu’ils préféreraient « un salaire au supermarché d’en face car au moins il n’y a pas de frais ».
Et le personnel manque dans le département : près de 20% des heures prescrites dans les plans d’aide au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) – qui permet d’accompagner les bénéficiaires dans leur quotidien – ne peuvent être effectuées faute de main d’œuvre indique le conseil départemental.
Location de 1300 voitures de service
Il a donc décidé, en 2021, de commander en location quelque 1300 voitures de service, pour un budget de quatre millions d’euros par an, afin d’améliorer les conditions de travail et d’encourager les vocations.
Le président PS du conseil départemental, Germinal Peiro, promet également de « compenser la totalité des frais » liés au véhicule, notamment via une carte pour payer le carburant.
Valérie Tréhel, directrice du CIAS Dronne et Belle à Brantôme, précise néanmoins que les véhicules ne doivent pas dépasser les 35.000 kilomètres en trois ans, soit un millier de km par mois, ce qui pourrait faire craindre des dépassements.
L’Assemblée des départements de France estime que l’initiative (également observée en Gironde ou dans les Côtes-d’Armor), « fait partie des bonnes pratiques à valoriser ».
Pour Vincent Vincentelli, directeur des politiques publiques de l’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et services aux domiciles), c’est « un début », mais il faut « inscrire les solutions sur la mobilité dans une véritable réforme du financement de l’aide à domicile ».
Manque de reconnaissance
Les salariés du secteur souffrent d’un manque de « reconnaissance », souligne-t-il.
Financièrement, les aides à domicile ont bénéficié depuis 2021 d’une revalorisation conventionnelle à hauteur de 183 euros net par mois pour un agent à temps plein. Mais elles n’ont pas été associées au Ségur de la santé, qui a creusé l’écart avec d’autres professions.
« Alors que le Ségur était une reconnaissance de l’engagement pendant la crise du Covid-19, ces salariés estiment que leur travail n’est pas jugé au même niveau que les autres », ajoute M. Vincentelli.
De plus, le métier « n’est pas connu », constate Coralie Gally, du haut de ses 15 années d’expérience. Beaucoup voient seulement l’aspect « ménage » mais elle « fait de tout » : de l’aide à la préparation des personnes le matin à l’entretien de la maison, en passant par des toilettes, faire les courses ou des activités de jeu.
Ce matin, elle répond aux besoins de Claire, 90 ans. « Avoir des aides à domicile, des infirmières, ça permet de ne pas aller en maison de retraite », dit la vieille dame. Qui continue de profiter, ainsi, de sa maison de campagne.
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