La décision de Donald Trump de lier les négociations tarifaires américaines au traitement par la Chine des manifestations qui se poursuivent à Hong Kong semble être une décision très intelligente. Elle démontre l’importance de Hong Kong pour l’Amérique et les autres démocraties occidentales. Cela semblerait également donner au dirigeant chinois Xi Jinping encore moins de marge de manœuvre et pourrait renforcer la position des États-Unis aux négociations commerciales avec la Chine.
De plus, la proposition de Trump de rencontrer le dirigeant chinois en personne pour résoudre pacifiquement la crise de Hong Kong attire l’attention mondiale sur Xi, plutôt que sur Trump, comme source potentielle de violence et d’intolérance. Cependant, pour plusieurs raisons, ces avantages peuvent ne pas avoir l’impact que Trump espère obtenir.
En attente de 2020 ?
D’une part, il semble que le régime chinois ait tout simplement décidé d’attendre la fin de la présidence de Trump et de sa politique de guerre commerciale. Si c’est vrai, il espère que Trump sera remplacé après les élections présidentielles de 2020 par un président américain plus « souple ».
Mais si c’est le cas, une telle stratégie a certaines vulnérabilités. La plus évidente est que Trump peut bien être réélu. L’autre est liée au fait que, même si Trump n’est pas réélu d’ici presque deux ans, ces deux ans supplémentaires de tarifs douaniers américains auront infligé encore plus de dommages à l’économie chinoise déjà boiteuse, y compris une accélération de l’exode de la Chine des entreprises et des capitaux.
L’Europe est la clé de la croissance chinoise
C’est pourquoi l’Europe, et non les tarifs de Trump, est peut-être la plus grande préoccupation du régime chinois. Xi Jinping comprend que mettre l’accent sur le commerce avec l’Europe est le principal moyen lui permettant de réduire l’impact des tarifs douaniers américains. Environ un milliard d’euros d’échanges commerciaux se produisent chaque jour entre la Chine et l’Europe, tandis que les investissements chinois dans l’Union européenne (UE) ont presque doublé en une année, passant de 17,3 milliards d’euros en 2017 à 29,1 milliards en 2018. Ce flux commercial est d’une importance vitale pour les deux parties.
Le commerce donne également à Pékin l’occasion d’étendre ses relations avec l’UE. Non seulement les Européens sont un partenaire commercial beaucoup plus disposé que les États-Unis, mais la Chine et l’UE partagent des expériences et des points de vue similaires face aux difficultés rencontrées dans leurs relations avec Trump. Pékin considère l’accroissement des échanges commerciaux avec l’UE comme une opportunité géopolitique pour l’éloigner davantage de l’influence américaine.
La politique envers Hong Kong : un risque pour Xi Jinping
Xi Jinping ne l’admet peut-être pas, mais sa politique envers Hong Kong risque d’inverser les relations commerciales entre la Chine et l’UE – Pékin a œuvré si longtemps et si dur pour établir ces relations. Sur le plan économique, en tenant compte de la détérioration continue des relations commerciales avec les États-Unis, la Chine ne devrait pas se permettre de perdre également les affaires commerciales avec les Européens.
Toutefois, rester dans les bonnes grâces des Européens ne sera pas aujourd’hui aussi facile pour la Chine que par le passé. Le scandale des logiciels espions de Huawei, par exemple, reste un point sensible pour une grande partie des pays de l’Europe occidentale et témoigne de la préoccupation de l’UE par rapport aux prises de contrôle par la Chine de secteurs critiques en Europe. En réponse à ce phénomène, la Commission européenne a récemment présenté un plan en dix points visant à remédier au déséquilibre commercial ainsi qu’aux pratiques commerciales déloyales et destructrices de la Chine. À noter que cela s’est passé avant le début des événements à Hong Kong.
La campagne médiatique chinoise en Europe
La stratégie de Pékin explique les efforts concertés des ambassadeurs chinois qui visent à persuader les Européens de se ranger du côté de Pékin et contre les manifestants de Hong Kong. Si ces efforts manquent de subtilité, ils sont compensés par leur intensité. La campagne anti-manifestants hongkongais menée par la Chine inclut la publication d’articles condamnant ces manifestants, ainsi que la critique ouverte des gouvernements européens qui ne le font pas.
Mais est-ce que cela suffira pour que l’Europe abandonne sa position atlantique traditionnelle ?
L’Europe reste méfiante envers la Chine
Comme les États-Unis, les pays de l’UE sont très sensibles à la menace que représente la Chine pour leur bien-être économique et social à long terme, à son vol de technologie et à ses cyberattaques persistantes. Tout aussi important est peut-être le fait que les démocraties libérales d’Europe occidentale surveillent de près le comportement de la Chine envers les manifestants à Hong Kong – les gens qui protestent contre la Chine totalitaire pour préserver ce qui reste de leur propre démocratie libérale.
Cependant, l’Europe n’a pas encore choisi son camp dans la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. En outre, certains pays du sud et de l’est de l’Europe bénéficient de milliards d’investissements chinois et accueilleraient volontairement encore plus de ces investissements. Toutefois, c’est l’Allemagne et la France, les dirigeants de l’UE, qui détermineront son orientation. Bien que les déclarations britanniques conseillant à la Chine d’éviter la violence à Hong Kong fassent l’objet de réprimandes chinoises, il serait sage pour le Parti communiste chinois (PCC) de se souvenir que Hong Kong, avec ses systèmes juridiques et financiers très efficaces, est une création d’Europe occidentale (notamment britannique) – et non de la Chine communiste – et qu’elle joue un rôle très important dans les relations financières de la Chine avec le monde.
Le PCC est divisé sur la question de l’absence de plan de Xi Jinping
Il peut y avoir également une raison politique intérieure qui explique les efforts de Pékin d’amener l’Europe à ses côtés. Selon Nikkei Asian Review, la position de Xi Jinping au sein du Parti n’est pas aussi sûre que certains peuvent le croire. Certains membres du PCC sont en désaccord avec sa dévaluation du yuan, son refus de nommer un successeur, son culte de la personnalité qui prend de l’ampleur et sa gestion de l’économie.
En outre, le PCC est de plus en plus préoccupé par le retard d’un an pris par Xi Jinping dans la présentation du prochain plan économique quinquennal. L’État-Parti chinois a toujours planifié le développement de son économie dans une perspective à long terme et le fait que Xi traîne les pieds rend les membres du Parti nerveux. Certains parmi eux considèrent l’absence d’un plan économique officiel comme un obstacle plus important à la poursuite de la croissance économique chinoise que les tarifs douaniers américains. Ces facteurs amplifient l’importance de maintenir et de développer les relations commerciales avec l’Europe, tant sur le plan commercial que sur le plan géopolitique anti-américain.
Xi Jinping est ainsi confronté à une bataille délicate et difficile qui vise à amener l’Europe aux côtés de la Chine. Il se rend compte que, s’il traite les manifestants de Hong Kong de la même façon que le régime chinois a traité les manifestants de la place Tiananmen, il pourrait perdre le soutien à son titanesque projet « Belt and Road Initiative » (initiative ceinture et route) – souvent qualifiée de « nouvelle route de la soie » – et compromettre le commerce avec l’Europe ainsi que les autres avantages économiques dont la Chine bénéficie actuellement. Écraser les manifestants de Hong Kong ne dégradera pas seulement la réputation déjà ternie de la Chine communiste, mais également celle de Xi Jinping lui-même et fera échouer ses plans d’expansion internationale.
Xi Jinping doit sûrement peser le pour et le contre de ces potentialités, sinon les chars de l’Armée populaire de libération chinoise seraient entrés à Hong Kong depuis des semaines.
James Gorrie est un écrivain texan. Il est l’auteur du livre The China Crisis.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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