L’Europe se crispe face aux migrants

1 février 2016 10:52 Mis à jour: 1 février 2016 10:52

Ce que l’urgence humanitaire et les noyades en Méditerranée avaient interdit en 2015, au moment où les photos du corps d’Aylan, enfant syrien mort noyé, avaient ému les opinions, est finalement déclenché par les faits divers des deux derniers mois : après les agressions commises fin décembre et début janvier par des migrants dans plusieurs pays, le Nord de l’Europe modifie en profondeur sa politique d’accueil des migrants.

Les pays…

Le Danemark a commencé le 26 janvier en votant une loi controversée permettant la saisie des biens des migrants ; la mesure, qui ne fait que reproduire l’exemple suisse, a soulevé un tollé auprès des associations humanitaires – fardeau de l’histoire, elle évoque les confiscations des biens des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais elle est justifiée, selon le Parlement danois par un principe de responsabilité : un migrant doit contribuer à assumer les coûts liés à son accueil. « Tous les citoyens danois et les réfugiés qui viennent ici bénéficient de l’assurance maladie ; ils reçoivent une éducation gratuite depuis la maternelle jusqu’à l’université, et les soins aux personnes âgées ; ils reçoivent des cours de langue et d’intégration gratuits payés par le gouvernement », déclare à CNN Jakob Ellemann-Jensen, porte-parole du Parti Libéral ; « la seule chose que nous demandions, c’est que si vous avez les moyens de payer votre logement et votre nourriture – que vous soyez danois ou réfugié – vous le fassiez. »

En dynamique migratoire, la perte d’attractivité d’un pays conduit mécaniquement à l’augmentation d’attractivité du pays voisin. Séparée du Danemark par un mince détroit, la Suède a réagi au raidissement danois et annoncé le 28 janvier l’expulsion possible de 80 000 migrants dont la demande d’asile a été rejetée en 2015. Le ministre de l’Intérieur suédois a indiqué à l’agence TT que le plan « est de 60 000 personnes, mais le nombre pourrait monter à 80 000 », soit la moitié des demandeurs, ajoutant que des vols charter devraient être affrétés pour l’opération. « Sans cela, nous serions dans une situation d’immigration libre, et nous ne sommes pas capables de gérer cela », justifie le ministre. Rapporté à la population, la Suède est le pays européen qui a accueilli le plus de migrants en 2015.

« C’est évidemment une façon de dire que si vous venez mais n’êtes pas légitime à l’asile, vous ne pourrez rester », commente Victor Harju, porte-parole du ministère de l’Intérieur, cité par le Guardian. « Vous pouvez demander asile à l’Europe, mais il y a de nombreux pays sûrs dans lesquels vous n’êtes pas empêché de vivre par la guerre et la persécution, vous n’avez donc pas forcément besoin de venir en Suède. » Depuis novembre dernier, la Suède avait commencé à bloquer l’entrée des migrants sur son territoire, qui arrivaient à un rythme de près de 10 000 personnes chaque semaine.

La Finlande, le même jour, a emboîté le pas : Päivi Nerg, porte-parole du ministère de l’Intérieur, indiquant à l’AFP suivre le même chemin que la Suède : « Nous parlons en principe d’une décision négative pour les deux tiers, soit environ 65% des 32 000 [demandes] » – soit 20 000 refus d’asile et expulsions.

Toujours en Europe du Nord, la Norvège a commencé les déportations vers la Russie de demandeurs d’asile, et le mouvement se transmet : en Allemagne, le vice-chancelier Sigmar Gabriel a annoncé le 29 janvier que la Tunisie, le Maroc, l’Algérie seraient placés sur la liste des pays « sûrs », soit ceux dont les citoyens ne sont pas éligibles à l’asile. Les règles du rassemblement familial sont également modifiées et rendues plus strictes. Les Pays-Bas commencent à proposer qu’un système de ferrys soit mis en en place pour renvoyer en Turquie les migrants arrivant en Grèce. Diederik Samsom, dirigeant du Labour, en fait la proposition dans le quotidien Volkskrant du 28 janvier, avec un poids particulier puisque les Pays-Bas assument la présidence tournante de l’Union européenne.

Ceci implique rien moins que de s’asseoir sur les accords de Schengen, ou d’exclure la Grèce de cet espace européen de libre-circulation. L’Autriche, entre autres, le demande vigoureusement et la Commission européenne a émis le 27 janvier un ultimatum à l’attention d’Athènes, constatant que le gouvernement grec « néglige sérieusement ses obligations » et montre « de graves insuffisances dans la gestion de ses frontières. » En application des accords de Dublin, tous les migrants entrant en Europe par la Grèce devraient y demander asile ; Athènes est accusé d’une part de ne pas empêcher l’arrivée des migrants sur son territoire, et d’autre part d’en favoriser la sortie vers les autres pays européens. Bruxelles a donné trois mois à Athènes pour améliorer la situation, sous peine d’exclusion temporaire de la zone Schengen. L’Autriche, justement, a déclaré à la mi-janvier travailler à rendre son territoire « moins attractif » aux migrants, avec en premier lieu une mobilisation de l’armée aux frontières et de nouvelles lignes de barbelés « à la hongroise ».

…. et les populations

La multiplication des faits divers impliquant, de façon réelle ou supposée, des migrants, fait monter l’hostilité des populations, avec à plusieurs endroits en Allemagne et en Suède des déploiement de milices citoyennes, voire des expéditions punitives par des groupuscules néo-nazis. Les agressions sexuelles de la fin 2015 en Allemagne ont commencé à faire basculer l’opinion. En Suède, une assistante sociale a été poignardée à mort par un jeune migrant, projetant l’attention médiatique sur la multiplication des agressions que constate la police locale. En Suède toujours, un jeune Lituanien a été tué par un migrant qu’il tentait d’empêcher – dit la rumeur – de violer une jeune femme. Les pincettes sont à prendre sur ces sujets ; en Belgique par exemple, les migrants ont été temporairement interdits d’accès à une piscine municipale après qu’un d’eux a « agressé » une enfant ; mesure rapidement suspendue quand il a été découvert qu’il avait en fait tenté de l’aider.

Mais les répétitions des violences réellement commises par des migrants commencent à générer des réactions fortes dans les populations : agression de policiers dans un camp de migrants en Suède et aux abord de la « jungle » à Calais, vols, attitudes menaçantes donnent le meilleur ciment aux groupes d’extrême-droite et font oublier les autres exemples de migrants se dévouant pour aider des Européens en danger.

Le 30 janvier, à Stockholm, une centaine d’homme cagoulés ont attaqué les migrants et toute personne à la peau mate qu’ils croisaient, tout en distribuant des prospectus appelant à « donner la punition qu’ils méritent aux enfants des rues nord-africains qui traînent. » La Finlande s’inquiète de la croissance des « soldats d’Odin », milice anti-immigrés. Et à Calais, d’autres milices citoyennes tournent autour de la « jungle » pour « protéger » les riverains.

De l’autre côté de l’Europe, 55 000 nouveaux migrants ont fait la traversée jusqu’à la Grèce pour le seul mois de janvier. Plus de 200 sont morts noyés, mais le temps de l’émotion semble passé.

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