Le problème, avec les téléphones portables, c’est que les gens passent trop de temps scotchés dessus. Et c’est celui qui les a inventés, il y a cinquante ans, qui le dit.
Pour Martin Cooper, ingénieur américain surnommé le « père du mobile », le petit gadget a un potentiel presque infini et pourrait même un jour aider à éradiquer les maladies. Mais là, tout de suite, il juge qu’on y est peut-être un peu trop accros. « Je suis anéanti de voir des gens traverser la rue en regardant leur téléphone portable. Ils ont perdu la tête », confie l’inventeur de 94 ans à l’AFP, depuis son bureau de Del Mar, en Californie. « Mais quand quelques personnes auront été renversées par des voitures, ils comprendront », plaisante-t-il.
Montre connectée d’Apple au poignet, iPhone dernier cri à la main, il passe intuitivement de ses emails à ses photos et de YouTube à l’application permettant de régler sa prothèse auditive. Il se procure chaque nouveau modèle et teste en profondeur leurs capacités. Mais, confesse-t-il, les millions d’applications disponibles donnent un peu le tournis. « Je ne serai jamais, jamais capable de comprendre comment utiliser un téléphone portable de la façon dont mes petits et arrière-petits-enfants le font », dit-il.
Le premier mobile : plus d’un kilo et 25 minutes d’autonomie
Le portable de Martin Cooper, qui lui sert avant tout à téléphoner, n’a pas grand-chose à voir avec le lourd bloc de fils et circuits électroniques qu’il a utilisé pour passer le premier appel mobile de l’histoire, le 3 avril 1973. Il était alors à la tête d’une équipe de concepteurs et ingénieurs de Motorola, qui avait investi des millions de dollars pour tenter de devancer Bell System, un géant américain des télécoms, dans la conception du premier système de téléphonie mobile. Bell System avait évoqué cette idée dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais n’était parvenu qu’à installer, à partir de la fin des années 1960, des téléphones dans les voitures, notamment à cause de leur énorme batterie.
Pour Martin Cooper, cela ne permettait pas de réelle mobilité. Alors, après trois mois de travail sans interruption, son équipe parvenait enfin à mettre au point le mobile DynaTAC. « Ce téléphone pesait plus d’un kilo (…) et sa batterie permettait de tenir une conversation pendant environ 25 minutes », se rappelle-t-il. Mais « ce n’était pas un problème », car l’appareil « était si lourd que vous ne pouviez pas le soulever pendant 25 minutes », précise-t-il.
Pour son premier appel, Martin Cooper eut l’idée de génie d’appeler son rival à Bell System, le docteur Joel Engel. « Je lui ai dit : Joel, c’est Martin Cooper (…) je te parle depuis un téléphone mobile. Mais un vrai mobile, personnel, portable, tenu à la main. » « Il y a eu un silence à l’autre bout du fil. Je crois qu’il serrait les dents. » Ces premiers téléphones portables n’étaient pas donnés : environ 5000 dollars pièce.
Le mobile devenu une extension de la personne
Les premiers à les adopter, selon l’inventeur, furent les agents immobiliers. Grâce au mobile, ils pouvaient à la fois faire visiter des maisons et répondre aux nouveaux clients. « Ça a doublé leur productivité », estime-t-il. « Aujourd’hui, le mobile est devenu une extension de la personne, il peut faire bien plus de choses », raconte Martin Cooper. « Et ce n’est que le début, on commence seulement à comprendre ce dont il est capable. »
« À l’avenir, on peut s’attendre à ce que le mobile révolutionne l’éducation, la santé », dit-il encore. De la même façon que sa montre surveille son pouls quand il nage, les téléphones seront selon lui un jour reliés à des capteurs corporels qui percevront les maladies avant qu’elles ne se déclarent.
L’ancien ingénieur savait que les mobiles finiraient par changer le monde, même s’il n’avait pas imaginé tout ce dont ils seraient capables. « On savait qu’un jour tout le monde aurait un téléphone. Nous y sommes presque. » Quant aux personnes hypnotisées par leur téléphone, il pense que cela changera. « Chaque génération sera plus intelligente. Ils apprendront à utiliser les smartphones de façon plus efficiente », prédit-il. « Tôt ou tard, les humains finissent toujours par avancer. »
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