Petit ver marin qui construit d’immenses récifs sur les côtes européennes, l’hermelle devrait voir son aire de prédilection progresser fortement sous l’effet du réchauffement climatique. Mais elle pourrait aussi souffrir localement, comme sur les côtes françaises, selon une étude dévoilée jeudi.
Publiée dans la revue internationale Global Change Biology, cette étude montre que « l’hermelle est une espèce plutôt gagnante du changement climatique à l’horizon 2050 », souligne Stanislas Dubois, chercheur en écologie benthique côtière à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), cité dans un communiqué.
Vers marins de 3 cm de long
Alors que l’habitat de nombreuses espèces est menacé par le réchauffement de la planète, cette publication, qui se base sur un scénario d’augmentation des températures de 2°C en 2050, pourrait faire office de rare bonne nouvelle en pleine COP27 en Egypte.
Car les hermelles fournissent de nombreux services écologiques. Ces vers marins de 3 cm de long, qui vivent dans des tubes qu’ils construisent en collant le sable et des fragments de coquillages, filtrent l’eau de mer et servent de nourriture aux crabes ou aux poissons.
Mais surtout, les récifs qu’ils construisent sur des centaines d’hectares, du Maroc à l’Écosse, abritent une riche biodiversité et protègent la côte contre l’érosion.
« Ils absorbent l’énergie des vagues, ont un effet tampon », décrit à l’AFP Amélia Curd, ingénieure de recherche à l’Ifremer et coautrice de l’article.
Le plus grand récif d’hermelles dans la baie du Mont Saint-Michel
La baie du Mont Saint-Michel, dans le nord-ouest de la France, accueille ainsi le plus grand récif d’hermelles, celui de Saint-Anne, qui s’étend sur une centaine d’hectares et constitue « la plus grande construction animale d’Europe en surface continue », souligne la chercheuse.
D’après le modèle établi par les chercheurs de l’Ifremer en collaboration avec les universités de Porto (Portugal), Bangor (Pays de Galles) et Plymouth (Angleterre), l’aire de répartition des hermelles devrait progresser de 27,5% d’ici à 2050.
De façon assez prévisible, les zones propices à leur habitat se déplaceraient vers le Nord, en particulier la mer d’Irlande, la Manche et les côtes écossaises.
« Le chiffre global est plutôt optimiste mais c’est beaucoup plus nuancé quand on regarde dans le détail », prévient cependant Amélia Curd.
Car les chercheurs ne se sont pas limités à une évaluation globale. Ils ont aussi pris en compte toute une série de variables environnementales pour examiner l’évolution de l’espèce à une échelle plus fine: températures de l’eau et de l’air mais aussi salinité, hauteur des vagues ou amplitude des marées, orientation des vents, etc.
Les larves se développent dans l’eau
Selon leurs conclusions, les récifs d’hermelles pourraient être plus dispersés dans certaines régions, engendrant des extinctions locales de l’espèce.
Une des caractéristiques de cette espèce réside en effet dans le fait que ses larves se développent dans l’eau et se laissent emporter par le courant, avant de se fixer à un récif.
« Habitat naturel sensible et utile pour nos écosystèmes littoraux »
« Plus les récifs sont éloignés les uns des autres, plus il est difficile pour les larves de les atteindre. De proche en proche, ces ruptures d’abord locales pourraient devenir alors régionales », explique M. Dubois.
En 2050, l’hermelle pourrait ainsi avoir disparu de certaines zones centrales de son aire de vie actuelle, notamment le long de la côte atlantique française, où ses récifs couvrent plusieurs centaines d’hectares, parfois de plus d’un mètre de haut.
Ces extinctions locales pourraient avoir des effets en cascade sur les écosystèmes hébergés par les récifs.
Déjà menacés par les piétinements des pêcheurs à pied ou la prolifération des algues vertes, les récifs d’hermelles ne bénéficient d’ailleurs toujours d’aucune protection effective à l’échelle nationale et européenne.
Une protection que les auteurs de l’étude appellent de leurs vœux pour « empêcher la détérioration de cet habitat naturel sensible et utile pour nos écosystèmes littoraux », avance M. Dubois.
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