La course à l’hydrogène sur fond de transition climatique est aussi une course à la réindustrialisation et un enjeu géopolitique entre la France et l’Allemagne, déclare à l’AFP Philippe Boucly, président de France Hydrogène, en marge du salon « Hyvolution » mercredi à Paris.
Outre la sobriété et l’efficacité, nous allons aller vers plus d’électrification pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des énergies fossiles. La plupart des modèles de prévision prévoient qu’en 2050, l’électricité représentera entre 50 et 60% de l’énergie finale consommée dans le monde, contre 20 à 25% aujourd’hui. Le reste viendra d’autres sources que ce que l’on connaît actuellement, chaleur renouvelable ou gaz renouvelables. Dans cette catégorie, l’hydrogène devrait représenter entre 10 et 20% de la consommation finale d’énergie.
Son rôle est double, à condition qu’il soit lui même issu d’énergie bas carbone : décarboner les secteurs difficiles à électrifier comme l’industrie lourde (sidérurgie, raffinerie, cimenterie) et les transports lourds ou intensifs (camions, bateaux, trains, avions). Il facilitera aussi l’intégration de l’électricité éolienne et solaire dans les systèmes énergétiques, car il permet de stocker l’électricité renouvelable via les piles à combustible.
Dans les systèmes électriques nationaux, il faut à chaque seconde une adéquation entre l’offre et la demande d’électricité. Or l’énergie éolienne et solaire n’est pas commandable, elle est produite lorsqu’il y a du vent ou lorsqu’il y a du soleil, même si on n’en n’a pas besoin à l’instant t. Il faut donc trouver des moyens de flexibilité pour ajuster l’offre et la demande à chaque seconde. Or les plus gros systèmes de batteries qui existent dans le monde sont notoirement insuffisants. Le seul moyen, c’est via l’hydrogène, on n’en connaît pas d’autres.
Avec l’électricité éolienne ou solaire, on peut électrolyser l’eau (séparer l’hydrogène de l’oxygène dans la molécule d’eau H2O), stocker l’hydrogène obtenu dans des stockages souterrains et le restituer en hiver en faisant l’électrolyse à l’envers, ça s’appelle la pile à combustible.
En France, cette deuxième fonction sera surtout pour les milieux insulaires. Pour la France métropolitaine, ce besoin là n’apparaîtra pas avant 2035-2040.
Actuellement, la France dispose d’installations pour produire 13 mégawattheures d’électricité via l’hydrogène décarboné et l’objectif est d’arriver entre 6,5 et 10 gigawattheures de capacité d’électrolyseur installée en 2030 (un gigawattheure = 1000 mégawattheure). Or les usines qui vont fabriquer les électrolyseurs ne sont pas construites encore!
McPhy va en faire une à Belfort, John Cockrill a un projet en Alsace, Élogene à Vendôme, et Genvia, à plus long terme, va se développer à Béziers.
Si les projets de production d’électricité par biomasse se développaient vite, on aurait besoin de moins d’électrolyse. C’est un peu la course. Et c’est un des enjeux de la réindustrialisation.
Les projets sont dans les cartons, mais les conditions ne sont pas réunies tant sur un plan institutionnel, réglementaire européen, que sur un plan financier.
Lors du dernier conseil des ministres franco-allemand le 22 janvier, les projets se sont un peu débloqués. L’Allemagne semble avoir admis que l’hydrogène produit à partir d’électricité nucléaire peut être considéré comme « décarboné », ce que nous réclamions depuis longtemps. Car pour nous, l’ennemi n’est pas le nucléaire, c’est le carbone. Il faut maintenant que l’Europe définisse précisément dans quelles conditions l’hydrogène bas carbone peut être produit.
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