La directrice allemande d’un centre culturel à Bagdad, Hella Mewis, a été libérée et remise vendredi à son ambassade en Irak, après trois jours de captivité, ont indiqué les autorités des deux pays.
Mme Mewis, qui travaille à Bagdad depuis 2013, avait pris fait et cause pour les manifestations anti-pouvoir déclenchées en Irak en octobre 2019. Des dizaines de militants ont disparu, plus ou moins brièvement, l’ONU accusant des « milices » de ces disparitions forcées.
Son enlèvement
Camera footage of Hella Mewis kidnap in Abu Nuwas while she was leaving her office pic.twitter.com/87B7Mm4dWq
— Jaafar Alwaely (@JT87alwaely) July 21, 2020
On ignore toujours l’identité des ravisseurs et les raisons de l’enlèvement de l’Allemande, l’un des rares étrangers vivant hors de la Zone Verte ultra-sécurisée dans la capitale irakienne, où siègent la plupart des missions diplomatiques.
Mais une source de sécurité irakienne a précisé à l’AFP que sa libération dans la nuit avait été obtenue au terme d’un échange.
Libéré en échange de l’otage allemande
L’unité d’élite du renseignement irakien, les Faucons, est parvenue à remonter la piste d’un des ravisseurs, qui a été interpellé. Ce dernier a « dit appartenir à une faction se réclamant du Hachd al-Chaabi », une coalition de paramilitaires pro-iraniens, désormais intégrée aux forces de sécurité, selon la même source. Un accord a alors été trouvé en vertu duquel « l’homme a été libéré en échange de l’otage allemande ».
Hella Mewis a #German artist and curator based in Baghdad. Was kidnaped today at 20:00 in the center of #Baghdad #freedom_for_hella pic.twitter.com/wtN5p2LiMr
— Murtada (@MurtadaFaisal) July 20, 2020
Au moment de sa libération dans la nuit, a poursuivi cette source, Mme Mewis se trouvait à Sadr City, un quartier chiite de Bagdad où les forces de l’ordre tentent depuis des années d’imposer la loi mais en vain.
Mme Mewis a ensuite « été remise au chargé d’affaires allemand à Bagdad », indique un communiqué du ministère irakien de l’Intérieur, qui ne donne aucune précision.
Breaking: German curator Hella Mewis, kidnapped in Iraq, freed today officials say – more reporting to follow pic.twitter.com/lpU0DTNFWt
— ArtReview_ (@ArtReview_) July 24, 2020
Vendredi, Mme Mewis, dont le centre d’art, Tarkib, est connu pour soutenir de jeunes artistes, était toujours injoignable et ses amis ont assuré ne pas avoir eu de ses nouvelles.
Les autorités irakiennes n’ont jamais arrêté ni accusé une quelconque partie dans les enlèvements de militants irakiens ces derniers mois dans un pays où les factions armées pro-iraniennes gagnent en influence, surtout via les représentants du Hachd al-Chaabi dans les forces de sécurité ou au Parlement.
Mme Mewis assiste régulièrement à des événements publics
Le porte-parole du Hachd s’est félicité sur Twitter de la libération de Mme Mewis, tout en appelant les forces de sécurité à « enquêter sur la présence clandestine de cette étrangère depuis huit ans à Bagdad sans autorisation de la sécurité ».
Mme Mewis assiste pourtant régulièrement à des événements publics, souvent avec des officiels.
ثورة الوعي على الظلام
Hella Mewis is an amazing, kind woman & friend who more than anything loves to work with Iraq’s youth &artists. Mother Mary protect her so that she is released unharmed immediately from the hands of those who want only darkness to cover every corner of #Iraq pic.twitter.com/Sx5pz5HDhy— Angela Boskovitch (@aboskovitch) July 20, 2020
Le juge Abdelsattar Bayraqdar, porte-parole du Conseil suprême de la magistrature, a, lui, indiqué que « l’enquête sur ce crime se poursuit ».
Des médias locaux ont diffusé des images de vidéosurveillance présentées comme celles de l’enlèvement de Mme Mewis, sur la corniche du Tigre dans le centre de Bagdad.
Prise en étau entre une berline noire et un pick-up blanc, un modèle utilisé par certaines forces de sécurité, l’Allemande est forcée de descendre de son vélo par des hommes qui la poussent violemment à l’intérieur du pick-up. L’enregistrement dure moins d’une minute.
Les policiers du commissariat à quelques mètres de là ne sont pas intervenus, a affirmé à l’AFP un responsable des services de sécurité.
Après sa libération, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, s’est dit « très soulagé » et des sources diplomatiques ont affirmé à l’AFP que Mme Mewis était « en bonne santé ».
Crainte de ses amies
Selon une amie de Mme Mewis, l’Allemande était inquiète depuis l’assassinat début juillet à Bagdad du chercheur Hicham al-Hachémi, connu lui aussi pour son soutien à la révolte anti-pouvoir.
Cette mort violente a relancé les craintes de nouveaux assassinats politiques, coutumiers durant les années de guerre dans le pays (2006-2009), mais devenus ensuite très rares.
German activist Hella Mewis was reportedly freed by Iraqi security forces after being kidnapped earlier this weekhttps://t.co/oB8cZr0MHC
— The New Arab (@The_NewArab) July 24, 2020
Depuis le début de l’année, deux journalistes français ont été retenus en otage plusieurs jours, ainsi que trois humanitaires, libérés après deux mois de captivité et enlevés avec un Irakien dans le même quartier de Karrada que Mme Mewis.
Le turbulent leader chiite Moqtada Sadr, silencieux depuis que les manifestations anti-pouvoir se sont essoufflées au début de l’année alors qu’il s’est longtemps posé en protecteur des contestataires, a dit sur Twitter « espérer que ce genre d’incident n’arrive plus à l’avenir ».
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