L’Île-de-France en tête du chômage des moins de 25 ans

5 octobre 2016 09:15 Mis à jour: 5 octobre 2016 10:02

En août, Pôle emploi comptait près de 94 400 jeunes de moins de 25 ans, dont 73 700 n’ayant aucune activité ni n’étant en formation. De quoi faire de la région parisienne la championne du chômage des jeunes. Les Hauts-de-France, juste derrière, enregistrent une dizaine de milliers de jeunes chômeurs en moins, avec 64 700 jeunes chômeurs. L’Île-de-France, qui enregistre un taux de chômage moins élevé que la moyenne nationale, -8,8% en juillet 2016 contre 9,9% en métropole, semblerait pourtant rencontrer plus de difficultés dans l’embauche de ses jeunes.

D’après Myriam El Kohmry, cette hausse s’expliquerait par la faible activité du tourisme dans la capitale, suite aux attentats. Or, les jeunes constituent le plus gros des effectifs des saisonniers. La ministre fait également remarquer que le chômage affiche une baisse et que le chômage des jeunes est 0,8% moins élevé qu’en août 2015. Au deuxième trimestre 2016, le taux de chômage est de 23,7 % pour les 15-24 ans selon l’Insee. C’est plus que les autres tranches d’âges et surtout plus que les 22,4 % du quatrième trimestre 2011.

« On m’a dit que l’avenir n’était pas en France »

Le « Salon Jeunes d’Avenir », qui se tenait Porte de la Villette les 27 et 28 septembre, était l’un des nombreux évènements sur l’emploi de la jeunesse, dont on remarque les publicités à longueur de couloirs dans le métro parisien. Le salon a ouvert ses bras à 13 000 jeunes, de sans diplôme à bac +5, avec la promesse de 20 000 embauches à la clé. Ces salons font-ils recette ? La réponse s’avère difficile. Dans les couloirs, on rencontre toute sorte de profils : les habitués de ce type de forum, repérables à la pile de CV et à leur lettre de motivation standardisée, déposant à tous les stands. Les autres, plus en retrait, qui prennent la température, ont oublié leurs CV à la maison, ou ne comprennent pas pourquoi leur profil ne correspond pas aux offres.

Tout comme les visiteurs du salon, le chômage des jeunes est protéiforme. Kim, 21 ans, étudie le droit dans les facs parisiennes et fait partie de ces jeunes qui ne sortent pas beaucoup et cumulent études et emploi. Avec l’espoir, un jour, de décrocher un CDI. Et comme beaucoup d’étudiants, cette Francilienne jette un regard interrogateur sur ce que sera son avenir, d’après les expériences de son entourage.

Le chômage des jeunes n’est toujours pas réglé et les contrats précaires se multiplient. […] Il n’y a pas de réforme structurelle, on utilise toujours la même méthode.

-Collectif Génération Précaire

« Lors de mon premier jour de stage en cabinet d’avocats, angoissée, toute excitée et fière, si fière, du haut de mes 19 ans, j’ai entendu : « Ne deviens pas avocate. La période est difficile, le marché du travail est exigeant, même avec plusieurs diplômes. L’avenir n’est pas en France », témoigne-t-elle, assurant percevoir une pression dans son entourage et à l’université.

Un grand nombre de décrochages à l’université sont dus au fait que les étudiants n’arrivent pas à concilier études et travail. Plus de la moitié d’entre eux doit travailler en dehors des heures de cours. Et même si toutes les statistiques prouvent qu’on s’en sort mieux avec une maîtrise ou une licence que sans le bac, d’autres difficultés attendent ceux qui parviennent au bout de leur cursus.

« J’ai mis du temps à comprendre qu’un bac + 5 ne suffit plus aujourd’hui. Que pour trouver un stage sans contact, même non payé, ou un job étudiant pour l’été, j’allais devoir me battre. Je suis partie étudier à l’étranger, consciente que l’expérience et la maîtrise des langues m’ouvriraient plus de portes. J’ai distribué des compotes aux arrêts de bus, j’ai vu mes amis travailler dans des magasins, des fast-foods ou des usines à côté de leurs études ; fatigués, dépités de devoir parfois manquer des cours. J’ai vu, en première année, un professeur diviser de sa main l’amphithéâtre de 500 personnes en trois, et dire qu’à la fin, il n’en resterait plus qu’un tiers ou moins », continue la jeune fille.

Difficulté d’évaluer le chômage

D’après la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), le chômage des jeunes répond à des dynamiques complexes. Par exemple, un premier emploi entraîne une période de chômage inévitable, mais celle-ci reste relativement courte comparée aux individus plus âgés. « Aussi, les périodes de chômage et de contrats courts sont pour beaucoup un passage obligé », note le rapport de la CCI, qui relève cependant que ces contrats ont des effets « durables mais ambigus sur l’insertion dans l’emploi ». « Accepter un premier contrat temporaire, plutôt que de rester au chômage, accroît les chances à terme d’accéder à un emploi stable ; à l’inverse, le cheminement de contrat court en contrat court risque de rendre plus difficile la stabilisation dans l’emploi », note l’organisme.

De plus, la CCI observe un accès à l’emploi au prix d’un déclassement – l’acceptation d’emploi d’une qualification inférieure à celle de l’étudiant. Une tendance qui conduirait à court terme à« l’éviction des moins diplômés et à une utilisation peu efficace du facteur travail ». À plus long terme, le déclassement sera un facteur d’accroissement de l’instabilité dans l’emploi.

Difficile de dire, dans cette mesure, si les contrats temporaires proposés aujourd’hui seront une chance pour accéder à un emploi en CDI, ou s’ils ne seront que des étape sur le chemin d’une succession de contrats. Patrick, du collectif « Génération Précaire », s’inquiète du manque de résultat des mesures prises par le gouvernement. « Le chômage des jeunes n’est toujours pas réglé et les contrats précaires se multiplient. Bien sûr, les aides pour les plus en difficulté sont une bonne chose. Mais il n’y a pas de réforme structurelle et on utilise toujours la même méthode, celle des contrats aidés, qui durent d’un à trois ans. Cette flexibilisation du marché du travail fragilise les jeunes et repousse toujours plus l’accès au CDI », remarque-t-il.

Pour faire face à la situation, le système D est toujours de mise. Kim, de son côté, continue d’y croire, consciente de « faire partie des privilégiés ». « J’ai pu bénéficier d’une éducation gratuite, de qualité. On m’a appris qu’une carrière est parfois un sacrifice, toujours une force et une fierté. Se réveiller, se sentir utile. Aimer ce qu’on fait », sont les clés selon elle pour avancer sur ce chemin.

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