Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté vendredi pour prescription les demandes d’indemnisation de proches de personnes décédées des suites des essais nucléaires français menés dans le Sahara algérien et en Polynésie entre 1960 et 1998.
Trois veuves et leurs enfants réclamaient la reconnaissance de leurs préjudices propres après la perte d’un conjoint décédé d’un cancer suite à l’exposition aux rayonnements ionisants. La loi du 5 janvier 2010 permet la reconnaissance et l’indemnisation des victimes directes de ces essais nucléaires, mais ne prévoit aucun dispositif pour leurs proches pour leur préjudice moral, familial ou matériel.
Si ces familles avaient déjà obtenu, en tant qu’ayants droit et après avoir dû porter l’affaire en justice, une indemnisation accordée à leurs proches décédés, elles n’ont jamais obtenu d’indemnisation pour leur préjudice propre. Dans son jugement, consulté par l’AFP, le tribunal administratif de Strasbourg juge que comme le dispositif spécifique de la loi du 5 janvier 2010 n’intègre pas les proches des victimes, les règles du droit commun de la responsabilité doivent s’appliquer, avec prescription au bout de quatre ans. Le tribunal a calculé le point de départ de la prescription, soit la date à laquelle les plaignants étaient en mesure de déterminer l’origine de leur préjudice propre, au moment où ils avaient déposé la première demande d’indemnisation, en tant qu’ayants droit.
« Une décision incompréhensible pour les familles »
Il observe qu’entre cette première demande et la nouvelle, au moins quatre ans se sont écoulés, et rend donc un jugement de prescription. « C’est une décision incompréhensible pour les familles », a réagi leur avocate, Me Cécile Labrunie. « Pour nous le point de départ de la prescription, c’est le moment où ces familles avaient finalement obtenu l’offre d’indemnisation en tant qu’ayants droit, et donc la reconnaissance pour leur proche d’un statut de victime des rayonnements. »
Elle a souligné que le tribunal n’avait pas estimé que l’État n’avait pas commis de faute, mais simplement que la procédure avait été initiée trop tardivement. « Le combat ne fait que commencer. Il y a une discussion sur le point de départ de la prescription que nous porterons en appel. Le ministère des Armées ne pourra pas toujours se retrancher derrière des questions de recevabilité pour se dédouaner de sa responsabilité. »
Elle a également exprimé sa volonté de mener un « travail d’information » auprès des parlementaires pour les sensibiliser « aux carences » de la loi du 5 janvier 2010, « seul dispositif légal qui ne prévoit pas l’indemnisation des victimes par ricochet ».
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