Tandis que des études récentes analysent les effets néfastes des avancées de l’intelligence artificielle (IA) sur l’emploi, les initiatives d’entreprises visant à supprimer des postes en faveur des applications de nouvelle génération d’IA comme ChatGPT commencent à se multiplier.
Une fois n’est pas coutume, à l’occasion de la fête du Travail du 1er mai, le forum économique mondial a publié un rapport prédisant des millions de pertes nettes d’emplois.
Selon ce rapport, les percées des nouvelles technologies telle que l’IA générative transformeront le marché de travail. Cette transformation, amplifiée par les turbulences économiques et géopolitiques ainsi que les crises sociales et environnementales, supprimerait plus d’emplois qu’elle n’en créerait : 83 millions d’emplois seraient détruits contre 69 millions de nouveaux postes ouverts, soit 14 millions de pertes nettes d’emplois d’ici à 5 ans.
Ce rapport est dans la même lignée que l’étude publiée en avril dernier par Goldman Sachs, réalisée par les deux économistes Joseph Briggs et Devesh Kodnani. Ces derniers ont averti qu’une nouvelle vague de technologies d’IA, telles que ChatGPT, pourrait avoir un « impact majeur » sur le marché du travail à l’échelle mondiale. Ainsi, des changements en masse dans les flux de travail déclenchés par cette nouvelle génération d’IA pourraient « exposer l’équivalent de 300 millions d’emplois à temps plein à l’automatisation ».
Encore plus tôt dans l’année, des chercheurs de l’université Zeppelin ont tenté de prédire la contribution de l’IA à la croissance du taux de chômage. Pour ce faire, ces économistes ont réalisé des simulations basées sur des données de 1998 à 2016 d’un échantillon comprenant 23 des économies les plus développées et les plus technologiques. Ils ont trouvé que l’apport de l’IA est l’un des principaux contributeurs à la hausse du chômage, plus significatif que l’inflation.
Une autre étude publiée fin mars dernier — cette fois-ci menée par des chercheurs de l’université de Pennsylvanie et des employés d’OpenAI — a révélé qu’environ 80 % des travailleurs américains pourraient voir au moins 10 % de leurs tâches affectées par l’introduction de grands modèles de langage tels que ChatGPT, et qu’environ 19 % d’entre eux pourraient voir au moins 50 % de leurs tâches impactées.
D’IBM à Dropbox…
Dans la réalité, le pionnier de l’IA générative OpenAI a démontré avec son interface ChatGPT et d’autres outils que les nouvelles technologies d’IA sont capables de rédiger des emails, de créer des sites web, de générer des lignes de codes, et, en général, d’exécuter de nombreuses tâches répétitives.
Étant donné le potentiel de l’IA et des technologies d’automatisation à exécuter ce type de tâches, le patron d’IBM Arvind Krishna a déclaré à Bloomberg lundi dernier qu’il envisageait de réduire drastiquement le personnel administratif du géant informatique.
Le dirigeant prévoit donc le gel des recrutements dans ce département, qui représente une fraction des quelque 260.000 salariés du groupe américain : « Il me semble que 30% (des 26.000 employés administratifs) pourraient facilement être remplacés par l’IA et l’automatisation sur une période de cinq ans » ; soient environ 7800 postes.
IBM n’est pourtant pas le premier acteur dans le monde de la technologie à déclarer officiellement sa volonté de remplacer des postes de travail par de l’IA.
En effet, Dropbox a annoncé jeudi 27 avril son intention de supprimer 500 employés, c’est-à-dire environ 16% de ses effectifs, dans un communiqué écrit par son PDG, Drew Houston, sur le blog de la société.
« Dans un monde idéal, nous déplacerions simplement les gens d’une équipe à l’autre. Et nous l’avons fait dans la mesure du possible. Cependant, notre prochaine étape de croissance nécessite une combinaison différente de compétences, en particulier dans l’IA et le développement de produits à un stade précoce », a écrit Drew Houston, avant de conclure :
« Ces transitions ne sont jamais faciles, mais je suis déterminé à faire en sorte que Dropbox soit à l’avant-garde de l’ère de l’IA, tout comme nous étions à l’avant-garde de la transition vers le mobile et le cloud ».
… en passant par Axel Springer
Mais l’émergence des nouvelles technologies d’IA, à l’instar de ChatGPT, a déjà provoqué des intérêts bien au-delà de la sphère de la technologie. En effet, le groupe de médias allemand Axel Springer a annoncé fin février des suppressions d’emplois chez le tabloïd Bild et le généraliste Die Welt, au motif que l’intelligence artificielle pouvait désormais « remplacer » les journalistes.
« L’intelligence artificielle va révolutionner le journalisme et l’industrie des médias, en soutenant – ou remplaçant » le journaliste, a affirmé le dirigeant du groupe Mathias Döpfner, dans une lettre aux salariés.
Selon lui, « la création journalistique », soit les reportages, la recherche d’information ou les éditoriaux, resteront aux mains des journalistes tandis que ce qui réclame moins de valeur ajoutée sera de plus en plus automatisé. Le patron allemand anticipe en conséquence « une réduction significative » des postes de « mise en page », de « correction » ou « administratifs » par exemple.
Avertissement d’experts
En mars dernier, Elon Musk, l’un des premiers fondateurs d’Open AI, société à l’origine de ChatGPT, s’est joint à plus de 1100 personnes, dont des experts et des cadres de différents domaines technologiques tels que Steve Wozniak, cofondateur d’Apple, et Emad Mostaque, fondateur et PDG de Stability AI, pour signer une lettre ouverte appelant tous les laboratoires d’IA à « interrompre immédiatement » la formation de systèmes plus puissants que ChatGPT-4 pour une durée d’au moins six mois.
Dans leur lettre, on peut lire notamment : « Les systèmes d’IA actuels sont désormais capables de rivaliser avec les humains pour des tâches générales. Ainsi, nous devons nous poser la question : devons-nous laisser les machines inonder nos canaux d’information de propagande et de mensonges ? Devons-nous automatiser tous les emplois, y compris les plus gratifiants ? Devons-nous développer des esprits non-humains qui pourraient un jour devenir plus nombreux, plus intelligents, nous rendre obsolètes et finalement nous remplacer ? Devons-nous risquer de perdre le contrôle de notre civilisation ? De telles décisions ne doivent pas être déléguées à des leaders technologiques non élus ».
À en croire ces pionniers de la technologie, la suppression en masse d’emplois ne serait pas la seule menace que présente l’IA.
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